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Le mystérieux enlèvement du prophète d’Elie (narration)

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ImageCette narration a été écrite pour le temps de l’Ascension. Raconter ce récit venu de l’Ancien Testament peut en effet nous aider à mieux comprendre le « départ » du Christ, et sa portée quant aux relations des croyants avec lui. Mais il peut bien sûr être utilisé pour lui-même, dans d’autres cadres.

Notes bibliques 

Deux hommes dans la montagne

 ImageSur la montagne qui est au cœur du pays d’Israël, le soleil vient de se lever. A mesure qu’il s’élève dans le ciel, on voit tout d’abord les formes étranges des rochers sculptés par le vent. Puis la lumière atteint les ravins creusés par les torrents qui descendent vers le fleuve du Jourdain. Tandis que de l’autre côté, les vallées qui conduisent à la plaine et à la mer sont encore plongées dans l’ombre.
Sur un sentier caillouteux, à quelque distance de Guilgal, on peut voir deux silhouettes. La première est celle d’un homme massif, vêtu d’un manteau. Il avance d’un pas régulier, sans jamais ralentir. De loin, on dirait comme un rocher en mouvement. C’est le prophète Elie. Juste derrière lui marche un homme plus jeune. Par moment il est presque obligé de courir pour ne pas être distancé, et parfois il s’arrête un bref instant comme s’il était essoufflé. Son nom est Elisée. Il ne regarde pas le chemin : Son regard est fixé sur les épaules de son maître, comme si un lien invisible le tirait en avant.

« Je ne te quitterai pas »

Tout à coup, Elie se retourne et s’arrête. Il regarde Elisée, mais son visage parait tourné vers un pays que lui seul peut voir. Il parle ; sa voix est comme une écorce, douce et rugueuse. Comme un souffle qui aurait traversé orages et tempêtes.

  • Reste ici, cesse de me suivre, le Seigneur m’envoie à la ville de Béthel.
  • Non, s’écrie Elisée, par le Seigneur vivant et par ta propre vie, je le jure, je ne te quitterai pas.

Et ils continuent leur route.

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En arrivant à Béthel, à l’entrée de la ville, ils voient des personnes qui s’avancent vers eux. Ce sont des prophètes. Depuis quelque temps, dans le pays, on en rencontre, qui vont et viennent, attendant l’inspiration de Dieu. De temps en temps, ils se mettent à chanter, à danser, de plus en plus vite, de plus en plus fort, ils sautent, ils crient, jusqu’au moment où ils tombent, épuisés.
Les prophètes n’osent pas parler à Elie. Mais ils vont vers Elisée :

  • Tu sais qu’aujourd’hui, le Seigneur va enlever ton maître au ciel ?

 Une ombre passe sur le visage d’Elisée.

  • Oui, je le sais. Mais laissez moi tranquille.

A peine ont-ils quitté les prophètes qu’Elie une nouvelle fois se retourne :

  • Elisée, cesse de me suivre ! Reste ici, le Seigneur m’envoie à Jéricho.
  • Non, s’écrie Elisée, par le Seigneur vivant et par ta propre vie, je le jure, je ne te quitterai pas.

Et ils prennent tous deux la route de Jéricho.
Au long du chemin

C’est une longue route. Parfois elle suit le tracé d’un torrent. Parfois elle s’élève d’un côté ou de l’autre du ravin. Elie ne dit pas un mot. Il marche toujours à grandes enjambées. Mais comme le chemin descend, Elisée le suit de très près. Par moment, écrasé par la chaleur et la fatigue, Elisée ferme les yeux. Mais il continue à marcher. Il sent devant lui l’odeur du manteau d’Elie. Une odeur de laine et de soleil, une odeur de désert et d’herbes sèches, et puis, très légère, une odeur de nuit remplie d’étoiles et de source d’eau fraîche.

Ils arrivent à Jéricho; là aussi, un groupe de prophètes se dirige vers eux.

  • Elisée, sais-tu qu’aujourd’hui, le Seigneur va enlever ton maître au ciel ?

De nouveau le visage d’Elisée se ferme.

  • Oui, je le sais. Ne me parlez pas de cela.

Alors une troisième fois Elie se retourne vers Elisée :

  • Cesse de me suivre, je t’en prie; reste ici, car le Seigneur m’envoie au Jourdain.

Et une troisième fois Elisée répond :

  • Par le Seigneur vivant et par ta propre vie, je le jure, je ne te quitterai pas.

A travers le fleuve

ImageLe soleil est maintenant derrière eux. Sur le chemin, Elisée voit leurs deux ombres qui s’allongent. Au loin, un ruban de verdure borde le tracé du fleuve.
Elie et Elisée sont maintenant sur la rive du Jourdain. A quelque distance, le groupe des prophètes qui les a suivis les regarde.

Le prophète Elie enlève son manteau, il le roule, et avec force, comme avec un bâton, il en frappe les eaux du fleuve. Et les eaux du fleuve s’écartent. Devant eux, il y a maintenant un chemin. Elie et Elisée traversent le Jourdain à pied sec, comme autrefois les Hébreux partis d’Egypte ont traversé la mer, et franchi eux aussi le fleuve pour entrer dans la terre promise.

De l’autre côté du Jourdain, Elie et Elisée se retrouvent face à face.

  • Que veux tu que je fasse pour toi, demande Elie. Dis-moi ce que tu désires, avant que le Seigneur m’enlève loin de toi.

Elisée réfléchit à toute vitesse. Elie est un grand prophète. Et lui, Elisée, qui est-il, à côté de ce géant ?

  • J’aimerais, dit Elisée, que vienne sur moi une double part de ton esprit.
  • C’est une chose difficile, répond Elie. Le Seigneur va m’enlever loin de toi. Si tu me vois à ce moment-là, ta demande va se réaliser. Mais si tu ne me vois pas, ta demande ne se réalisera pas.

Dans un tourbillon de feu

Elisée et Elie ont repris leur route. Les deux hommes vont désormais côte à côte. Ils avancent sans hâte, au rythme d’une même parole qu’ils échangent en marchant. Un vent léger apporte la paix du soir. L’air est rempli de douceur.
Soudain voici que vient une grande lumière. Un char de feu, tiré par des chevaux de feu, se place entre eux et les sépare. C’est comme un tourbillon de flammes, un souffle de feu que l’œil ne parvient pas à saisir et à décrire. Il enveloppe Elie et s’élève vers le ciel.
Elisée voit cela. Et il crie :

  • Mon père, mon père ! Tu vaux tous les chars et tous les cavaliers d’Israël !

Ensuite Elisée ne voit plus Elie. Alors il déchire ses vêtements en deux.
Un peu plus loin, il se baisse. Il ramasse le manteau qui était tombé des épaules d’Elie. Il retourne sur ses pas, et revient vers le Jourdain.
Au bord du fleuve, il s’arrête; il prend le manteau; à son tour il frappe l’eau du fleuve, en s’écriant :

  • Où est le Seigneur, le Dieu d’Elie ? Oui ! Où est-il ?

Comme avec un bâton, Elisée frappe l’eau du fleuve, qui s’écarte de part et d’autre, et il peut traverser.

De loin les prophètes de Jéricho voient ce qu’Elisée a fait. Ils disent :

  • L’esprit de prophète qui était sur Elie repose maintenant sur Elisée.

Ils vont à sa rencontre et s’inclinent jusqu’à terre devant lui.
Ensuite, les prophètes partent à la recherche d’Elie. Ils le cherchent pendant trois jours. Ils le cherchent dans la montagne, dans les vallées, mais sans pouvoir le trouver.

Un manteau qui relie

C’est maintenant un nouveau jour qui commence. Dans la montagne qui est au cœur du pays d’Israël, au milieu des formes étranges sculptées par le vent et des ravins creusés par les torrents, on peut voir une silhouette. La silhouette d’un homme vêtu d’un manteau. Il marche d’un pas régulier, comme s’il était poussé par le vent. C’est le prophète Elisée. Elie n’est plus devant lui pour lui ouvrir le chemin. Elie n’est plus à côté de lui pour lui montrer ce qu’il doit faire. Mais Elisée avance.
Il est seul, oui. Mais le manteau d’Elie est là. Le jour en plein midi, quand le soleil brûle la terre, il est l’ombre qui protège de la chaleur. La nuit dans la froidure, sous le ciel constellé d’étoiles, il est la chaleur qui réconforte. Et Elisée sent alors qu’il est porté par l’Esprit de celui qui est maintenant auprès de Dieu.

(Crédit: Nicolas Künzler)