Lorsque qu’on se rend au cinéma entre copains, le but recherché est de passer un bon moment ensemble. Donc, le film choisi est un film d’action dont on ignore le nom du réalisateur, mais pas celui des acteurs principaux dont une publicité omniprésente a vanté les performances. Et on se laisse porter par l’histoire, et à la sortie on discute des bons moments du film. On a bien rigolé, c’était sympa ! Et si on se rendait au cinéma pour voir ce film autrement ? Un film, c’est bien plus qu’une histoire.
Un film, c’est bien une histoire, mais née dans la tête d’un spécialiste : le réalisateur.
Il a concrétisé son histoire à travers des comédiens, une caméra, sur de la pellicule, des bobines de film, un travail de montage, bref il a été obligé de passer par des tas d’opérations techniques. Et bien sûr le jeu consiste à essayer de décortiquer le film en tentant de retrouver une partie de ces opérations.
Ah évidemment, c’est difficile et fatigant !… et surtout « ça prend la tête » quand on ne l’a jamais fait ! Mais on s’aperçoit après l’exercice qu’un film c’est bien plus qu’une histoire.
Par exemple, je regarde comment est filmée une scène d’action. Je cherche où est placée la caméra, si le plan choisi est un gros plan ou bien un plan très large. Puis je remarque, par exemple, que le rythme des plans est devenu très rapide (2 secondes, 1 seconde, pour chaque image). Normal, c’est une course de voitures : ce montage rapide veut renforcer l’effet de vitesse de l’action.
Plus loin dans le film, je regarde le personnage principal : il est seul face à la mer et d’après l’histoire, je comprends qu’il va mourir. Je remarque alors qu’il y a beaucoup de lignes horizontales depuis un moment. Tout ce qui entoure le personnage est devenu calme, comme la mer, et les lignes horizontales soulignent alors cette ambiance de mort.
Et je remarque aussi que les couleurs ont changé : durant la course de voitures, les rouges vifs et les jaunes dominaient, alors que maintenant, tout est devenu vert, gris et blanc : c’est triste comme la mort. J’ai dit plus de choses sur le film parce que j’ai remarqué des éléments particuliers. Sinon, je me serais contentée de dire : « le héros meurt ».
Et si maintenant je me mettais à comparer la première image du film avec la dernière.
Et alors ? Est-on revenu au même endroit, ou pas du tout ? Entre ces deux images, quel parcours a réalisé le héros ? Y-a-t-il les mêmes couleurs au début et à la fin du film, le même décor, etc. ? Si je peux répondre, c’est que je suis devenu un spectateur actif : je me suis détachée de l’histoire, elle ne me tient plus en esclavage.
Je ne regarde plus le film, je l’observe.
Je n’entends plus les dialogues, je les écoute.
Je ne m’identifie plus au héros, je garde ma distance avec les personnages.
Je ne me laisse plus guider par le film, je guide ma réflexion.
Enfin, pour pimenter l’exercice, on peut chercher si le film a une correspondance avec notre culture chrétienne. Ça, c’est une autre aventure et elle peut paraître encore plus surprenante que la première ! Faites l’expérience et vous verrez ! Vous verrez que film après film, décorticage de film après décorticage de film, petit à petit vous ne pourrez plus voir les films comme avant, mais autrement !Tout ceci peut paraître exagéré, mais non ! Il suffit simplement de tenter une expérience avec une séquence de film connu. On découvrira alors les objets, un décor, des couleurs, des partis pris de cadrage,… qui, si on prend le temps d’en parler, ont une fonction, un rôle, un sens (ensuite on peut faire un exercice sur tout le film).
Corinne Eugène dit Rochesson, membre de Pro-Fil
On ne va pas au cinéma comme on va à l’église
Que diriez-vous de vous réunir un soir entre amis pour parler cinéma, prenant comme prétexte le dernier film dont tout le monde parle, ou celui que vous avez tant aimé et qui a disparu si vite des écrans ?
Vous découvrirez, stupéfaits, que vous n’avez pas le même regard que les autres, ou que quelqu’un aura vu quelque chose de plus ; vous serez étonné de la diversité des opinions, de l’originalité des points de vue, de la richesse d’un thème que vous croyiez banal. Vous serez heureux d’avoir l’occasion de dire ce qu’on ne vous a jamais demandé, et d’apprendre que vous êtes drôlement perspicace !
Bref, vous aurez passé une excellente soirée à peu de frais (juste un apéro et un café…) et sans le savoir, vous aurez créé votre groupe Pro-Fil.
PointKT No 29, janvier, février, mars 2000