Point KT

Le grand projet de Jésus exalté dans les Béatitudes

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Les Béatitudes sont en général considérées comme un des sommets, souvent mal compris, de l’enseignement de Jésus.
Roger Parmentier leur a consacré un ouvrage, paru en 2008 (Editions L’Harmattan)

  • Extrait de la Préface du livre :

Jésus a été génial, d’une audace inouïe (cela s’appelle la foi), avançant une proposition fantastique : construire tout de suite un autre monde, le « règne de Dieu » (dans le langage de l’époque), le monde renversé, la construction d’un autre monde, la grande réalisation du monde heureux (dans le langage d’aujourd’hui).
Mais la proposition de Jésus est émiettée dans nos évangiles, dispersée et mélangée à des récits bien intentionnés sans doute, mais n’ayant rien à voir avec l’Évangile, la proposition de Jésus.
Les Béatitudes, composées par Jésus lui-même, ou rassemblées trente ans plus tard par des auditeurs fidèles et motivés, sont la merveilleuse tentative de résumer en quelques mots sa proposition inouïe qui change le cours du monde quand on la prend au sérieux, à nos risques et périls…

  • Point de vue de M. Laurent GAGNEBIN

J’ai souvent dit, de manière volontairement provocatrice, que je n’aimais pas les Béatitudes. Il s’agissait alors de stigmatiser la compréhension qu’on en a donnée trop souvent, renvoyant dans l’au-delà leur accomplissement : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés », c’est-à-dire ils le seront après la fin des temps. Les Béatitudes ont ainsi justifié une aliénation religieuse avec laquelle le christianisme est, et doit être, une religion de la résignation, de la passivité. Surtout ne nous révoltons pas, supportons patiemment notre condition, parce que tout s’arrangera plus tard, un jour, après notre mort ! Et tant pis ou tant mieux, à la limite, si nous vivons ici-bas une vie infernale ; le paradis, en effet, viendra nous récompenser. C’est un des traits marquants des textes de Roger Parmentier de lire l’Évangile au cœur d’une révolte libératrice et non d’une soumission fataliste.

Les Béatitudes ici sont vivifiantes, invitent à l’action et à des combats. En elles résonnent par excellence les échos de l’enseignement et de la prédication de Jésus, se dessine un projet. L’Évangile est pour aujourd’hui, il ne tourne pas notre regard vers un passé dépassé. Il ne s’agit pas de faire marche arrière pour retrouver Jésus dans le flou ou la poussière des temps lointains et révolus ; il s’agit de considérer qu’il nous précède et nous appelle à l’aide. « Veillez avec moi » (Mt 26,38), nous dit-il toujours et encore.

Roger Parmentier laboure inlassablement les textes bibliques en vue de leur actualisation. C’est, depuis tant d’années, un travail fidèle et persévérant d’évangéliste pour et dans notre temps. L’aujourd’hui de Dieu est pris au sérieux. Mais si ce dernier mot (« sérieux ») dit une vocation et un travail d’exégèse exigeant, il ne doit pas cacher la joie que Roger Parmentier connaît avec ces actualisations, nous invitant indirectement alors à partager ce plaisir, à entrer dans le jeu, à prolonger et inventer à notre tour d’autres versions. Il y a là quelque chose de ludique, par conséquent.
Ces actualisations sont stimulantes pour renouveler notre lecture et notre étude de la Bible, les liturgies de nos cultes, et, surtout peut-être, notre prédication. La question n’est pas de savoir si nous sommes toujours en accord avec les interprétations de Roger Parmentier, elle est bien plutôt d’accepter comme impérative cette tâche exaltante et créatrice d’actualisation à laquelle il nous invite.

On ne trouvera pas sous la plume de Roger Parmentier de langue de bois ; on ne plongera pas là dans un torrent d’eau tiède. Roger Parmentier n’est pas neutre. C’est bien pour cela que nous pouvons, à notre tour, nous sentir libres pour nos propres engagements. Cela dit, je reste convaincu qu’un christianisme social est enraciné dans le message des Prophètes et celui de Jésus, qu’il trouve là son véritable fondement.

Je voudrais, en conclusion de ce bref envoi, moi aussi entrer dans la danse et interpréter à mon tour une Béatitude, celle qui conclut l’évangile de Jean : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu ! » (Jn 20,29). Après 2 000 ans d’histoire chrétienne et tant d’intolérance, de crimes, d’injustices, de silences complices dans nos Églises, ne pensez-vous pas que Jésus nous dit plutôt aujourd’hui : « Heureux ceux qui croiront malgré ce qu’ils auront vu » ?

Crédit : Point KT