Point KT

Ma « machine » à sentiments.

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Nos sentiments naissent à partir de nos sens et de notre pensée : nous voyons, entendons, touchons, goûtons ou sentons quelque chose, ou encore nous pensons à quelque chose.

Prenons l’exemple suivant : Pierre voit une souris…Cette information est transmise à notre cerveau par notre système nerveux. Notre cerveau va agir comme un super ordinateur, rapide et puissant. Notons que jusqu’à présent : Pierre voit une souris est simplement une information qui est transmise à notre cerveau. Il n’y a aucun sentiment lié à cette information. Elle est tout à fait neutre.

Dans notre cerveau, cette information va être comparée à un nombre incalculable de renseignements qui se sont emmagasinés tout au long de notre vie. En effet, depuis que nous avons été conçu, notre cerveau a enregistré tous les événements que nous avons vécu (que nous nous en souvenions ou pas, ils sont cependant dans la « base de données » de notre « ordinateur » personnel).
Non seulement notre cerveau a enregistré les événements, mais aussi toutes les émotions et les circonstances que nous pouvions connaître, liés à ces événements.

Pour reprendre l’exemple de la souris, quelques unes des informations que Pierre pourrait avoir sont : « Souris : animal sans danger déjà rencontré à de nombreuses reprises. Peut être touché sans conséquences. »
Si Pierre avait un frère, Daniel, nous pourrions avoir dans l’« ordinateur personnel » de Daniel, à propos des souris : « Animal qui suscite la peur, dégoûtant, à fuir ».

Question : comment deux frères peuvent-ils avoir deux conceptions aussi éloignées l’une de l’autre au sujet des souris ?
Cela dépend de plusieurs critères : Daniel peut avoir vu un film où les souris attaquaient, Pierre peut avoir eu l’occasion de voir des souris chez un copain et de les avoir touchées, Daniel peut réagir comme il a vu réagir quelqu’un dans sa famille, Pierre peut se sentir à l’aise avec tous les animaux, Daniel peut avoir vécu une expérience désagréable avec une souris, …. Nous découvrons ainsi que les  informations  stockées dans notre cerveau dépendent de plusieurs critères : notre éducation, notre culture, notre vécu, notre caractère, …

Mais, jusqu’à présent, il n’y a pas présence de sentiments ressentis. L’ordinateur de notre cerveau ne contient que des « données », et même si certaines de ces données ont trait à des sentiments (par ex. : peur) jusqu’ici, nous ne pouvons rien ressentir de ces sentiments.
Mais tout va changer quand un autre « programme » de notre super ordinateur  va recevoir ces informations car celui-ci va les transformer en gestes, en réactions physiques et émotionnelles.
Cette autre partie de notre cerveau va envoyer des ordres à notre système nerveux qui va les exécuter en deux temps :
1° envoi de produits calmants si ce que nous voyons est sans danger pour nous (bien sûr selon les données contenues dans la base de données de notre ordinateur personnel)
2° envoi d’excitant si nous devons réagir. Cet excitant, l’adrénaline, va nous mettre en action et nous faire courir, rougir, crier, frapper, rester immobile, …

Nous pouvons courir si nous avons peur, mais aussi à la rencontre de quelqu’un que nous aimons bien (joie), nous pouvons rougir si nous avons honte, mais aussi si nous sommes excités par un projet, nous pouvons crier de joie comme de souffrance, frapper pour faire mal ou pour défendre quelqu’un, rester immobile car nous avons peur ou car quelque chose nous intrigue, …

En conclusion, nos sentiments sont des signaux avertisseurs : attention !  Il y a quelque chose à faire ici ! Mais quoi ?

Face à la souris, Pierre et Daniel ont deux réactions tout à fait différentes : Pierre est près à la caresser, Daniel s’enfuirait bien dans une autre pièce. Ces réactions s’expliquent par leur vécu (voir ci-dessus)
Voici un autre exemple : beaucoup d’Africains ont une certaine crainte des chiens car, dans leur pays, les chiens sont soit sauvages soit dressés pour défendre une propriété, donc de toute manière dangereux pour les passants. Dans nos pays occidentaux, la plupart des chiens sont des chiens de compagnie, habitués aux êtres vivants et peu dangereux pour les passants.
Encore un exemple : dans deux familles différentes, un enfant est blessé par un conducteur ivre. Les deux familles éprouvent de la colère contre cet homme. La première famille va utiliser l’énergie de sa colère pour essayer de venger leur enfant : lettres d’insultes, dommages et intérêts, … La deuxième famille va se poser la question : que pourrions-nous faire pour que cela n’arrive plus ? Et elle va utiliser l’énergie de sa colère pour créer une association d’aide aux parents dont les enfants sont blessés ou tués par des chauffards.

La manière dont nous réagissons face aux informations transmises par nos sens ou notre pensée est en quelque sorte quelque chose que nous avons « appris » et que  donc nous pouvons changer, même si cela nécessite parfois une aide extérieure. Ainsi Pierre pourrait apprendre à être un peu plus méfiant avec les animaux, tandis que Daniel pourrait apprendre à ne plus ameuter tout le quartier quand il voit une souris. Cela demande des efforts et parfois une aide professionnelle.

Nos sentiments peuvent se classer en quatre grandes catégories :

  • la peur,
  • la tristesse,
  • la colère
  • et la joie… Tous les autres sentiments sont des mélanges de ces quatre sentiments.

La peur est un sentiment que nous ne voulons pas éprouver car il est pénible et nous nous en protégeons beaucoup. La peur sert cependant d’abord à nous faire prendre conscience qu’un danger est présent. Devant ce danger, nous allons nous protéger et nous défendre en mesurant les risques, en fonction de notre histoire personnelle. C’est pour cela qu’il ne faut pas nous juger les uns les autres.

La tristesse nous signale que nous avons perdu quelque chose : un objet, une personne, un idéal, la jeunesse, un bras ou une jambe, un travail, la liberté, … Lorsque nous perdons quelque chose, il est normal d’être triste et si nous essayons de vivre quand même dans la joie, nous allons enfouir la tristesse au fond de nous, ce qui est une mauvaise solution.

La colère surgit lorsque nous sommes face à une injustice. Encore une fois, ce qui est ressenti comme une injustice par une personne ne le sera pas par une autre, puisque tout ce que nous ressentons est passé par le filtre de notre « ordinateur personnel ».  La colère est un signal d’alarme qui nous dit que nos droits sont bafoués, qu’il y a une injustice, que je ne suis pas respecté, …La cause de la colère doit être traitée et gérée d’une manière saine, autrement, elle va engendrer de l’amertume, de la rancune et de la haine, et elle risque d’exploser à tout moment, même si l’événement n’a que peu, voire pas du tout, de rapport avec celui qui a engendré ma colère au départ.

La joie est un sentiment qui nous donne envie de chanter, de faire la fête, … C’est un sentiment de bien être et de paix. La joie fait appel à la vie, elle consolide ce qui se trouve en nous.

 Dans notre culture, et surtout dans les milieux chrétiens, trois de ces sentiments sont souvent considérés comme négatifs : la peur (manque de foi), la colère (mauvaise conseillère, manque de maîtrise de soi) et la tristesse (manque de courage). Seule la joie est considérée comme un sentiment positif. Cependant, les sentiments, comme nous l’avons vu, ne sont ni bons ni mauvais en eux-mêmes, c’est ce que nous en faisons qui peut poser problème. Ainsi, la même émotion peut être positive ou négative en fonction des circonstances, de mes motivations et si elle me conduit à la droiture ou au péché.

Ces quatre sentiments de base sont positifs s’ils répondent à ces critères :
– Ce sentiment est-il utile pour résoudre mes problèmes ?
– Est-il un bon radar pour faire comprendre le problème, à moi et aux autres ?
– Est-il adéquat, proportionné à la situation ?

Voici donc quel devrait être le circuit de nos émotions :
1. Quand je suis dans une situation donnée
2. j’éprouve une sensation associée à cette situation
3. j’ai une réflexion sur cette sensation puis
4. j’éprouve un sentiment approprié ce qui déclenche
5. des actions efficaces permettant de gérer cette situation.

Normalement, c’est aux parents qu’il revient d’apprendre ce processus à leurs enfants, mais nombre de parents ne sont pas conscients de leurs propres sentiments et ne peuvent donc donner à leurs enfants les indications adéquates pour nommer et gérer les sentiments.  Mais toute personne en contact avec des enfants peut les amener à prendre conscience de leurs réactions (puisque c’est la partie émergente du sentiment) et, petit à petit, les aider à mettre un nom sur le(s) sentiment(s) en relation avec leur réaction, et à les gérer d’une manière plus adéquate.