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La marche, un outil pédagogique ?

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Comment actualiser pour le caté d’aujourd’hui la pédagogie de la marche que l’on retrouve dans la plupart des récits bibliques ?
Et tout d’abord, qu’entend-t-on par « pédagogie de la marche » ?

De « pédagogie », le dictionnaire nous dit: « science de l’éducation des enfants ». Le premier jalon est posé. Lorsque Dieu envoie les hommes marcher (Genèse 3 au verset 23, 4 au verset 12, 11 au verset 9, 12 au verset 1… ), il est bien question de Ses enfants !
Et bien question d’éducation. Reprenons notre dictionnaire : « Education : Action de former, d’instruire quelqu’un ; manière de comprendre, de mettre en œuvre  cette formation… »

Adam le glébeux et Ève la vivante doivent se mettre en route et quitter le jardin d’Eden. Ils ont voulu s’instruire à la va-vite (Ge 3,6) sans tenir compte des limites bienveillantes de leur Créateur. Hors du Jardin, ils devront mettre en œuvre cette instruction, cette formation « en transpirant beaucoup jusqu’à la mort » ! (3 :19)

Caïn, s’étant jeté sur son frère et l’ayant tué, « ira toujours d’un endroit à l’autre et ne pourra jamais s’arrêter sur la terre » (Ge 4 :12 et 14). Education ? Caïn pose une question « Suis-je le gardien de mon frère ? ». « J’entends la voix du sang de ton frère » répond le Seigneur. Caïn doit-il être puni, mourir ? Non, le Seigneur l’a instruit, et l’envoie en vie pour mettre en œuvre cette instruction (Ge 4 :15) …

Les habitants de la terre, dans l’impossibilité de terminer et leur tour et leur ville (Babel), sont « envoyés un peu partout dans le monde entier » (Ge 11,8-9). Ce récit est souvent lu comme la réponse d’un Dieu jaloux de ses privilèges à un peuple essayant de le rejoindre sur son terrain. Pourtant, il y a d’autres lectures proposées (par ex. C.Briffard « Sem » Etudes Théologiques et Religieuses n°75, 2000/3), et Marie Balmary met en avant l’uniformisation stérile qui aurait résulté de cette tour : une seule tour, une seule ville, un seul peuple, une seule langue… Enroulement du soi sur soi, du pareil au même. En dispersant les habitants de la terre, leur Créateur les éduque à la diversité, principe fondamental de la vie. « Vie », tiens, encore !?!

Et au chapitre 12, c’est Abram qui se met en marche, « comme le Seigneur l’a commandé » (Ge 12 : 4). Et cetera, et cetera, et cetera.

Dans quelques récits, la marche des personnages leur donne le temps de la réflexion. Dans d’autres, le chemin est parsemé de rencontres ou d’embûches contribuant à leur éducation. Certaines marches, liées aux fêtes de pèlerinage et à la lecture de la Loi sont rassembleuses. D’autres dispersent pour répandre la Bonne Nouvelle. Tout au long des deux testaments, on marche.

Vous me direz : « Normal, pas de voitures à ce temps là ! » Bien sûr ! Mais dans certains cas, les personnages auraient pu rester sur place, car ils font des allers-retours. Non, ils marchent, selon la volonté de Dieu.

Comment actualiser cette pédagogie de la marche au caté d’aujourd’hui ? Nous nous heurtons à des inconnues, à des difficultés pratiques : nous ne pouvons pas nous mettre à la place de Dieu, car, dans les récits bibliques, c’est Lui qui envoie. Nos déplacements de caté sont organisés en voiture, en bus, en train : le stress remplace très souvent le temps de réflexion ! La marche est, en certains endroits, bien dangereuse. Ce ne sont plus les ours ou les bandits qui nous effraient, mais bien les chevaux vapeur des lourds engins à moteur lancés à toute allure..

Alors, marcher ou pas marcher ? Sans nous mettre à la place de Dieu, nous pouvons proposer à nos jeunes de marcher. Marcher au matin de Pâques, pour aller voir le soleil se lever ; marcher au flambeau à la veillée de Noël pour matérialiser la lumière dans la nuit ; cheminer en compagnie de personnes âgées ou en difficulté motrice dans le but de vivre la différence; marcher seul, à son rythme, lors d’un camp ; marcher en silence ; marcher pieds nus pour sentir comme chaque pas peut compter, peut coûter… Des expériences qui peuvent pour certains être dérangeantes. La marge est étroite entre ces propositions « existentielles » et des activités de type « new age » qui n’entrent pas dans nos compétences. Il nous faudra donc délicatement préparer nos propositions, et ce, toujours en lien avec notre référence chrétienne : la Bible.