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- « Bienheureux, toi qui n’a pas vu mais qui croit »
Notre mise en ligne est comme un pont. Celle-ci et toutes ces autres, celles d’avant et celles d’après, un pont entre nous et vous, entre toi et moi, entre enseignant et enseigné, entre parent et enfant.

Un pont c’est aussi ce que pourrait être toutes nos fêtes liturgiques après Pâques. Ainsi la fête de l’Ascension est un pont entre Pâques et Pentecôte. Le dimanche entre le jeudi de l’Ascension et le dimanche de Pentecôte, qui est justement nommé « la communauté en attente » est, lui aussi, un pont entre ce mystérieux départ et la réalisation de la promesse qu’il contenait : « voici il va venir sur vous…le Saint Esprit.
Ces ponts sont essentiels et il nous faut donc des créateurs de pont, des événements qui nous permettent de passer de l’autre côté de la rive, des mains tendues pour franchir ce qui parfois nous semble un abîme. Aussi j’aimerais emprunter pour cet édito ces quelques paroles de sœur Évangeline, juste pédagogue qui partage à sa manière l’enseignement de l’évangéliste Luc, pour commenter ce pont liturgique entre Pâques et Pentecôte.
Voici ce qu’elle nous dit :
« Luc, le pédagogue, sait qu’un événement, fut-il le plus merveilleux, ne s’assimile pas en un jour. Et accueillir l’événement de Pâques ! Il faut bien 40 jours et 40 jours chaque année pour que peu à peu, il éclaire nos profondeurs, pour qu’un jour… dans combien d’années peut être, nous entendions Jésus nous dire : « bienheureuse, bienheureux, toi qui n’a pas vu mais qui crois ! ».
Aujourd’hui encore, l’Evangile, raconté de mille manières, entre célébrations, animations, bricolages, nous offre cette marche, 40 jours après Pâques, pour nous inviter à développer tous les ponts possibles entre les hommes et les hommes avec Dieu.
« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché ce mystère aux sages et de l’avoir révélé aux petits. »
(source : Continuer l’Évangile, méditations pour dimanches et fêtes, Soeur Myriam, Éditions Olivéthan).
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- Pour une catéchèse pertinente
![]() | L’Église Protestante Unie de France est une jeune église. Elle souhaite aider les communautés à reformuler leur projet catéchétique. |
Dans les synodes régionaux de 2014, un document catéchétique a été distribué aux synodaux. Il contient trois axes pour notre catéchèse d’aujourd’hui et de demain. Celle-ci doit :
- Être une catéchèse de témoins (catéchètes, communauté, enfants).
- Être incluse dans tout ce que vit la communauté : les enfants doivent être au cœur de la vie communautaire (en tenir compte pour l’élaboration des cultes, favoriser les rencontres intergénérationnels).
- Et être « évangélisatrice » : dans nos lieux catéchétiques, aujourd’hui, se côtoient des enfants déjà catéchisés et d’autres n’ayant jamais entendu parler de Jésus dans leur famille. Il faut repartir sur les bases de la foi et réfléchir à la manière d’évangéliser les parents.
Soutenir la réflexion et la pratique
Sur la base de ces axes, le service national a élaboré un kit de formation pour aider les communautés à réfléchir sur la catéchèse. Huit affirmations « poil à gratter » sont à débattre. Les premières remontées du terrain sont très positives.
De plus, pour aider les paroisses à construire leur projet caté, un document permettant aux communautés d’analyser leur situation locale (nombre de catéchètes, d’enfants, l’arrière-plan religieux de ceux-ci ; locaux ; familles…) est disponible.
Le document permettra aussi de montrer comment élaborer un projet catéchétique. Le but de toutes ces démarches est de permettre aux enfants de vivre partout une catéchèse pertinente pour aujourd’hui.
Ces outils gratuits sont téléchargeables sur le site :
L’animation comprend :
- une fiche décrivant le déroulement de l’animation > à télécharger ici
- le diaporama de l'animation clé en main > à télécharger ici
- un jeu de signets à remettre à chaque participant à commander gratuitement ici : service.catechetique@eglise-protestante-unie.fr
Vous pouvez aussi les commander au : 01 48 74 90 92

< Lire la suite Pour une catéchèse pertinente
- Joseph, beau et favorisé de forme
| Les textes bibliques - qui sont pour nous et dans la foi Parole de Dieu - ne nous appartiennent pas… Nous n’en avons pas l’exclusivité. Prenons par exemple la sourate XII du Coran. « La sourate XII du Coran ?!? » Ben oui, Genèse 37 à 50, quoi ! |
Comment imaginons-nous Joseph ? Le Joseph que nous- chrétiens – connaissons : un hébreu du livre de la Genèse (chapitres 37 à 50), un sémite en Égypte … Comment l’imaginons-nous dans cette Égypte où il est d’abord amené et malmené comme esclave, vendu, emprisonné ? Comment l’imaginons-nous dans ce pays a priori inhospitalier, où il devient le conseiller du Pharaon ?
Comment les lecteurs du Coran imaginent-ils Yussuf ?
Comment son histoire est-elle transmise, par exemple dans le récit de Ibn CIsa Ahmad (en 973 de l’Hégire, c’est-à-dire 1565 de l’ère chrétienne ) ?
Et comment serait-elle écrite aujourd’hui, comment s’inscrirait-elle dans le contexte que nous connaissons à propos du pays de Canaan... et de l’Égypte actuelle ?
Et comment les croyants d’Amérique latine, d’Inde ou de Madagascar lisent-ils et interprètent-ils le récit concernant Joseph, dans leurs réalités propres ?
Autant de questions dont les réponses nous confirment que les textes bibliques ne nous appartiennent pas…
Bible, Genèse 39, fin du verset 6 : « Et Joseph était beau/élégant/racé, bien formé/favorisé de forme »
Coran, Saurate XII.30. Et dans la ville, des femmes dirent : "La femme d'Al-Azize essaye de séduire son valet! Il l'a vraiment rendue folle d'amour. Nous la trouvons certes dans un égarement évident." 31. Lorsqu'elle eut entendu leur fourberie, elle leur envoya [des invitations,] et prépara pour elles une collation [des oranges]; et elle remit à chacune d'elles un couteau. Puis elle dit : "Sors devant elles, [Joseph!]" - Lorsqu'elles le virent, elles l'admirèrent, se coupèrent les mains et dirent : "à Allah ne plaise! Ce n'est pas un être humain, ce n'est qu'un ange noble! "
(Vous trouverez l’ensemble de la Sourate XII sur internet.)
| « Le récit de Joseph, qu’il soit en paix », de Ibn CIsa Ahmad : (Zulaykha lui dit) : « Oh Joseph, rien n’égale le noir de tes yeux, ni le noir de tes cheveux, ni les fossettes de tes joues. Aucun parfum n’est aussi pur que le tien, aucune démarche aussi innocente. […]Soumets-toi à moi et je me convertirai à l’Islam avec ton aide » […] La nouvelle se répandit dans Misr parmi toutes les dames qui s’écrièrent : « Zulaykha aime un des adolescents ! » Zulaykha invite alors l’épouse du ministre du Souverain, l’épouse de son chancelier, l’épouse de son vicaire et l’épouse de son trésorier. À chacune elle présente un citrus et un couteau et leur dit : « Jurez-moi toutes que si Joseph venait à vous et vous le demandait, vous lui donneriez chacune une part de citrus… » […] Il ressemblait à l’astre lunaire dans sa nuit de plénitude. Quand les femmes le virent, elles se troublèrent et perdirent la raison à la vue de sa beauté. « Ce n’est pas un être humain, on dirait un ange par son essence ! » Elles ressentirent un tel trouble qu’elles se tailladèrent les mains… |
| Le récit d’Ibn CIsa Ahmad, inspiré de l’histoire de Joseph, et étudié par Faïka Croisier*, est écrit à la fin du règne de Soliman le Magnifique, Soliman le Législateur. L’empire ottoman est à son apogée (voir http://www.lib.utexas.edu/maps/historical/shepherd/ottoman_empire_1481-1683.jpg) et Soliman, tout en étant lié à l’Islam et à la loi suprême de la Charia, promulgue des lois pour soulager le sort des rayas, serfs chrétiens, et le sort des réfugiés juifs qui fuient l’Espagne et l’Europe centrale. En résumé, en ce temps là, le vaste empire ottoman est une terre d’accueil pour les trois religions monothéistes, et l’Égypte en particulier est une province d’abondance et de bénédictions… He oui... ! Ce qui transparaît dans la narration d’Ibn CIsa Ahmad. *« L’histoire de Joseph, d’après un manuscrit oriental », un ouvrage de Faïka Croisier aux Éditions Labor & Fides, Arabiyya 10, avec la préface du Professeur Robert Martin-Achard, 1989. | |
Joseph dans son récit est tout de suite apprécié par son maître égyptien Al-CAzïz qui est tenté de l’adopter.
L’auteur, au XVI sc, est l’héritier d’une succession de narrateurs, dans une tradition orale et écrite qui ne s’appauvrit pas. Dans sa culture, il est normal d’en apprendre autant des commentateurs des histoires que des récits eux-mêmes…
Et il a une intention, tout comme nous-mêmes nous désirons porter, transmettre et/ou recevoir un enseignement lorsque nous partageons un récit biblique. Dans la version étudiée ici, le narrateur musulman met l’accent sur l’homme éprouvé mais triomphant des difficultés au moyen de la foi, et sur l’accomplissement de la volonté de Dieu le Tout Puissant et Miséricordieux. Qu’est-il dit là que nous ne puissions partager ?
Le narrateur place aussi le lecteur devant un choix : qui doit gouverner nos vies ? Est-ce Joseph, un homme exemplaire ? Est-ce Pharaon (ou le Sultan, ou n’importe quel homme politique, fut-il « religieux »), qui utilise l’homme exemplaire comme prétexte pour assoir son gouvernement ? Ou est-ce Dieu, auquel tout homme peut s’abandonner avec confiance en toute circonstance ?
Dans son (long) récit de l’histoire de Joseph, Ibn CIsa Ahmad aménage régulièrement des pauses dans lesquelles il invite les auditeurs à la prière: « Nous reprendrons le récit lorsque tous ceux ici présents auront prié pour le Pur.»
| Nous avons déjà beaucoup de travail, comme moniteurs et catéchètes, à témoigner de notre foi chrétienne sur base de la Bible que nous connaissons (un peu). Peut-être à certains moments, pourrons-nous lire certains textes dans le Coran, juste pour voir… Peut-être auront-nous l’occasion d’entrer dans un groupe de dialogue interreligieux ? Peut-être pourrons-nous nous pencher sur l’Histoire, celle du passé qui précède notre actualité et qui bien souvent nous éclaire sur le présent ? |
En tant que témoins et enseignants, dans le contexte actuel, il est de notre difficile responsabilité de partager la foi en Dieu sans prétendre aveuglément en avoir le monopole… Partager sa Parole, sans en avoir le monopole… C’est un point important de notre mission, et un challenge vis-à-vis des enfants avec lesquels nous souhaitons partager notre identité chrétienne, dans le contexte européen d'aujourd'hui.
« A présent, nous ne voyons qu'une image confuse, pareille à celle d'un vieux miroir ; mais alors, nous verrons face à face. A présent, je ne connais qu'incomplètement ; mais alors, je connaîtrai Dieu complètement, comme lui-même me connaît. Maintenant, ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance et l'amour ; mais la plus grande des trois est l'amour. » 1 Cor 13.12-13
« Pas de monopole » : voilà ce que nous dit l’apôtre Paul, voilà ce que nous dit aussi le beau Joseph !
Lire la suite Joseph, beau et favorisé de forme
- Soldat de Dieu ?
| Soldat de Dieu ? Le témoignage d'Ahmed (Tchètchène) Texte proposé par l'Action Chrétienne en Orient Le témoignage d'Ahmed est une recherche de sens pour redonner des racines à sa vie. Notre conviction : quand un chrétien prend les armes pour faire la violence au nom de son Dieu, il cesse d'être un chrétien. Et c'est vrai pour toutes les religions. |
Il ne s'appelait pas Ahmed, mais nous lui donnerons ce nom. C'était le 15 août ; un couple de jeunes mariés sortait de l'église Saint-Pierre et Saint-Paul, dans un nuage de confettis. A cet instant précis, j'ai vu quelqu'un entrer dans l'église, son attitude contrastait fortement avec le climat festif. Grand, sombre, son visage marqué par une vie rude semblait de pierre, il avait un pantalon militaire kaki et une coiffure blanche typiquement musulmane, comme on en croise parfois dans les rues de Tbilissi. Il s'est approché de la sacristie et a demandé à me parler. On ne peut refuser son écoute à personne et, en cet instant, je n'avais aucun motif pour fuir la conversation. C'est ainsi qu'ont commencé deux heures de ma vie que je ne pourrai jamais oublier, ni dans ma tête, ni dans mon cœur. Il ne s'agissait pas d'une histoire racontée par un témoin non oculaire. J'avais accès à une source directe, à quelqu'un qui ne jouait pas...
Il était Tchétchène et rentrait de Syrie. Depuis 25 ans il menait une vie de soldat : d'abord en Russie, durant la guerre de Tchétchénie, puis avec Daech, ces dernières années. Tout avait commencé quand les Russes avaient tué son frère : selon la coutume des montagnards caucasiens, il devait venger son frère, mais son père, médecin, ne l'avait pas permis, il le lui avait même interdit. L'obéissance au père est plus sacrée pour les montagnards du Caucase que l'obligation de la vengeance.
Mais peu de temps après, les Russes ont tué son père, alors Ahmed est parti en guerre...
« Si vous saviez ce qui peut se passer dans cette guerre ! » me dit-il. « Oui, on sait un peu, on voit des choses sur internet, lui répondis-je, mais le pire c'est que maintenant les gens se sont habitués ». « Oui, me dit-il, et pourtant c'est horrible ». « J'ai vu mourir tant de gens devant moi, et jusque dans mes bras, continua-t-il. Je sais comment crève un être humain. Au dernier moment, tu as devant les yeux une loque, un être détruit, perdu. Je sais comment on meurt. Mais quand j'ai vu mourir les chrétiens de Syrie ! Ils mouraient en priant et certains disaient qu'ils nous pardonnaient ! Ce n'était pas normal, on ne peut pas mourir ainsi, non, on ne peut pas ! Je suis musulman et la guerre sainte est pour moi la volonté de Dieu, je la fais sans remords de conscience, pour faire plaisir à Dieu ... Mais mourir comme ça, non ! Cela a mis dans mon cœur une question : quelque chose ne cadrait plus.
Mais le pire est venu ensuite : il y avait dans notre groupe de guerriers quelqu'un appartenant à une autre ethnie, quelqu'un de sauvage et de cruel ! Pendant l'assaut d'un village, cet homme a tué de petits enfants chrétiens. Nous, les gars du Caucase, nous étions furieux contre lui, parce qu'à la guerre il y a des règles et qu'on ne doit pas tuer les petits enfants ! Trois jours plus tard, cet homme est mort au cours d'un combat. Tout le monde a dit qu'il était entré au Paradis puisqu'il avait été tué au Jihad. En entendant cela, j'ai eu l'impression qu'une montagne insurmontable entrait en moi et une question me torturait : « Qui est Dieu, s'il fait entrer dans son paradis quelqu'un qui a tué des enfants trois jours avant ? » Je ne pouvais pas fuir cette question et l'interrogation que j'avais ressentie auparavant est devenue une vraie crise intérieure. Je continuais à prier et à chercher une réponse. Alors, durant mes prières régulières sur mon tapis, au lieu d'appeler Dieu « Allah », j'ai dit : « Dieu, qui que tu sois, réponds-moi, que dois-je faire ? Quelle route prendre ? » Je me suis relevé de ma prostration et j'ai vu un être vêtu de blanc, qui m'envoyait dans le cœur lumière, chaleur et paix. Je ne sais pas combien de temps cela a duré, mais c'est resté en moi comme un rendez-vous, un signe que je devais laisser la guerre et partir à la recherche de cette personne. Sans révéler aux autres combattants la vraie raison de mon départ, j'ai dit que j'étais fatigué et que je voulais rentrer chez moi. On m'a laissé partir. Je suis rentré en Géorgie et j'ai commencé à chercher cette personne.
J'ai été chez les Orthodoxes, ils étaient tout contents et ils voulaient me baptiser, mais je ne cherchais pas le baptême. Je suis un musulman, je cherchais une réponse à ma question. Je les ai laissés et je suis parti ailleurs. Je suis venu à Tbilissi et je passe près des églises. Je suis entré dans celle-ci parce qu'en voyant ces choses blanches qui volaient, j'ai eu l'impression que c'était comme des anges du ciel. Et j'ai eu la sensation, en entrant ici que l'ambiance était comme dans ma vision. »
En écoutant Ahmed, j'étais comme paralysé et je ne savais que répondre. C'est bien vrai, quand on commence à chercher Dieu, cela veut dire qu'il nous a déjà trouvés. La première chose que j'ai pensé à lui dire, c'était que, quand un chrétien prend les armes pour faire la violence au nom de son Dieu, il cesse d'être un chrétien. Il était d'accord avec moi, mais pour moi il était important de lui faire comprendre que c'est la même chose pour les musulmans. Il ne me semblait pas très convaincu, mais ce qui comptait, à cet instant, c'était que sa conscience n'était pas détruite et que le chemin de la voix de Dieu en lui n'était pas fermé. Et moi d'ajouter, cher Ahmed, tu dois te réjouir, parce que tu as mal, car cela veut dire que tu es vivant. Dans cette Lumière tu as découvert la Paix, le visage du Fils de Dieu, de ce Dieu notre Père éternel, mais aussi ce Père d'amour dans l'unité de l'Esprit. Si un jour tu es baptisé, ce devra être parce que tu croiras que le Dieu Très-Haut est aussi un Père plein d'amour, qui se réjouit de tes joies et se préoccupe de tes difficultés, qui souffre de tes souffrances plus que toi-même, à qui tu peux te fier et qui ne te décevra jamais parce qu'il désire ton bonheur plus que toi-même.
« C'est donc ainsi », m'a-t-il demandé, stupéfait? En deux heures, nous avons trouvé le temps et la volonté de nous poser des questions sur ce Dieu, un et unique selon le Coran, mais absolument non solitaire. Si Dieu existe, et qu'il est possible de lui parler, c'est parce qu'il a de toute éternité la capacité d'entrer en dialogue. Le plus important pour nous est de faire le pas nécessaire. Il faudrait que tu puisses voir en tous ceux à qui tu as fermé les yeux un chœur d'amis, qui prient pour toi devant Dieu. Et pour cela, tu dois les regarder un par un dans les yeux. Sinon ils seront toujours pour toi des ennemis.
Il m'a bien compris, puisqu'à la fin de notre conversation, son visage était devenu moins dur. Je sais bien, cher Ahmed, que là où Dieu voudra, quand il le voudra et comme il le voudra, tu pourras le rencontrer. Cette église t'est ouverte et tu pourras toujours y retourner. Tu ne seras pas déçu, tant que tu garderas en toi la Foi de Dieu qui t'a trouvé, l'Espérance qu'il veut que nous ne soyons plus des esclaves et l'Amour qu'il implante dans nos cœurs, un amour filial et un amour envers les hommes nos frères, parce Dieu veut que ses fils soient libres pour aimer !
< Lire la suite Soldat de Dieu ?- Le lavement des pieds
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| Le lavement des pieds des disciples par Jésus est un geste difficile à comprendre aujourd'hui... voici quelques exemples du quotidien pour comprendre le plus grand message d'amour. |
Pour que ce geste soit compris des enfants, je chercherai à faire plusieurs gestes contemporains dont les significations mises ensemble pourraient être proches.
Le lavement des pieds contient trois significations essentielles :
- l'accueil de l'invité, c'est un geste d'hospitalité, un geste d'attention à l'autre qui marque la considération qu'on lui porte pour l'accueillir.
- le service de l'autre, c'est un geste qui place l'autre comme plus important que soi, c'est un geste fait sans volonté d'exercer un pouvoir sur l'autre.
- Jésus fait cela pour annoncer sa mort comme un geste d'amour.
Quels gestes faisons-nous quand nous accueillons quelqu'un dans l'Église ou à la maison (chez soi) pour accueillir vraiment l'autre ?
On lui dit bonjour, on lui prend son manteau pour le suspendre au porte manteau, on lui offre à boire et même à manger, on s'inquiète de sa santé et de celle de ses proches.
Quels gestes faisons-nous pour signifier à quelqu'un qu'on est à son service ?
On se propose de lui porter son sac (de courses, de voyage, etc...) quand il est lourd. On l'aide à traverser la rue, on lui indique son chemin, on l'aide à remplir des papiers administratifs, on partage un savoir, on l'aide à faire des travaux, etc...
En quoi ces gestes sont faits par amour ?
Quand ils sont gratuits, sans intérêt, sans intention de dominer celle ou celui à qui on rend service, sans attendre de retour.
Le seul « retour » attendu est celui qu'attend Jésus : que ses disciples se mettent au service des uns des autres.
Le seul « retour » que nous pouvons attendre d'une personne à qui nous avons rendu service est qu'elle rende service à quelqu'un d'autre.
Le lavement des pieds est la combinaison de ces 3 gestes de ces trois significations en un seul.
Les enfants au travers de ces exemples peuvent certainement aborder plus facilement la signification du geste de Jésus.
< Lire la suite Le lavement des pieds- Il était des fois
![]() | En ces temps de violence et de sidération, nous sommes plus que jamais convaincus de l'importance de notre action. Pour permettre aux enfants de comprendre, de ne pas avoir peur et s'ouvrir aux autres. Initier les enfants au fait religieux en toute laïcité : c'est le pari auquel s'est attaquée Marine Quenin et son association Enquête. Faire échanger des enfants musulmans, juifs ou chrétiens sur leur religion, c’est le pari relevé par cette association qui a imaginé un jeu, L'arbre à défis permettant aux enfants de partager leurs connaissances sur les religions. |

Enquête, association agréée par le Ministère de l’Éducation Nationale, propose des outils ludiques de découverte de la laïcité et des faits religieux pour les enfants de l’école primaire pour :
- leur permettre de mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent, et,
- favoriser la coexistence apaisée des différentes convictions religieuses ou a-religieuses.
Écouter la conférence de Mine Quenin cliquer ici
Se procurer le jeu "L'arbre à défis" cliquer ici
Nos ateliers
- Les ateliers se développent sur le territoire : Paris, Grigny, Nogent-sur-Marne, Lille, Nice, Strasbourg
Et très bientôt : Bordeaux, Lyon et Rennes
- Toujours des formats différents et complémentaires : centres sociaux, écoles et particuliers, enfants et adolescents, trimestriel et annuel...
Nos outils
- Le documentaire réalisé dans le cadre d'un atelier sur "calendrier laïque et jours fériés chrétiens" est en ligne sur le site de l'association - cliquer ici
Utile en histoire et EMC, il sera accompagné d'un environnement pédagogique pour les enseignants du second degré, ainsi que de pistes d'EPI très prochainement.
- L'Arbre à défis permet d'aborder plus facilement ces questions en cohérence avec les programmes, en primaire. Ici
- Et en cours : des fiches pédagogiques de connaissances en ligne en fin d'année et un projet de dessin animé, pour 2016.
Nos formations
- Nous entamons une série de formation dans 27 fédérations de centres sociaux pour traiter de l'abord de la laïcité et des faits religieux dans un cadre éducatif, grâce au soutien du CGET.
- Des interventions sont prévues auprès de la ville de Osny (novembre), Bordeaux (décembre), Môm'atre (janvier)
- et dans le cadre scolaire, au sein de l'Espé de Paris (décembre-janvier), l'académie de Bordeaux (décembre).
- une réflexion est en cours pour la création d'un module avec Unis-Cité,
- et d'autres à suivre...

< Lire la suite Il était des fois
- Les mages étaient des étrangers
![]() | Noël approche. Il va venir. Les Rois Mages sont certainement déjà en route. Jésus va venir. Il devra se cacher. Il arrivera parmi les exclus. Il n’aura pas droit aux égards réservés aux grands de ce monde, aux notables et autres détenteurs d’une quelconque once de pouvoir matériel. Qui va le reconnaître parmi les Hommes ? Les bergers, c’est-à-dire les couches sociales les plus basses et les Rois Mages. Qui sont ces Rois Mages ? Des étrangers ! |
L’étranger, loin de nos intrigues, de nos enjeux de pouvoir, de nos querelles de clochers, du choc de nos intérêts particuliers, vient célébrer, chez nous, ce qu’il y a d’essentiel, d’extraordinaire, de magnifique. Ce que précisément nous n’avons pas su voir. Ce que nous croyions insignifiant… Qu’est-ce que cet enfant, né au milieu des bêtes et des bergers, peut bien avoir comme importance ? Il faut la science, le regard autre, la quête de l’étranger pour que le trésor soit révélé.
Nous avons certainement tendance à rechercher le bonheur dans la sécurité et la sécurité derrière nos semblables, derrière nos coutumes, nos habitudes, notre quotidien bien réglé, derrière ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas… La dépendance à un ordre trop réglé de la vie cache un piège mortel pour l’esprit.

Incapable d’accueillir la nouveauté, de voir avec le cœur, nous passons à côté de ce qui régénère, ce qui sauve, comme la naissance de Jésus. Il faut savoir laisser une part au hasard. Il faut être prêt à accueillir avec bienveillance pour pouvoir éprouver la joie de l’éblouissement, de l’émerveillement. C’est justement cet émerveillement qui est le ferment du cœur et de l’esprit. C’est lui qui fait germer les pensées, les idées, les émotions, les sentiments nouveaux ou transformés. C’est lui qui met en mouvement, en ce sens il est le support de la vie, puisque la vie est mouvement.
L’hospitalité, l’accueil bienveillant de l’Étranger, c’est cela : garder la possibilité d’être émerveillé. Peut être vient-il annoncer ou célébrer une merveille que je n’aurais pas su voir seul ou que nous ne savons plus voir : l’État de droit, un minimum de démocratie, la liberté, des services publics et des communs qui permettent l’Égalité, une nature plus généreuse, plus de possibilité pour se réaliser…
Sachons donner du sens à la venue de l’Étranger et être ouvert aux signes et messages qu’il nous transmet… Ne mettons pas les Rois Mages en Centre de Rétention.
Joyeux Noel à tous !
Emmanuel BOUHIER
Porte Parole Cimade 63
< Lire la suite Les mages étaient des étrangers
- Suis-je natalophobe ?
Je suis pasteur et catéchète. Dès que novembre pointe le bout de son nez, j'ai une poussée d'une terrible maladie annuelle : je suis natalophobe… Je trouve que Noël revient trop souvent et trop vite… Chaque année, le même abîme béant, la même course folle : la pièce de Noël, la vigile de Noël, le culte de Noël, les cantiques, les plumes d’anges qui se barrent au dernier moment, les verrines pour la lumière de Bethléem, les répétitions épuisantes, le chœur qui flippe sous la houlette de son terrible chef, les mêmes textes bibliques, les déguisements de chameaux, de rois mages, de Marie et de tous les autres !!! Etc. Etc. Etc. C’est bon, on la connaît, l’histoire, non ?
Et rien à faire, la paroisse ne veut rien entendre, genre fêter Noël seulement une fois tous les deux ans, voire même tous les 5 ans, pourquoi pas !? Moi, dans ma famille, on ne fête les anniversaires des frères et sœurs que tous les 5 ans, et pour autant, tout le monde va bien ! Jésus-Christ étant mon frère, il serait logique de ne fêter son anniversaire que tous les 5 ans, il n’en mourrait pas non plus ! La paroisse ne veut rien entendre…
Ou alors on pourrait fêter Noël à un autre moment de l’année, de toute façon on ne connaît pas la vraie date d’anniversaire de Jésus, ni le jour, ni le mois, ni l’année ! Moi, j’aurais plus le temps début novembre, ou à la mi-mars, ça m’arrangerait ! La paroisse ne veut rien entendre…
Quant à essayer de prendre des vacances du 18 au 25 décembre inclus, je n’ai jamais tenté le coup… Faudra peut-être que j’essaie, rien que pour voir la tête des conseillers presbytéraux avant de me prendre 12 paires de baffes…
Bref, Noël est inéluctable, indéplaçable, indéboulonnable… C’est comme ça, et faut faire avec… Et ronchonner en silence...
Mais mon plus grand malheur, ma plus grande incohérence, comme c’est souvent le cas dans les phobies, c’est que s’il n’y avait pas Noël, Noël me manquerait… Parce que j’ai beau ronchonner chaque année, en silence ou pas, j’aime cette fête… Il n’y a pas de « tout ça pour ça », à Noël… Voir les gamins jouer le jeu des chameaux ou des anges à l’arbre de Noël, et qui font sourire plein de générations, ça vaut le coup… Voir les gamins tout fiers d’être félicités, ça vaut le coup… Entendre la chorale qui a ramé des mois sous la féroce houlette du chef de chœur, ça vaut le coup… Entendre des enfants avec leurs différents instruments de musique, ça vaut le coup… Partager la lumière de Bethléem, ça vaut le coup…
Tout ce que nous nous partageons à Noël, ça vaut le coup… ça a du sens… Parce que c’est Dieu qui nous invite et qui nous fait cadeau… C’est lui, l’hôte de Noël, et qui nous offre tout, qui a tout risqué, qui s’est offert tout entier, à chacun de nous…
« Emmanuel », « Dieu avec nous »… Trois petits mots qui changent le monde et nos vies… Trois petits mots qui ne peuvent que faire monter en nous que joie, allégresse, reconnaissance, louange, et tutti quanti… Alors oui, Noël, ça vaut le coup, chaque année, et peut-être même que nous devrions le faire plus souvent !! Non ?!

Non, peut-être pas, quand même… Mais que cette année, personne ne bougonne, et n’ait l’esprit chagrin… Dieu est venu dans nos maisons et dans nos cœurs pour nous offrir sa grâce, sa paix, et sa joie… Alors que ce soit la fête en vous et entre vous ! Dieu est né, pour nous, en nous… Alors, je vous souhaite un très, très joyeux Noël !!!
< Lire la suite Suis-je natalophobe ?
- La visite des mages : approche narrative d’une fiction théologique
![]() | L'épisode de la venue des mages à Bethléhem est un récit depuis longtemps prisonnier du folklore de Noël. Dépouiller cet épisode du revêtement merveilleux dont plusieurs siècles d'histoire l'ont revêtu devrait aider à redécouvrir l'interpellation que l'évangéliste souhaitait adresser à ses auditeurs de la fin du premier siècle. Ci-contre cartouche des (rois) Mages à Arras - cliché J.-M. Vercruysse. |
Le récit dans le cadre littéraire et religieux du premier siècle
Le récit de la visite des mages s'apparente aux récits légendaires relatant les événements extraordinaires entourant la naissance d'un personnage important (phénomènes célestes, intervention de mages et autres astrologues). La littérature juive et païenne offre de nombreux motifs parallèles à cet épisode de la visite des mages • Ainsi Pline (Histoire Naturelle 30,1, 16) et Suétone (Vie des Césars, Nero 13) rapportent la venue de mages de Perse pour honorer Néron, en 66, sur l'indication des astres, qui repartent ensuite par un autre chemin. La haggadah du petit Moïse propose les rapprochements les plus significatifs avec l'ensemble du chapitre. Des astrologues (cf le commentaire de Rachi sur Ex 1,22 ; pour Flavius Josèphe, Antiquités Juives 2,205, il s'agit d'"un scribe expert à prédire exactement l'avenir") annoncent à Pharaon la naissance de Moïse, Pharaon s'alarme et ordonne le massacre des enfants mâles (Flavius Josèphe, Antiquités Juives 2,206). Dans le contexte propre à Matthieu, le récit se rapproche à certains égards du commentaire midrashique .
La question des sources de l'épisode, et plus largement de l'ensemble constitué par Mt 1,18-2,23, est très controversée . Matthieu a-t-il utilisé des traditions - orales ou écrites - circulant dans son univers religieux ou le récit est-il une composition originale se basant sur un genre littéraire existant ? En faveur de la première hypothèse, on souligne que l'ensemble constitué par Mt 1,18-2,23 fait apparaître une double tradition ; l'une centrée autour du personnage de Joseph (1,18-25 ; 2,13-15 ; 2,19-23), l'autre autour d'Hérode (2, 1-12 ; 2, 16-18). Matthieu aurait recueilli ces deux traditions et les aurait enchâssées. À l'encontre de cette hypothèse, on fera valoir que l'ensemble constitué par les quatre épisodes du chapitre 2 est indissociable : l'épisode de la fuite en Égypte (v. 13-15) et celui qui rapporte le retour à Nazareth (v. 19-23) n'ont de sens que par 1' existence de 1' épisode de la venue des mages (v. 1-12) et celui de la colère d'Hérode (v. 16-18) .
Par ailleurs, le style et le vocabulaire matthéens se font fortement sentir dans l'ensemble du chapitre. Il est de toute manière impossible de répondre de manière définitive à la question des sources ; Mt a probablement travaillé à partir de traditions qu'il est aujourd'hui difficile de reconstituer.
Les mages et l'étoile
Le terme « mages » (magos) 9 est dérivé du nom d'une caste sacerdotale de l'ancienne religion perse (Hérodote 1.101, 120, 128). Les mages étaient spécialistes en astrologie et astronomie. Par extension, dans l'antiquité, le terme désigne ceux qui possèdent une connaissance supérieure, les astrologues, les interprètes de rêves (Josèphe, Ant 10.195, 216) mais aussi les magiciens et sorciers de toutes sortes (Philon, De Specialibus Legibus 3,93). Les traditions bibliques (Ancien Testament : Dt 18,9-12 ; Es 4 7,13 ; cf. l'utilisation du terme dans une des versions grecques de Daniel : 1,20 ; 2,2.1 0.27 ; 4,4 ; 5, 7.11.15 ; Nouveau Testament : Ac 13, 6.8) et rabbiniques sont généralement critiques à l'encontre des pratiques divinatoires. Chez Matthieu cependant, aucun indice textuel ne permet de déprécier la figure des mages ; pour lui, ils sont vraisemblablement des savants, hommes sages, venus du monde païen (l'Orient- apo anatolon cf. Nb 23,7 LXX désigne ici tout ce qui est au-delà du Jourdain). Même si l’évangéliste ne le précise pas, le lecteur peut ainsi induire qu'il s'agit là de l'élite spirituelle du monde païen . Il faut ici faire l’effort de replacer la pratique de l'astrologie dans le contexte d'une époque où elle est indissociablement liée à 1'astronomie et constitue ainsi une véritable science.
Le thème de l'apparition d'une étoile à l'occasion de la naissance d'un personnage important est un topos classique de la littérature de l’époque. Les parallèles sont nombreux . La prophétie du devin Balaam (Nb 22,7) - venu de l'Orient (Nb 23,7) - sur l'étoile de Jacob (Nb 24, 17), dont l'interprétation messianique est très fréquente en particulier à Qumran (ainsi Écrit de Damas 7,18-21 ), offre sans doute un arrière-plan plausible à notre passage. L'étoile est, dans les traditions juives, une métaphore du Roi-Messie ; dans le Nouveau Testament, Jésus est lui-même l'étoile du matin, cf. 2P 1,19 ; Ap 22, 16. Il convient donc ici de ne pas tomber dans le piège du concordisme : ni comète, ni supernova, ni conjonction planétaire mais bien intervention miraculeuse de Dieu.
Analyse du récit
Contexte
La péricope est inséparable des trois qui lui font suite (v. 13-15 ; v. 16-18 ; v. 19-23) avec lesquelles elle forme un ensemble cohérent consacré à l'enfance de Jésus. Ce thème est construit autour d'un parcours géographique dont la signification est avant tout théologique. À côté du déplacement des mages (de l'Orient à Jérusalem, de Jérusalem à Bethléhem et de Bethléhem vers l'Orient), le chapitre 2 est en effet articulé autour des déplacements de Jésus qui naît à Bethléhem (v. 1), est conduit en Égypte (v. 13), ramené en « terre d'Israël » (v. 21) et installé « dans la région de Galilée » (v. 22), à Nazareth (v. 23).
Le chapitre 2 est d'ailleurs saturé de références géographiques, puisqu'on en compte pas moins de 22 , et que les quatre citations scripturaires font référence à un lieu précis (cf. v. 6, 15b, 18 et 23).
Structure
Deux découpages sont envisageables. Insistant sur l'opposition entre la royauté de Jésus et celle d'Hérode, on peut proposer une structure en deux parties principales: après l'introduction annonçant l'arrivée et le projet des mages (v. 1-2), la première partie (v. 3-9a) relate la rencontre entre les mages et le « faux » roi des juifs ; la seconde partie (v. 9b-11) relate la rencontre entre les mages et le « vrai »roi des juifs, le v. 12 constituant la conclusion . On peut aussi rendre compte de l’organisation de la péricope selon une structure plus dynamique : v. 1-2, arrivée des mages à Jérusalem et formulation de leur projet ; v. 3-6, trouble d'Hérode et intervention, sur ses ordres, des grands prêtres et des scribes ; v. 7-8, entrevue d'Hérode avec les mages ; v. 9-11, les mages trouvent Jésus ; v. 12, les mages retournent chez eux .
Lecture du texte
- Versets 1-2 : état initial
L'ensemble des protagonistes et des lieux essentiels au développement de 1'intrigue est présenté de façon extrêmement concise : Jésus, Hérode et les mages ; Bethléhem, Jérusalem et l'Orient. La naissance de Jésus est relatée de façon lapidaire. Au plan narratif, la précision est indispensable dans la mesure où 1,18-25 s'en tenait aux circonstances précédant celle-ci. Matthieu en indique le lieu (la précision « de Judée » sert moins à distinguer la cité d'origine du roi David - cf. l S 17,12- de Bethléhem de Zabulon- cf. Jos 19,15 -, qu'à préparer la citation scripturaire du v. 6), et l’époque (sous Hérode le Grand qui régna de 37 av. J.-C. à 4 av. J.-C. ). La naissance a ainsi une portée religieuse (Bethléhem) et politique (Hérode) dont la suite du récit va préciser la teneur.
Par l'expression publique de leur quête (v. 2), les mages jouent le rôle de révélateurs involontaires d'une opposition entre le Roi Hérode à Jérusalem et le Roi Jésus à Bethléhem. La suite du chapitre va en montrer le caractère irréductible. Les mages cherchent le roi des juifs dont ils ont vu l'étoile en te anatole (même expression au v. 9). On peut alors penser qu'il s'agit d'exprimer la situation de l'astre, le point cardinal en quelque sorte, à l'orient ou au levant : l'étoile du roi des juifs apparaît à l'orient, du côté des païens, pour les guider vers le Christ. Les mages viennent pour adorer (proskunesai). On a pu parler ici d'une adoration épiphanique : par leur attitude, les mages reconnaissent la révélation divine dont ils sont bénéficiaires.
Or, s'ils se mettent en route grâce à 1'étoile, les mages n'arrivent pas à Bethléhem mais à Jérusalem d'où l' étoile paraît absente .
- Versets 3-6 : complication
Le trouble suscité par les mages peut être une simple émotion causée par un fait insolite ; il peut aussi résulter d'une révélation (cf. Lc 1,12 : Zacharie troublé par l'apparition de l'ange du Seigneur ; Mt 14,26//Mc 6,50 : les disciples troublés par l'apparition de Jésus marchant sur les eaux ; Lc 24,38 : les disciples troublés par 1'apparition du ressuscité ; cf., dans des contextes de révélation, Tobie 12,16 ; Dn 5,9 ; 7,15, version Theodotion ). Il s'accompagne alors, le plus souvent, de la crainte liée aux manifestations du divin. Compte tenu du genre littéraire de l'ensemble constitué par Mt 1,18-2, 23, c'est ce dernier sens qui nous paraît ici le plus probable : les propos des mages constituent, pour Hérode, une révélation. Loin cependant de le pousser à la crainte et à l'adoration, elle produit chez lui une opposition mortelle à celui en qui il découvre un concurrent. Hérode joue ici le rôle de Pharaon par rapport à Moïse : son attitude suggère le thème biblique de l'endurcissement. L'expression « tout Jérusalem » signifie-t-elle que la ville partage ce sentiment et cette attitude ? Le met' autou (« avec lui») plaide en cette faveur : pour Matthieu, Jérusalem représente déjà la ville où Jésus va mourir.
Hérode assemble (v. 4) les grands prêtres et les scribes. La mention du « peuple » fait écho à l,21 et annonce 2,6. Pour la reconnaissance de son Messie (au v. 4, le terme Christos doit être traduit par « Messie » puisqu'il s'agit non pas de Jésus mais du titre générique) le peuple est à la merci de ses responsables religieux. Sans doute, la non-reconnaissance du Messie par Israël fut-elle un trouble pour 1' évangéliste et sa communauté, d'autant plus que, comme le montrent les v. 5-6, les scribes avaient, selon Matthieu, tous les éléments pour qu'elle soit possible. La justesse de la démarche exégétique des responsables religieux d'Israël (v. 5-6) ne produit aucun déplacement de ces derniers vers Bethléhem : ils sont immobiles, enfermés dans leur savoir théorique. L'immobilisme qui les caractérise est ici le signe de l'opposition et de l'incrédulité. Dès le début de son évangile, quoique de manière encore mesurée, Matthieu construit négativement le personnage des chefs du peuple.
La réponse des responsables religieux à la question d'Hérode n'est pas, à proprement parler, une citation d'accomplissement (ces dernières apparaissent toujours comme des interventions de l'évangéliste lui-même dans son récit, cf. en Mt 1-2 ; 1,22-23 ; 2,15. 17-18 et 23). La référence aux Écritures n'en a pas moins d'importance ici. Le texte auquel se réfèrent les chefs du peuple est Mi 5,l-3 (+ 2 S 5,2). Matthieu diffère à la fois de la LXX et du texte hébreux. Les trois corrections majeures sont d'abord le remplacement d'Ephrata par terre de Juda, ensuite le renversement complet de la proposition affirmative en proposition négative (tu n'es certainement pas) et enfin, l'adjonction de 2 S 5,2 à la place de Mi 5,3. Comme ses contemporains juifs, Matthieu manie les Écritures avec une grande liberté, au service de sa conviction de la messianité de Jésus. L'utilisation de Mi 5,1-3 s'explique par deux raisons principales : d'une part le passage faisait déjà l'objet, dans les traditions juives contemporaines de Matthieu, d'une interprétation messianique (cf. le Targum de Michée), d'autre part la mention, au v. 2a de la femme enceinte, non reprise par Matthieu mais connue de ses auditeurs.
- Versets 7-8 : dynamique
À la différence des chefs du peuple, Hérode, lui, réagit. Il convoque les mages en secret (lathra, déjà utilisé pour exprimer le projet de Joseph de répudier Marie). Ici le secret ne peut être interprété que comme machination. Le terme contraste en effet avec la publicité faite par les mages à leur arrivée, le trouble de tout Jérusalem et le cadre de révélation donné à 1'ensemble de la péricope. À ce point du récit, c'est le seul indice textuel relativement explicite d'un projet négatif d'Hérode. Il recoupe cependant l'image que l'auditoire matthéen a vraisemblablement construit sur la foi de ce qu'il connaît de la figure historique d'Hérode comme souverain usurpateur, inquiet et cruel. Par touches successives, Matthieu connote ainsi l'image négative d'Hérode jusqu'à sa pleine révélation au v. 13. Ainsi s'explique, au v. 7b, l'interrogation des mages par Hérode : narrativement, elle prépare l'énoncé de son projet meurtrier au v. 16 ( comp. le v. 7b et le v. 16b). De même encore, 1'énoncé de son intention d'aller lui-même adorer l'enfant (v. 8b) ne peut tromper le lecteur. Si Matthieu utilise ici le même terme pour les mages et pour Hérode (« adorer »), le lecteur est invité à être attentif : il y a loin de la parole aux actes, de l'intention exprimée à l'intention réelle.
- Versets 9-11 : résolution
Après leur entrevue avec Hérode, les mages poursuivent leur route. Plutôt qu'obéir, akousantes (v. 9) signifie, dans ce contexte, entendre (cf 2,3.18 et 22) : les mages sont au bénéfice des informations que leur donne Hérode. On peut cependant s'interroger sur la valeur réelle que Matthieu accorde à ces informations, puisque l'étoile réapparaît aussitôt après le départ de Jérusalem, quand Hérode disparaît de la scène. C'est elle en dernière instance, et non Hérode, qui guide les mages. C'est elle, enfin, et non les informations données par Hérode, qui suscite la joie des mages. Cette joie (ailleurs chez Mt : 13,20.44 ; 25,21.23 ; 28,8) est soulignée par l'évangéliste de façon emphatique. Elle est un indice supplémentaire (avec le thème du projet d'adoration accompli au v. 11) de la construction positive du personnage des mages. Le vocabulaire du v. 11 produit un contraste frappant. D'un côté le geste d'adoration des mages et la qualité de leurs présents (une allusion au pèlerinage eschatologique des nations qui apportent à Sion le meilleur de leurs produits ; cf. Es 60,6 ; Psaumes de Salomon 17,31), sans oublier auparavant l’apparition de l’étoile, l'entrevue avec Hérode à Jérusalem, la confirmation des Écrits sacrés. De l'autre le caractère dépouillé de la royauté de Jésus : une maison, un enfant avec Marie sa mère.
- Verset 12 : état final
Le retour des mages dans leur pays « par un autre chemin » fait suite à une révélation spéciale. Avant que le lecteur ne sache encore ce que manigance Hérode, il sait pourtant qu'il n'est pas, qu'il n'a jamais été, le maître de la situation : Dieu, par son intervention souveraine, rompt définitivement le lien entre les Mages et Hérode.
Conclusion
« C’est paradoxalement aux personnages les plus susceptibles d’éveiller la méfiance du lecteur enraciné dans la tradition biblique que Matthieu a choisi de confier le rôle positif en Mt 2,1-12 » annonçant « le rejet de Jésus par les représentants d’Israël et son accueil joyeux par les païens ». D’une certaine manière, l’adoration des Mages trouve un écho lointain dans la finale de Mt 28,17-20 où le Christ Ressuscité envoie ses disciples vers toutes les nations : « En ces versets conclusifs du premier évangile où le Ressuscité s’adresse au Onze prosternés devant lui, le mouvement évoqué est inverse : il n’y est plus question des Nations qui marchent vers Bethléem, mais des disciples envoyés vers elles depuis une montagne de Galilée. L’autre chemin par lequel les Mages sont rentrés ne prépare-t-il pas, dans la perspective de Matthieu, la route qu’emprunteront plus tard les disciples pour aller là où une étoile a d’abord parlé ? » . Si tel est le cas, alors ce récit des Mages constitue le premier volet d’une grande inclusion enchâssant un récit par lequel l’évangéliste veut convier son lecteur à comprendre la dimension universelle du messianisme dont il est le témoin.
Thèmes théologiques
- Le contraste entre la démarche positive des mages étrangers et l'opposition ou l'indifférence des autorités politiques et religieuses juives est le moteur principal de l'intrigue. On peut insister sur le fait que l'épisode porte les germes du conflit à venir entre Jésus et son peuple (sous l'aspect de ses responsables politiques et religieux) qui aboutira à la Passion. On peut aussi souligner qu'il préfigure l'universalisme matthéen (sous le signe du déplacement des savants païens vers Jésus et de leur adoration).
- L'épisode amorce également une réflexion sur l'intervention de Dieu dans l'histoire. Jésus est inscrit dans une histoire dont il est, pour l'heure, un acteur passif. Matthieu ne dit pas que Dieu dirige l'histoire (ni le contraire) mais qu'il intervient par des signes forts, des révélations particulières ou encore dans les Écritures. C'est la réaction des individus à ces interventions qui provoque les événements dont ils ne sont cependant pas les maîtres. Pour les uns (les mages) c'est une mise en marche dans la confiance ; pour d'autres (Hérode), l'intervention de Dieu est une contestation de leur pouvoir et ainsi l'occasion d'une opposition.
- À la lecture de ce récit, on peut également être conduit à réfléchir à 1' articulation entre sagesse humaine et Révélation divine. Les mages se mettent en marche sur la base d'une révélation miraculeuse (l’étoile) que leur fonction (leur science) les prédisposait à découvrir. Il est ici à rappeler qu'ils arrivent à Jérusalem et non pas à Bethléhem (n'est-ce pas leur sagesse humaine qui les a conduits à la capitale des rois d'Israël ?) et que l'étoile ne réapparaît que lorsqu'ils quittent Hérode . À l'inverse, Hérode et les chefs du peuple connaissent, par les Écritures, ce que les mages cherchent depuis l'Orient lointain. Ce savoir objectif n'est cependant pas synonyme de foi. Les Écritures en elles-mêmes ne produisent pas la foi .
- Au final, faut-il aller jusqu'à dire avec tel exégète , non seulement que l'astrologie s'incline, mais encore, que l'évangéliste souligne la suprématie du Seigneur sur les « Éléments du monde » (Ga 4,3) ? Une chose est sûre : au terme de leur périple, les mages s'en retournent par un autre chemin !
Élian CUVILLIER
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- L’étranger : de l’ennemi à l’allié
| La réflexion sur notre relation aux étrangers ne relève pas seulement du champ social et politique. Elle nous concerne spirituellement. Elle renvoie à nos systèmes de convictions, aux représentations que nous nous faisons de nous-mêmes, à notre manière de parler de Dieu et de penser la foi. La question qui nous intéresse ici est de savoir en quoi l’Évangile peut modifier le regard que nous portons sur ceux qui nous sont étrangers et, plus encore, comment sa proclamation, sa prédication, peut susciter une solidarité à l’égard d’autrui ? |
La réflexion sur notre relation aux étrangers ne relève pas seulement du champ social et politique. Elle nous concerne spirituellement. Elle renvoie à nos systèmes de convictions, aux représentations que nous nous faisons de nous-mêmes, à notre manière de parler de Dieu et de penser la foi. La question qui nous intéresse ici est de savoir en quoi l’Évangile peut modifier le regard que nous portons sur ceux qui nous sont étrangers et, plus encore, comment sa proclamation, sa prédication, peut susciter une solidarité à l’égard d’autrui ?
On se souvient des propos sur une prétendue inégalité des civilisations. Françoise Héritier, anthropologue, titulaire de la chaire Claude Lévi-Strauss au Collège de France, réagissait dans les colonnes du journal Le Monde (en date du 12 février 2012) en rappelant combien le rejet de l’autre relève d’une dimension infantile et primaire. « Les certitudes fondées sur des émotions, écrit-elle, ce “bon sens” partagé pour affirmer que les autres ne sont pas comme nous et, dans la foulée, nous sont inférieurs, proviennent d’un réflexe psycho-social partagé par toute l’humanité […]. Ethnologues, géographes, linguistes, historiens savent que, en règle générale, le nom sous lequel se désigne une population définie par une culture, signifie “Nous, les humains”. Les autres, autour, au loin, sont des “barbares” (littéralement “ceux qui ne parlent pas comme nous”) ou des “sauvages”, lorsqu’ils sont encore plus éloignés. »
Ce rejet de l’autre et le racisme qui l’accompagne bien souvent, relèvent d’une stratégie de défense identitaire qui tend à exclure de l’humanité ceux qui ne sont pas comme « nous ». On se souvient de l’historien Hérodote qui dessinait des cercles concentriques de populations éloignant progressivement du centre les caractéristiques humaines et identifiant les étrangers aux animaux les plus repoussants : vermines, poux, rats… Le racisme est une modalité du rapport à autrui partagée sans doute par tous et qui demeure très primitive. Françoise Héritier poursuit son analyse en en appelant à l’éducation et aux oeuvres de la culture qui seules permettent de dépasser ces réflexes identitaires primaires. « Seule la raison, écrit-elle, permet de comprendre, canaliser, maîtriser ces émotions primaires […]. L’expérience enfantine de chacun en ce domaine est relayée ensuite par un apprentissage social qui règle étroitement ouverture ou fermeture aux autres, aux non-apparentés ou à ceux qui ne partagent pas le même territoire. »
On se souvient que la réflexion de Claude Lévi- Strauss, auquel l’anthropologue se réfère, aura précisément porté sur ce point : la nécessité pour les humains de se marier entre groupes distincts de consanguinité (d’où l’instauration de la prohibition de l’inceste), nécessité qui transforme les ennemis d’hier en alliés coopératifs aujourd’hui et en consanguins demain.
Ces propos ici rapportés nous montrent ce que pourrait être la fonction éducative de la prédication chrétienne : celle d’évangéliser notre rapport à autrui. Celle de nous permettre, à nous aussi, de « maîtriser nos émotions primaires », de transformer notre vision de l’autre, pour en faire non plus un ennemi mais un allié, nous dirions un frère, et plus encore, pour passer de la prééminence du même, du familier, à l’étranger comme ce qui contribue aussi à nous structurer.
Précisons que nous entendons par prédication une réalité beaucoup plus large que la prédication du dimanche. Ce terme désigne le système de convictions dont témoigne le christianisme et dont il prétend ou voudrait être l’incarnation.
Une autre question nous requiert ici : celle de savoir pourquoi nous devrions nous intéresser, dans les Églises, à cette thématique de l’étranger ? Et plus encore, pourquoi ces mêmes Églises devraient s’en préoccuper ? Nous pouvons avoir de bonnes raisons de le faire : des raisons morales, sociales et politiques. Mais pour quelles raisons spirituelles et ecclésiales ?
Nous défendons ici que c’est précisément parce que la prédication chrétienne participe de cette vaste entreprise éducatrice de notre rapport aux autres que cette thématique de l’étranger trouve sa place dans la réflexion théologique et dans la vie des Églises. C’est parce que l’Évangile change notre regard sur les autres que la prise en compte solidaire de ces autres devient légitime sur un plan spirituel. L’Évangile éduque notre regard sur l’étranger de telle façon qu’il fait de celui-ci un proche et une source de préoccupation spirituelle.
La première réponse à cette double question (en quoi l’Évangile éduque nos relations à autrui ? Pourquoi une solidarité ecclésiale en faveur des étrangers ?) porte sur le lien entre le particulier et l’universel. Il nous semble que l’une des grandes leçons de l’Évangile est de préférer le proche au lointain. Cette préférence s’illustre à travers la préoccupation de Jésus pour des individus, des hommes et des femmes qui sont pris en compte dans ce qui les rend singuliers, dans leur unicité. S’il y a une dimension universelle dans la prédication de Jésus, si les propos qui ont été retenus de lui cherchent à dépasser les frontières, à atteindre le monde entier, c’est toujours à partir des individus, à travers la prise en compte des situations particulières. L’Évangile va toujours vers le concret. La notion même d’incarnation, si prédominante pour la théologie chrétienne, dit bien l’importance de ce mouvement d’ancrage des vérités de Dieu et de l’humain.
Cette tension entre le particulier et l’universel et la manière dont l’universel passe toujours par le particulier enrichissent notre relation à celui qui nous est étranger. Celui-ci n’est pas d’abord une abstraction, un concept ou un fantasme, il est d’abord une histoire et une situation, un itinéraire.
L’étranger est toujours d’abord une femme, un homme, un enfant, qui, en ce qui nous intéresse ici, se retrouve bien souvent en situation d’exil involontaire. Des liens ont été rompus, tout ce qui constitue le socle sur lequel nous nous construisons a été brisé et le restera pour longtemps et peut-être pour toujours. Cette rupture est d’autant plus douloureuse pour des personnes issues de sociétés où l’identité se définit principalement par l’appartenance à un groupe déterminé. Cette femme, cet homme, cet enfant, est une personne déliée qui en plus se retrouve, bien souvent, projetée dans un monde souvent incompréhensible, indéchiffrable, dont les codes lui sont en partie inconnus. Il y a là comme deux vulnérabilités qui se renforcent mutuellement : celle d’être coupé d’une partie de soi-même et celle d’être projeté dans l’inconnu d’un monde incompréhensible.
Il existe toujours une tension entre la particularité de ces situations vécues et le caractère forcément universel des lois qui réglementent ces mêmes situations. Or nous sommes perpétuellement tenus de prendre en compte ces dernières, ce vécu, ces itinéraires particuliers pour éviter que la loi ne devienne froide, mécanique et inhumaine. La philosophe Hannah Arendt a précisément défini le totalitarisme comme l’entreprise par laquelle on prétend imposer le bien en faisant comme si les gens n’existaient pas. Mais si nous sommes tenus de prendre en compte la particularité des situations, nous le sommes aussi du caractère universel de la loi. Seul celui-ci préserve du règne de l’arbitraire, de la manipulation, mais aussi du délitement du collectif.
La leçon des évangiles nous est ici utile car elle nous invite, au coeur de cette tension nécessaire et indépassable entre le particulier et l’universel, à enrichir notre rapport à l’universel à partir du concret. Cet enrichissement passe prioritairement selon nous par la pratique du témoignage.
Celui-ci permet aux situations particulières de se dire. Les témoins oeuvrent socialement à raconter ce vécu, à porter ces situations particulières à la connaissance de tous et permettent ainsi au législatif de revenir toujours plus au concret, de prendre toujours plus en compte ces situations. Seuls les récits évitent ce totalitarisme de l’abstraction, de l’imposition d’un bien sans prendre en compte ceux qui en seraient les bénéficiaires. Ces témoins contribuent de manière heureuse et nécessaire à résister à la mécanisation déshumanisante de la loi. Ils obligent la loi à se particulariser toujours davantage. Dans ce sens, on pourrait dire, nous y reviendrons plus loin : la grâce anticipe sur la loi…
Cette prédication éduque notre rapport à autrui en nous rappelant aussi que la thématique de l’étranger nous concerne de près, du plus près qui soit possible car la Bible est précisément une affaire d’étrangers. « Ces autres, autour, au loin, que sont les “barbares” », comme l’écrit Françoise Héritier, ces « non apparentés » éloignés du centre de ce qui fait l’humanité, ces autres de mes réflexes identitaires primaires, ces autres, ils se retrouvent au centre même de nos littératures bibliques. On l’oublie trop souvent mais, en effet, le corpus des textes qui composent cette vaste littérature biblique à laquelle le judaïsme et le christianisme se réfèrent, est une longue histoire d’exil, de déplacement, de déportation, de déracinement, de rupture. L’exil est pour nos deux Bibles, hébraïque et grecque, une réalité tangible, vécue, et ce même exil va devenir un élément fondateur, structurant de leur propre système religieux. On le comprend aisément pour le judaïsme qui naît en situation d’exil, qui se reconstruit en tant qu’étranger et en situation de confrontation avec de l’étranger. C’est vrai aussi du christianisme qui est l’héritier de la prédication d’un autre, d’un juif, et qui va, lui aussi, se déterminer, en fonction de traditions différentes.
On voit déjà ici combien cette thématique de l’étranger n’est pas pour la prédication chrétienne matière à option ; elle est constitutive du christianisme, de son émergence, de son histoire comme de sa dogmatique.
On voit aussi et surtout que le « non apparenté », le « barbare » de nos réflexes identitaires primaires, est dans la Bible celui avec qui je dois nécessairement « faire avec » pour construire mon identité, et c’est aussi celui que je découvre être moi-même aux yeux de ceux qui m’entourent.
Sur un tout autre registre, mais pour dire un peu la même chose, il est hautement significatif qu’à chaque fois que le christianisme s’est installé dans une société donnée, des mouvements de contestation sont apparus à l’intérieur de ce même christianisme pour le réveiller, et pour le réveiller en l’empêchant de trop se conformer et se confondre au monde ambiant, pour rester toujours en partie étranger au monde lui-même. C’est dans cet écart avec le monde ambiant que le christianisme pense encore pouvoir se faire entendre comme une prédication prophétique, critique, non conformiste et en partie toujours dérangeante et impopulaire.
Cette résonance entre le christianisme et cette thématique de l’étranger prend un tour nouveau et une dimension d’autant plus forte, que la prédication de Jésus elle-même fait de l’étranger une source d’inspiration pour la théologie. L’étranger apparaît alors commela figure médiatrice d’une prédication. En affirmant que nul n’est prophète en son pays, la Bible implique logiquement que c’est toujours de l’étranger qu’arrive le prophète ; telle une manière de soutenir que seule une parole différente, autre, étrangère peut nous stimuler, nous enrichir, nous faire découvrir un Dieu qui n’est jamais là où on l’attend, qui est toujours en excès par rapport à tout ce qu’on peut dire de lui, qui n’est la propriété de personne. Cette même prédication fait de la figure de l’étranger le lieu d’incarnation, de mise en oeuvre, de concrétisation du christianisme.
Le Jésus de Matthieu 25 « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » qui nous appelle à le reconnaître en l’étranger nous dit bien combien la suivance de Jésus nous solidarise avec les étrangers.
Cet étranger au cœur de la Bible devient nécessairement, grâce à elle, l’objet de nos préoccupations. Plus encore, cet étranger que nos émotions primaires rendent barbare devient à la lecture de la Bible celui avec qui je me construis.
Ce qu’il est intéressant de relever aussi, c’est ce passage de l’émotion primaire, raciste, qui souligne la protection du même, à l’émotion construite, inclusive, qui souligne la part indépassable de l’autre dans la construction de soi ; ce passage est médiatisé et donc enseigné à travers de nombreux textes bibliques, tels, par exemple, certaines paraboles de Jésus.
Cet autre, dont la figure de l’étranger est emblématique, est ce qui ne se laisse pas réduire au déjà connu, à ce que je suis, à ce que je comprends… L’autre est fondamentalement ce qui échappe aux jeux des ressemblances et des équivalences ; en lui réside toujours un inatteignable, de l’incompréhensible qui échappe à toute anticipation et à toute emprise. L’autre m’est autre, précisément parce qu’il résiste à toute compréhension. Comme le disait le philosophe Emmanuel Levinas, dans son Totalité et infini : « L’autre, qui m’est autre, ne se résorbe pas dans mon identité de pensant et de possédant… ». La relation à cet autre, comme étranger, se devrait de préserver l’incognito auquel il renvoie. Accepter l’autre, comme étranger, ne revient pas à se l’annexer, à s’en faire un semblable. On se souvient ici de ce texte de la Genèse qui raconte la visite des étrangers dans la ville de Sodome. Le rejet de ces derniers qui déclenchera la colère que l’on sait, s’exprime dans les termes d’une sorte de trop plein d’hospitalité ! Ils sont exclus en se retrouvant connus, assimilés, phagocytés. On pourrait affirmer ici que si le dialogue a pour grande vertu d’opérer des traductions, de relier des dissemblances, de promouvoir des mondes communs, il lui revient aussi de laisser poindre les différences, voire des différends, et de se défendre d’emblée de tout comprendre, de tout intégrer. « Comprendre, c’est dominer », écrivait à juste titre le théologien Auguste Sabatier (1839-1901).

L’apprentissage de cet incognito de l’étranger a d’autant plus sa place en christianisme, et encore plus dans un christianisme protestant, que celui-ci est structuré par la prédication d’un Dieu insoumis à toute captation, irréductible à tout ce qui voudrait l’enclore comme le dirait Calvin, et finalement le posséder. La foi chrétienne nous met à l’école de cet insaisissable. Elle nous apprend à nous dessaisir de toute forme d’appropriation et de chosification de la réalité ultime. On peut retrouver ici une lutte, au coeur même du religieux, contre le religieux lui-même, une lutte contre la dérive qui menace toujours le religieux de s’aliéner Dieu, et celui qui lui est fidèle, de se les approprier l’un l’autre, de réduire finalement l’inconnu, ce qui nous échappe, ce qui nous est autre dans le seul domaine du connu, du familier. C’est très certainement là aussi que réside la grande tâche de la prédication chrétienne, celle de constamment nous replacer devant ce qui de Dieu, des évangiles, comme de l’existence humaine, reste inatteignable, irréductible à toute captation, transcendant à tous savoirs établis.
Cet apprentissage de l’incognito est peut-être d’autant plus nécessaire dans une société, la nôtre, qui a du mal, et peut-être de plus en plus de mal, à faire avec ce qu’elle ne maîtrise pas, ce qui lui échappe, ce qu’elle ne comprend pas. Ne faut-il pas aujourd’hui pouvoir tout comprendre, tout savoir, tout voir, tout connaître ? Si l’étranger dérange, semble tellement déranger, c’est aussi sans doute parce qu’il porte en lui cette menace d’un non maîtrisable. Un non maîtrisable que la raison théologique cherche, elle, précisément, à valoriser.
Cette prédication chrétienne évangélise notre rapport à autrui dans le sens aussi où elle vient briser nos équilibres confortables pour tout mettre au risque de l’aventure.
S’est bien installée l’idée, très juste au demeurant, que l’étranger est tout autant le porteur d’une menace que celui qui nous stimule et nous libère.
Bon nombre de récits bibliques sont traversés par cette double attitude à l’égard d’autrui, de défiance et d’invitation, de méfiance et d’approbation. C’est ainsi par exemple que les traditions du particularisme de l’alliance ethnicisée, très vives notamment vers la fin de l’exil, s’opposent à celles plus universalistes et bienveillantes de l’alliance inclusive, telle la figure mythique d’Abraham.
Le caractère ambigu de cette figure de l’étranger, de cet étranger mi-ange mi-démon, nous invite à rejeter tout autant l’accueil inconsidéré, l’idée qu’on peut accueillir tout le monde, que l’exclusion, le refus de toute ouverture. Il ne faudrait pas forcer l’hospitalité, sans s’être assuré des possibilités d’une intégration, il ne faudrait pas armer nos frontières en prétextant l’épuisement de toutes possibilités d’accueil. Sur un autre plan, on pourrait dire qu’il faut résister à l’émergence de communautés fermées sur elles-mêmes et immunisées, et cela, par exemple en christianisme, au nom du Dieu pur de la petite communauté des élus. Mais il convient aussi très certainement de penser la clôture, d’oser penser la fermeture des communautés comme ce qui permet de les identifier, de leur donner du relief, de contribuer à les rendre singulières. L’instrumentalisation politique de ce thème de la frontière pour défendre celle-ci contre ceux qui voudraient la rendre poreuse et la démanteler, ne saurait pour autant nous dessaisir de toute réflexion à son sujet. La frontière est aussi ce qui définit et identifie, elle distingue pour mieux réunir. La frontière est aussi ce qui assure les conditions d’un accueil favorable.
Il n’en demeure pas moins que l’Évangile relève d’une dynamique autre. La prédication de cet Évangile n’est pas une leçon de sagesse et d’équilibre, elle est celle d’un basculement risqué et audacieux vers la rencontre. La vie de Jésus est celle d’une longue série de rencontres improbables avec des hommes et des femmes qui, dans le sillage du prophète, sont transformés de manière créatrice. L’action de Dieu révèle notamment sa puissance résurrectionnelle dans l’interstice des relations humaines, lorsque s’opère un changement de regard qui, précisément, transforme l’ennemi en allié et rend possible une fraternité humaine. La prédication de Jésus nous semble animée par cette dynamique qui vise à faire de la relation humaine une source d’épanouissement et de stimulation. L’autre, l’étranger, porte en lui la promesse d’un « supplément d’être », d’un « autrement » vivifiant, éminemment créatif.
Nous l’écrivions plus haut, la grâce anticipe sur la loi. L’Évangile n’est pas une politique ; il ne peut à lui seul définir les conditions d’un vivre ensemble, organiser les différends inhérents à l’espace collectif, il ne peut réguler les dynamiques sociales et économiques à l’oeuvre dans nos sociétés. L’Évangile n’est pas une politique, de même que l’amour ou la compassion ne peuvent en devenir une. Mais sans faire de la politique, la prédication chrétienne anticipe sur le politique en tant qu’elle déploie un horizon de préoccupation et d’interpellation, en tant, aussi, qu’elle opère modestement parfois une forme de résistance, de sauvegarde de la société civile par le rappel de certaines valeurs, par une mobilisation en faveur de tout ce qui oeuvre à l’émancipation de humain.
Puisque l’Évangile n’est pas politique, sa proclamation n’est pas forcément sage ; elle peut aussi prendre les risques d’une certaine forme d’irresponsabilité : celle de proclamer et de défendre un idéal qui entend bouleverser nos équilibres nécessaires. Si les Églises ne font pas de politique, c’est qu’elles acceptent que d’autres en fassent, et que ceux-ci leur rappellent peutêtre que l’Évangile qui les anime n’est pas forcément tenable politiquement. La grâce n’est pas la loi et ne saurait le devenir. Elle ouvre un horizon, elle sert un idéal qui, dans les faits de l’histoire, sera nécessairement objet de régulation, de certains compromis.
Une des plus grosses difficultés à laquelle sont confrontés toutes celles et ceux qui oeuvrent en faveur des étrangers est la complexité des réglementations auxquelles ils doivent faire face, une complexité renforcée par la modification régulière de ces mêmes lois. L’un des effets négatifs, peut-être délibéré et auquel il est difficile de résister, est de rendre l’aide de plus en plus difficile et finalement de décourager la solidarité. Or c’est précisément face à ce découragement que la proclamation de l’Évangile résiste.
Il nous faut pour cela retrouver la prédication de Jésus comme celle de l’homme debout. On se souvient ici de ces fameuses sculptures de Giacometti : cet homme debout, qui avance, en marche, délesté de ce qui le met en incapacité d’exister. Il nous faut retrouver cette prédication en résistance parfois à un certain pessimisme à l’endroit de l’humain dans ses capacités d’entreprendre et d’agir. La prédication de la justification par la grâce seule nous a trop souvent démobilisés, nous laissant penser que Dieu faisant tout, l’humain ne peut rien faire. Mais cette prédication de la grâce, n’est pas une prédication de la grâce facile et à bon marché, comme le disait le théologien Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) et avant lui le pasteur Wilfred Monod (1867- 1943), c’est une grâce qui nous libère pour les autres. La grâce libère pour l’action. La grâce de Dieu est celle qui nous est faite, lorsque nous nous croyons enfin capables, lorsque nous pouvons croire, à la suite du théologien Charles Wagner (1852-1918), que « l’homme est une espérance de Dieu ».
Ces différentes leçons de l’Évangile nous montrent comment la prédication peut relever de cette vaste entreprise culturelle par laquelle nos pensées réflexes, premières et primaires, peuvent être éduquées, transformées. Le racisme, attitude commune et primaire, si banalisée et autorisée de nos jours, nous dirions même décomplexée, rend socialement et humainement impérieuse l’oeuvre de la culture. La culture, sous diverses formes (éducation, art, science, religion, etc.) éduque à la relation aux autres. En nous donnant de nous comprendre autrement, elle reconfigure nos identités. L’étranger, celui du dehors, ce non-apparenté presque déjà relégué dans le monde animal le plus repoussant, est replacé au coeur de l’humain que je suis, au coeur d’une humanité dont seule la culture montre le caractère indivisible. C’est cette œuvre de culture que nous attendons aussi de la prédication chrétienne.
Les photos couleur son tirées du film documentaire Vol spécial de Fernand Melgar qui montre la vie dans un centre de rétention administrative suisse et celles en noir et blanc proviennent du livre On nous tue en silence de Denis Jutzeler, qui est le chef opérateur du film et a souhaité constituer une mémoire visuelle plus intime avec les détenus de Frambois.
Il explique, en quatrième de couverture de son livre photographique :
« En février 2010, Fernand Melgar me confie l’image du film documentaire Vol spécial. Avec l’équipe de tournage, je me suis immergé durant deux mois dans un univers carcéral singulier, un centre de rétention administrative : Frambois.
À la fin du tournage, je propose aux détenus qui m’y autorisent de les photographier. Je voulais prendre le temps de leur dire au revoir et leur témoigner un regard personnel, silencieux, au-delà des mots. Garder une trace de leur peur, de leur colère, de leur dignité et de leur espoir malgré tout. Sans artifice, dans l’éclairage naturel, je leur ai demandé de se confier librement à l’image.
Ces portraits nous fixent, non pas pour nous juger, mais pour exprimer ce qui se vit silencieusement, dans les vingt-huit prisons administratives de Suisse. »
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Fiche pédagogique cliquer ici
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