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Nourriture et repas dans le premier évangile -Partie I

ID 1276 115
ID 1276 115 

Manger et boire : deux actes fondamentaux de l’existence humaine au travers desquels se jouent la vie et la mort de l’individu, non seulement sur un plan physique mais également sur un plan psychologique. L’être humain traduit quelque chose de sa compréhension de lui-même et du monde dans le rapport qu’il entretient à la nourriture (ainsi le boulimique ou l’anorexique)….

Dans sa façon de sélectionner la nourriture (ce qui se mange et ne se mange pas) de la préparer (crue, cuite, apprêtée de telle ou telle manière), de la manger (les rituels qui, dans toutes les sociétés humaines, entourent la prise de nourriture) et de la partager avec d’autres (la commensalité), se joue, non seulement un point de jonction essentiel entre nature et culture, mais également un rapport à soi-même et à l’autre incluant l’existence physique, psychologique, sociale ou religieuse de l’individu. Sans oublier, dans le domaine religieux, les relations complexes unissant nourriture, sang, violence et sacrifice .

L’Évangile de Matthieu est constamment traversé, du début à la fin, d’allusions à la nourriture et aux repas. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons recensé près de trente passages (du simple logion à la péricope entière ) qui parlent de prise de nourriture ou de repas. Une enquête rapide à travers l’ensemble de ces occurrences permet d’identifier cinq entrées possibles  qui permettent de rendre compte de la richesse de ce thème de la nourriture et du repas dans l’Évangile de Matthieu.

a)    Les récits mentionnant la « faim» de Jésus et de ses disciples (Mt 4,1-11 ; 12, 1-8 ; 21,18-22).
b)    Les paroles sur la nourriture et le jeûne dans le Sermon sur la Montagne (Mt 5,6; 6,11 ; 6,16-18 ; 6,25-34; 7, 7-11).
c)    Les récits mentionnant des « repas» de Jésus (Mt 9, 9-19 ; 26, 613 ; 26, 17-29).
d)    La « section des pains» (14, 13-16, 12) et ses multiples allusions à la nourriture et aux repas (Mt 14, 15-21 ; 15, 1-20; 15,21-28 ; 15,3239; 16,5-12).
e)    Le thème de la faim, du manger et du boire, de l’excès de table et du repas de noce dans les paraboles de Jésus, en particulier dans le discours eschatologique (Mt 22, 1-14 ; 24, 37-41 ; 24, 45-51 ; 25, 1-13 ; 25,31-46).

Le cadre de cette contribution ne permet pas de parcourir l’ensemble du matériau relatif à un thème aussi riche. Nous avons donc choisi de privilégier les deux entrées où les thèmes de la faim et du repas apparaissent dans des récits mettant en scène Jésus et/ou ses disciples (à savoir les points a. et c.).

PARTIE 1.    LA « FAIM » DE JÉSUS ET DE SES DISCIPLES (Mt 4, 1-11 ; 12, 1-8 ; 21, 18-22)

À trois reprises, le narrateur utilise le verbe peinaô (avoir faim) pour indiquer la faim de Jésus et de ses disciples : 4, 2, epeinasen ; 12, 1, epeinasan ; 21,18, epeinasen (cf. également 25,35.37.42.44 : epeinasa ei peivônta deux fois, passages sur lesquels nous reviendrons à la fin de cette première partie). Ces trois mentions renvoient à trois épisodes dont l’analyse constitue l’objet du présent chapitre.

1.1.    La « faim » de Jésus comme discours d’incarnation (Mt 4, 1-11)

Faisant suite au récit du baptême, le récit de la tentation permet de vérifier ou d’éprouver la qualité de « fils » attribuée à Jésus depuis la révélation du baptême (Mt 3, 13-17) : comment celui que la voix du ciel a proclamé « Fils bien-aimé» (3, 17) est-il « Fils de Dieu » ? (4, 3.6). Cinq remarques en lien avec notre thème sur ce récit.

(1) La première tentation est relative à la nourriture. La faim est la première expérience du manque et le jeûne que vit Jésus en constitue une traversée. En se soumettant à la privation de nourriture, le Jésus de Matthieu subit rien moins que l’épreuve de l’incarnation.

(2) Le tentateur propose à Jésus de résorber l’expérience du manque, constitutive de l’humanité, par l’expérience de la toute-puissance qui est négation de la réalité commune (dans le monde des hommes une pierre ne se transforme jamais en pain). Sous forme d’un défi, il propose la disparition du manque en convoquant la puissance divine supposée demeurer dans la personne de Jésus. En somme, le tentateur déclare qu’est « Fils de Dieu » celui qui échappe à la condition humaine : ne plus connaître ni la faim (v. 3) ni la mort (v. 6) et recevoir le pouvoir (v. 9).

(3) À la tentation qui propose de ne plus connaître l’épreuve de la faim qu’expérimente tout homme, Jésus oppose son refus, fissurant ainsi la figure du Dieu définie par le tentateur. Jésus n’est « Fils de Dieu» qu’en renonçant à être « dieu » au sens où le terme définit le contraire de ce qu’est l’homme. Il n’est « Fils de Dieu » qu’en refusant en tout premier lieu le prodige permettant d’apaiser artificiellement la faim. Jésus refuse en somme le déni de la réalité.

(4) Outre ce refus de la toute-puissance, Jésus déplace la problématique de la faim du plan physiologique au plan métaphorique : non seulement, il ne succombe pas à la tentation du prodige qui n’est ni plus ni moins que la négation de la réalité, mais en outre il ne se laisse pas capturer par la fascination du simple assouvissement de la faim physique. Celle-ci est métaphore de la faim véritable. Se nourrir en vérité c’est écouter la parole de Dieu.

(5) L’épisode se termine par la mention « des anges vinrent auprès de Jésus et le servaient» (v. 11). On doit comprendre ici qu’ils viennent lui apporter de la nourriture (cf. Mt 8,15 ; 25,44 ; et 1 R 19,8 -où l’ange nourrit Élie pour lui permettre de marcher 40 jours et 40 nuits vers le Mont Horeb). On peut aussi entendre que Jésus est nourri dans le désert comme le peuple autrefois recevait la manne. Au « Fils » qui refuse de transformer les pierres en pain, Dieu accorde la nourriture nécessaire. Le Fils ne « force » pas le Père, il fait confiance en sa parole et reçoit de surcroît la nourriture du corps (cf. 6,33). Il n’y a donc pas négation du besoin physique.

Le récit de la tentation trace ainsi quatre directions : (1) le refus de la toute-puissance laquelle est déni de la réalité ; (2) l’ouverture sur une écoute métaphorique des signifiants : la « nourriture» véritable c’est l’écoute de la parole de Dieu ; (3) cette ouverture au symbolique n’est pas négation du besoin physique ; (4) est nourri celui qui, ne succombant pas à la tentation du refus de la limite, se sait dépendant de l’Autre.

1.2. La « faim » des disciples au risque de l’interprétation de Jésus (12, 1-8)

Le récit de la tentation a dénoncé un premier risque de déshumanisation (risque si on se réfère à Gn 3,5) : le désir de puissance et le refus des limites comme dénis de la réalité. Le « Fils de Dieu» y résiste en empruntant la voie de l’incarnation supposant acceptation du manque et confiance en une altérité secourable. Le récit des épis arrachés le jour du sabbat (Mt 12,1-8) met en scène une seconde tentation de déshumanisation de l’humain : le rapport dévoyé à la Loi entravant chez l’homme ce qui est du côté de la vie pour le lier à une règle asservissante et mortifère. Cinq remarques à l’appui de cette lecture.

(1) Dans Mt, la péricope se trouve directement reliée au logion de 11,28-30. Mt 12,1-8 se présente ainsi comme l’illustration directe de l’affirmation selon laquelle le «joug » – métaphore souvent utilisée dans la tradition juive pour désigner la Loi – de Jésus est « facile à porter et [s]on fardeau léger  » (11,30). En 12, 1-8 sont donc opposés le «joug» des pharisiens et le «joug » de Jésus. Autrement dit, ce n’est plus à la Loi de Moïse telle que les pharisiens en sont les dépositaires qu’il faut obéir (dont il faut se charger) mais à la Loi (i.e., au « joug ») de Jésus (cf. Mt 5,21-48 : « Vous avez entendu qu’il a été dit […]. Mais moi je vous dis [… ] »). On est ici au cœur du changement radical de paradigme que propose Matthieu : ce n’est plus la Torah mais le Messie qui est au centre de la piété.

(2) Les disciples sont caractérisés par trois déterminations : ils ont faim; ils arrachent des épis ; ils mangent. Ils ne sont donc pas confrontés à la tentation de nier leurs limites en demandant par exemple à Jésus de les nourrir miraculeusement (cf. à l’inverse Mt 14,28-33 où Pierre demande à Jésus de marcher sur les eaux). Ils font simplement ce que chacun fait au quotidien : ils assument pleinement leur humanité. Ils sont dans le « besoin» de nourriture et ils l’assouvissent en humains, c’est-à-dire par un « travail » qui consiste à arracher les épis avant de les manger.

(3) Les disciples sont accusés de transgresser la règle du sabbat. Premièrement et principalement, du point de vue des pharisiens tels qu’ils sont mis en scène par Matthieu ; ils ne se soumettent pas à une obéissance stricte, légaliste, aurait-on envie de dire. Mais les disciples semblent aussi transgresser le sens premier du sabbat, son sens fondamental pourrait-on dire. Originellement, le sabbat est en effet compris comme un temps de rupture avec l’activité quotidienne, avec le besoin quotidien de nourriture, de travail, d’activité. II fait intervenir de l’écart, de la différence, de la distance par rapport au quotidien. En d’autres termes, le sabbat fait passer du besoin (par exemple de nourriture) au désir (de se « nourrir » de la parole de Dieu). Les disciples semblent s’en tenir à l’assouvissement de leur besoin primaire. Un besoin certes important mais non vital, en ce sens que s’ils avaient attendu la fin du sabbat pour manger, ils ne seraient pas morts!

(4) Pourtant Jésus justifie ses disciples. D’abord de la transgression de la lettre du sabbat telle que les pharisiens la défendent. Ici, le lien avec ce qui précède (le« joug» léger) indique bien que ce qui est enjeu c’est un rapport perverti à la loi du sabbat. Elle ne se soucie pas de l’humain mais de l’application stricte d’une règle. Elle ne se soucie pas du sens à donner au sabbat comme temps de mise à distance de l’activité quotidienne, possibilité de métaphoriser son agir, de penser différemment le rapport au monde, aux choses et aux autres. Le seul souci est l’application de la règle. Or ici, Jésus est clair ; sa parole fait autorité pour refonder un rapport à la Loi qui libère de son caractère mortifère.

(5) Mais de façon plus fondamentale, notre hypothèse est que la parole de Jésus lève l’accusation selon laquelle les disciples transgressent l’esprit même du commandement du sabbat. Pour affirmer cela nous nous appuyons sur le constat de l’étendue de l’argumentation par laquelle le Jésus matthéen justifie l’attitude de ses disciples (6 versets sur les 8 que contient la péricope). Cette longue argumentation a pour effet de donner à l’attitude des disciples une épaisseur qu’elle ne possède pas dans la narration lapidaire du v. 1 (« Ses disciples qui avaient faim, se mirent à arracher des épis et à manger »). Il aurait pourtant suffi que Jésus affirme qu’il ne faut pas appliquer la Loi de façon casuiste et légaliste, qu’il en appelle au souci de l’autre constitutif de la Loi mosaïque . Au lieu de cela, le Jésus matthéen répond par un long détour, pas moins de quatre arguments dont l’essentiel peut se résumer ainsi :

a)     v. 3-4 : en faisant ce qu’ils font les disciples remémorent rien moins qu’une situation où David a sauvé la vie de ses compagnons en danger de mort (l S 21,3-7) ; ils accomplissent un geste assimilé à un geste de salut ;

b)     v. 5-6 : ils sont, dans le même mouvement, «prêtres» de Jésus, plus grand que le Temple ;

c)     v. 7 : ils accomplissement également la parole prophétique d’Osée dont ils reçoivent une interprétation autorisée  ;

d)     v. 8 : ils sont sous l’autorité souveraine du Fils de l’homme.

Le moins qu’on puisse dire est que tout cela n’était pas exprimé dans la narration de leur action initiale ! Autrement dit, cette longue argumentation a pour effet de donner de la profondeur à l’agir des disciples et, avec la profondeur, une interprétation théologique qu’elle reçoit de la seule parole de Jésus. Les paroles de Jésus donnent du sens au geste des disciples tout comme les paroles de Jésus donneront du sens à l’attitude de la femme de Béthanie (Mt 26,4-13). Les paroles de Jésus font faire au geste des disciples un détour qui est le détour de l’interprétation. Elles construisent un écart entre leur attitude et le sens qui lui est donnée. Ainsi, les paroles de Jésus fonctionnent comme le sabbat: elles créent un écart entre le « besoin» des disciples (leur faim) et l’interprétation que Jésus en donne ; une interprétation qui renvoie à la christologie et au lien qui unit les disciples à Jésus.
Concluons. Pas plus qu’apaiser la faim ne suppose d’en appeler à une toute-puissance divine qui est déni de la réalité, la Loi n’exige qu’on entrave ce qui en l’homme relève de son humanité au nom d’une obéissance aveugle, oubliant que le commandement a été fait pour le bonheur de l’homme. L’autorité du « Fils » qui a assumé pleinement l’humanité et ses limites libère les disciples des règles mortifères qui entravent leur vie d’hommes. En même temps, la parole du Fils de l’homme donne du sens à l’agir des disciples, interprétant leur geste non comme simple « besoin» de nourriture mais comme rien moins qu’accomplissement des prophéties. En arrachant des épis un jour de sabbat, parce qu’ils avaient faim, les disciples – du point de vue du récit évangélique – se sont tout simplement mis sous l’autorité du Fils de l’homme et de sa parole. Est-il exagéré de dire qu’en transgressant la lettre du sabbat les disciples en accomplissent l’esprit si l’on se souvient que Jésus est celui qui donne le « repos» (v. 28 : anapauô, verbe – substantif anapausis -, souvent utilisé dans la LXX pour indiquer le repos du sabbat, cf. Ex 23,12) ? Quoi qu’il en soit, ce surplus de sens donné au geste des disciples est donné par la parole de l’interprète autorisé de la Loi qu’est Jésus.

1.3.    Faim de Jésus et malédiction du figuier (Mt 21, 18-22)

Jésus passe devant un figuier. Il a faim. Il ne trouve rien. Il ordonne et le figuier sèche. Ses disciples ébahis l’interrogent sur ce prodige. Il répond que foi et prière peuvent les rendre capables de prodiges plus grands encore. Deux questions se posent alors : Jésus aurait-il finalement cédé à la tentation de la toute-puissance ou, à tout le moins, la frustration créerait-elle chez lui une violence vengeresse ? Les disciples seraient-ils invités, en fin de compte à entrer dans la logique de la demande de puissance ? Trois remarques sur cet épisode.

(1) Notons d’abord que Jésus ne fait pas venir des figues sur un arbre qui n’en possède pas. Il n’y a donc pas déni de la réalité (il ne fait pas pousser « miraculeusement» des figues) mais, au contraire, prise en compte de celle-ci comme pour constater qu’il ne peut pas en aller autrement. La parole de Jésus entérine un état de fait : elle révèle la mort du figuier en la rendant visible. On reconnaît l’arbre à ses fruits dit ailleurs en substance le Jésus matthéen (cf. Mt 7,15-20). Pourquoi donc s’obstinerait-on ici à attendre de cet arbre ce qu’il ne peut pas donner. Là résiderait le déni de la réalité !

(2) Ensuite, l’encadrement de l’épisode invite le lecteur à entendre le figuier comme une métaphore du Temple. Certes Matthieu ne reprend pas la construction marcienne « en sandwich » (cf. Mc 11,12-14 et 20-25). Dans Matthieu, l’épisode des vendeurs chassés du Temple (Mt 21,12-17) et celui de la controverse sur l’autorité (Mt 21,23-27) encadrent notre récit (Mt 21,18-22). Pourtant, le sens n’en est pas moins évident que dans Marc : les figues que Jésus n’a pas trouvées, ce sont bien ces fruits qu’il était en droit d’attendre de l’institution religieuse du Temple. Il n’a donc pas été nourri par elle.

(3) Enfin, les disciples sont invités à avoir la foi qui permet de recevoir tout ce qu’on demande. Mais que demander ? L’assouvissement du fantasme de toute-puissance (cf. Mt 21, 22, « tout ce que vous demanderez ») ou l’ouverture à la volonté de Dieu ? Le récit global offre une réponse à mon sens assez claire. Pour ne nous en tenir qu’à trois passages en lien direct avec notre thème, en amont, c’est le « donne-nous notre pain quotidien » (Mt 6, 11) du « Notre Père» et l’invitation à vivre dans la confiance en cherchant prioritairement le Royaume de Dieu (cf. Mt 6,25-34) ; en aval c’est le « s’Il est possible que cette coupe s’éloigne, toutefois non pas ce que je veux mais ce que tu veux» (Mt 26,42) de Jésus. Bref, l’enjeu est le suivant : à lire l’épisode coupé de son contexte narratif large et étroit, on a un réinvestissement d’une figure puissante du Messie et une invitation faite aux disciples à se situer dans sa lignée ; le thaumaturge tout-puissant qu’est Jésus peut combler la frustration de ses disciples en les faisant participer à sa puissance. À replacer l’épisode dans son cadre narratif, on poursuit les axes précédemment entrevus : refus de la toute-puissance ; confiance dans une extériorité bienveillante ; métaphorisation. Quant à la prière elle n’est pas satisfaction des pulsions et frustrations infantiles mais ouverture au désir de l’Autre.

1.4.    Ouverture : se laisser nourrir par les autres

Indiquons seulement deux références qui abordent la question de la faim et de la nourriture en dehors des textes que nous venons d’analyser. Ces deux références confirment les perspectives entrevues (à savoir les axes que sont refus de la toute-puissance, confiance en un autre, métaphorisation des signifiants sans pour autant nier le « besoin » physique). En Mt 25,31-46, après les trois récits que nous venons de lire, c’est le « Fils de l’homme » glorieux qui s’identifie à l’un de ces « petits » affamés qui ne doivent leur survie qu’à ceux qui les nourrissent. Une image anticipée par les recommandations de Jésus aux disciples dans le discours missionnaire : invités à partir sans rien prendre en route car l’ouvrier « mérite sa nourriture » (10,10), ils se retrouvent liés à ceux qui voudront bien leur donner un « verre d’eau » en leur qualité de « petits» et de « disciples» (cf. Mt 10, 42). 

Élian CUVILLIER

Directeur des études des cycles Licence et Master – Nouveau Testament IPT – Montpellier

Article paru dans la revue ÉTUDES THÉOLOGIQUES ET RELIGIEUSES 82e année – 2007/2 – P. 193 à 206

Publié ici avec autorisation

 

 

En Chemin vers Pâques !

ID 1284 Tract Carême
ID 1284 Tract Carême
 

Les quarante jours de Carême qui précèdent la fête de Pâques, peuvent devenir pour les enfants et pour toute la famille, une joyeuse occasion d’approfondir sa foi !

Les quarante jours de carême qui précèdent la fête de Pâques, peuvent devenir pour les enfants et pour toute la famille, une joyeuse occasion d’approfondir sa foi !

Ce « calendrier de carême » propose…

  • pour les enfants de 7 à 10 ans : une lecture biblique quotidienne, un petit commentaire et une prière. Chaque semaine, une carte illustrée permet à l’enfant d’exprimer sa propre prière et éventuellement de l’offrir à quelqu’un (à télécharger gratuitement sur le site paquesencadeau.fr).

  • pour les familles : une célébration créative de 30 min à vivre ensemble, chaque dimanche sur un thème différent.

Cette animation de carême est l’une des quarante propositions réunies dans le livre Pâques, la vie en cadeau (Editions Olivétan) pour célébrer la mort et la résurrection de Jésus.

Nous vous souhaitons un heureux temps de carême !

Retrouvez ici : Pâques : la vie en cadeau

Des paroisses, des pasteurs ont été invités à communiquer leurs expériences.

Résultat : une moisson d’idées créatives pour la catéchèse, l’évangélisation, des moyens de vivre le Carême en famille ou en Église, des animations originales, liturgiques, artistiques, quelquefois ludiques… à pratiquer sans modération !

 

 


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Pâques : la vie en cadeau

 

Après « Noël un cadeau », les Éditions Olivetan et l’Église protestante unie de France proposent un ouvrage basé sur le même principe : partager des ressources, des idées d’animation autour du Carême et de Pâques.

Au début était la Parole !

   

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La gourmandise est-elle un péché ?

 

Gourmand a longtemps signifié « qui mange avec voracité, de manière excessive ». Ce n’est que depuis le XVIe siècle que le mot « gourmand » signifie « qui aime la bonne cuisine et est exigeant en matière de nourriture » (Le Robert). Mais « gourmand » (qui viendrait de gourm, gorge) n’a pas la même racine étymologique que « gourmet » (à l’origine, « valet chargé de conduire les vins »). Le Littré a une définition très générale : « Le gourmand est celui qui aime manger ».

Hieronymus Bosch, « La gourmandise », détail des Sept péchés capitaux. Madrid,  réalisé vers 1500 ou ultérieurement, Museo del Prado

 

 

 

 

On se demande souvent pourquoi la gourmandise figure parmi les pêchés capitaux. On peut faire quelques remarques à ce sujet. – La liste des pêchés capitaux a été progressivement établie d’abord dans les couvents et les monastères. Elle concernait les tentations auxquelles étaient particulièrement exposés les moines et les nonnes. Il semblerait qu’ils étaient particulièrement enclins à la gourmandise, dans le sens premier de ce terme et peut-être aussi dans le second. Puisqu’ils faisaient voeu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, ils renonçaient en principe aux délices de la sexualité, de la richesse et du pouvoir et « compensaient » en succombant au plaisir de la chère et de la bonne chère. De fait, dans la vie monastique des premiers siècles, la gourmandise avait autant d’importance, et peut-être même plus que la luxure. Elle était d’autant plus insidieuse et difficile à vaincre que, à la différence de la luxure, elle est liée à la satisfaction d’un besoin naturel, le besoin de se nourrir, plus incontournable encore que le besoin sexuel. La gourmandise faisait fantasmer les anachorètes et les moines des premiers siècles de l’ère chrétienne plus encore que la sexualité.

  – Dès ses origines, le Christianisme a prôné les vertus du jeûne. Celui-ci existait déjà dans le Judaïsme et dans d’autres religions, mais il a pris une place très importante pour l’ensemble des fidèles du Christianisme, et aussi bien sûr dans les monastères. L’appel à renoncer à la gourmandise peut ainsi être considéré comme le corollaire de cette insistance sur les vertus du jeûne.

  – Quand on parle de péchés capitaux, l’adjectif « capital » ne signifie pas « premier par l’importance » mais « de tête », c’est-à-dire engendrant d’autres péchés. De fait, la gourmandise est considérée comme un péché « capital » parce qu’elle entraîne d’autres péchés, tels que la cupidité, l’égoïsme, l’envie, etc. Gide écrit dans son Journal, en date du 25 janvier 1929 : « C’est dans la gourmandise que l’égoïsme se manifeste le plus honteusement

  – Enfin, si aujourd’hui on considère la gourmandise comme un péché « mignon », le fait de manger gras, de fumer, parfois de boire, est devenu moralement répréhensible, comme si la notion de péché portant sur la nourriture s’était déplacée.
 
La gourmandise, le premier des péchés ?
 
La Bible ne minimise nullement l’importance de la gourmandise. De fait elle est présentée comme la première des tentations auxquelles ont été exposés non seulement Adam et Ève mais aussi Jésus-Christ.

On peut lire de multiples manières le récit de la désobéissance d’Adam et Ève. Si on en fait une lecture au premier degré, on peut considérer que ce qui motive cette désobéissance, c’est bien la gourmandise. En effet, il est dit (Gn 3,6) que le fruit qui suscite la concupiscence d’Adam et Ève apparaît « bon à manger et agréable à la vue ». Ainsi la gourmandise peut être considérée comme la première des tentations. Selon saint Jean Chrysostome : « C’est l’incontinence du ventre qui expulsa Adam du paradis ».

De même, la première tentation proposée à Jésus par Satan au désert (Mt 4,1-11) n’a pas été celle du pouvoir et de la puissance (celle-ci n’est que la troisième), ni celle de la présomption (qui est la deuxième), mais celle de changer les pierres en pain pour que Jésus puisse se nourrir et mettre fin au jeûne de quarante jours qu’il s’était imposé.

D’autres récits bibliques permettent de comprendre pourquoi la gourmandise a été condamnée. C’est par gourmandise que Noé (Gn 9,20-27) expérimenta pour la première fois les effets grisants du vin et, de ce fait, dévoila sa nudité à ses fils. C’est aussi du fait de sa gourmandise que Loth (Gn 19,31), en proie à l’ivresse, se laissa aller à des rapports incestueux avec ses filles et qu’Ésaü (Gn 25,34), parce qu’il aimait semble-t-il les lentilles par-dessus tout, renonça aux privilèges que lui conférait son droit d’aînesse. C’est également par gourmandise que le peuple hébreu, en route vers la Terre Promise, souhaita manger (Nb 14,2) autre chose que la manne que lui envoyait Dieu et regretta les nourritures plus goûteuses de l’Égypte où il était esclave. C’est encore par gourmandise que le riche « Épulon » (nom qui n’apparaît pas dans le texte biblique mais a été donné au mauvais riche par la tradition), dont le comportement est décrit par Jésus dans une de ses paraboles (Lc 16,19-31), se goinfrait tout en laissant le pauvre Lazare mourir de f aim à sa p orte.

On voit donc que dans la Bible, ce qui induisit la chute et le destin de l’humanité, suscita la transgression des tabous les plus sacrés et, de plus, fit bifurquer l’histoire, ne fut pas tant l’argent ou le sexe que la gourmandise.
 
Manger, un plaisir ou un dégoût ?
 
Mais venons-en au fond du problème : pourquoi la gourmandise est-elle considérée comme un péché ? La gourmandise (dans son sens premier, mais aussi dans son sens actuel) met à jour des questions fondamentales : quelle relation l’homme a-t-il avec la nourriture qu’il ingère et digère dans son propre corps ? Comment accepte-t-il de devoir, pour se nourrir, attenter à la nature et tuer des animaux ? Comment se fait-il que dans la plupart des religions il y ait des tabous alimentaires ? Comment comprendre le caractère quasiment universel des rituels de jeûne ? Quelle est la signification des phénomènes de boulimie et d’anorexie ?

Une première remarque s’impose. Le droit et même peut-être le devoir de manger sont indiqués dès les premiers chapitres de la Bible : « Vous mangerez des fruits de tous les arbres du jardin. » La toute première image qui est donnée de Dieu n’est pas celle d’un Dieu qui interdit, mais plutôt celle d’un Père qui encourage l’homme à se nourrir et lui donne vocation de cultiver la terre et de dominer les espèces animales pour pouvoir assurer sa nourriture. Noé est autorisé à manger de la viande animale (Gn 9,2-3).

Mais ce qui fait problème est que manger suscite un certain plaisir ! La gourmandise commence lorsque le plaisir de manger prime sur le besoin naturel de manger pour restaurer ses forces et satisfaire sa faim. Ainsi, c’est le fait que manger procure du plaisir qui suscite la gourmandise et nous induit dans le péché .

On peut donc se demander : pourquoi diable ce plaisir de manger ? Pourquoi Dieu, ou la Nature, nous ont-donné cette « prime » du plaisir ? Le Dictionnaire de Théologie catholique (rédigé au début du XXe siècle) répond : « Le plaisir naturel qui accompagne le fait de manger et de boire est destiné à nous faire aimer et désirer ces activités légitimes et à nous faire aimer une opération (celle de manger) qui sans cela nous répugnerait. » On notera ce terme de « répugner » qui connote avec la notion de dégoût . Selon le Dictionnaire, et il a sans doute raison, le fait d’avoir à ingurgiter de la nourriture et la nourriture elle-même peuvent être vus comme « répugnants ». Pour s’en convaincre, il suffit d’ailleurs de se rappeler les efforts des cuisiniers et des publicitaires chargés du marketing des produits alimentaires pour parer, accommoder et présenter la nourriture de telle sor te qu’elle ne soit pas répugnante.

Le Dictionnaire ajoute : « Jouir d’un certain plaisir lorsque l’on mange à sa faim et boit à sa soif n’est pas interdit, mais la recherche pour lui-même du plaisir, voilà ce qui est considéré comme une faute. » La théologie scolastique fait la même analyse pour ce qui est de la sexualité. La vie sexuelle est considérée comme normale et légitime, ne serait-ce que pour permettre l’engendrement et la conservation de l’espèce. Il n’en reste pas moins qu’en elle-même elle peut aussi, au même titre que l’activité alimentaire, être considérée comme répugnante. Et le plaisir qui accompagne l’activité sexuelle a pour but de « nous faire aimer et désirer une opération qui sans cela nous répugnerait ».

De fait, manger peut susciter une forme de répugnance. L’anorexie et le refus de la viande, en particulier de la viande rouge, le montrent bien. On peut penser à cette scène d’un film de Buñuel (Le charme discret de la bourgeoisie) où des cabinets particuliers permettent de s’isoler, non pour les besoins naturels ou pour la sexualité, mais pour « l’activité alimentaire ». Manger est considéré comme impudique et plus ou moins obscène. De fait, la nourriture peut même être ressentie comme une forme de souillure, quand bien même elle est nécessaire.

Pour certains, et en particulier pour les ascètes et les mystiques, manger, même le strict nécessaire, ne se fait pas sans quelque serrement de coeur. C’est pourquoi, tout comme saint Paul (1 Co 15,50) et saint Thomas d’Aquin (Somme Théologique, Supp. q. 81, a. 4), ils voient le Royaume qui leur est promis comme un monde où il ne sera plus nécessaire de manger même le fruit de l’Arbre de vie dont Adam et Ève se nourrissaient au paradis terrestre.

Tout ceci montre que la condamnation de la gourmandise, au sens premier de ce mot, est en fait sous-tendue par une forme de réticence vis-à-vis de la nutrition en tant que telle. Et cette réticence est sans doute présente dans les zones les plus profondes de l’inconscient de l’homme.

Nourriture, souillure et tabou

On peut s’interroger sur les causes de cette association entre les aliments et l’idée de souillure. Il y a certainement plusieurs facteurs : la répugnance vis-à-vis de l’abattage des animaux ; le lien entre la nourriture et le sang, symbole à la fois de vie et d’impureté ; le fait que l’absorption de la nourriture se fasse par un orifice communiquant avec l’intérieur du corps et ses viscères ; le fait que la digestion soit une forme de mélange et de malaxation ; le fait que l’absorption de nourriture soit suivie de défécation.

La tentation – Lucas Cranach le jeune (1515 – 1586)

On peut s’étonner que trois des péchés capitaux, la gourmandise, la luxure et la paresse, constituent des interdits portant sur des activités qui sont pourtant naturelles et indispensables à la vie : manger, engendrer et se reposer. On comprendrait davantage que les péchés capitaux portent sur des attitudes nuisibles. Mais il faut remarquer que ces trois activités naturelles relèvent non seulement du champ de la vie biologique, mais aussi de celui du sacré, et donc du tabou et du péché (puisque le péché est la transgression des tabous et la profanation du sacré). Ce qui a un lien avec le sacré est ipso facto l’objet d’interdits.

Si la nutrition, la sexualité et le repos font l’objet de prescriptions, de règles et de rituels, c’est parce qu’ils relèvent à la fois du sacré et du souillant. La nourriture est sacrée parce qu’elle contient un mana (puissance mystérieuse et surnaturelle interne à un être vivant – plante, animal, humain – et qui lui donne un rayonnement et une influence soit bénéfiques, soit maléfiques) qui restaure et se transforme en force physique et psychique. L’acte sexuel l’est aussi parce qu’il a le pouvoir et le mana d’engendrer une progéniture. Le repos est également sacré parce que son mana redonne de l’énergie et de la vie. Même pour nous, ces trois processus restent mystérieux. Aujourd’hui encore, la nourriture, la sexualité et le repos ont quelque chose de sacré et c’est pour cela qu’ils sont encadrés par des tabous et des rituels religieux ou crypto-religieux.

De fait, dans le Judaïsme, les règles de l’alimentation kascher légifèrent sur les aliments qui peuvent être consommés ; la circoncision et autres règles de pureté réglementent la vie sexuelle ; et les prescriptions relatives au shabbat font du repos une forme de rituel sacré.

Aujourd’hui autant qu’hier, la nourriture est ressentie comme relevant du sacré, du tabou mais aussi du souillant. Du sacré, parce qu’elle est considérée commele premier des dons des dieux, de la Providence et de la nature ; du tabou, parce que l’alimentation, après avoir été réglementée par le religieux, l’est maintenant par l’écolo-diététique (qui a d’ailleurs bien des traits religieux) ; et du souillant parce qu’elle fait grossir, rend malade et suscite la gourmandise. Aujourd’hui, les innombrables prescriptions de la diététique, de l’écologie, des labels « bio », des régimes végétariens, de la macro-biotique (doctrine diététique végétaliste qui prône l’équilibre entre le Yin et le Yang), remplacent avantageusement les règles et les tabous des religions ancestrales sur les aliments purs et impurs.
 
Les prescriptions alimentaires du Judaïsme
 
Ainsi le fait de manger peut avoir affaire avec le péché. La condamnation de la gourmandise est peut-être sous-tendue par une forme de tabou et de réticence profonde par rapport au fait même de manger parce qu’il relève du souillant. Les prescriptions religieuses et culturelles qui régissent, codifient et restreignent le champ de l’alimentation le montrent bien. Ainsi, manger un animal interdit, le porc par exemple, est bien de l’ordre de la souillure et peut entraîner des troubles psychosomatiques importants et même quelquef ois la mort.

Manger, c’est-à-dire ingurgiter en soi des animaux et des végétaux, n’est absolument pas anodin et peut être considéré comme une souillure, comme le montrent les trois points suivants de la pensée et de la pratique du Judaïsme.

  – Pour le Judaïsme, manger est peut-être déjà ressenti comme relevant de l’impureté, car cela consiste à assimiler une nourriture non humaine pour la transformer en de l’humain. En hébreu, manger se dit a’hol, qui évoque le français « assimiler » c’est-à-dire étymologiquement « rendre semblable à soi ». Manger consiste à rendre du végétal ou de l’animal semblable à de l’humain, et c’est pourquoi, pour le Judaïsme « ce qui entre par la bouche profane l’homme » (Mt 15,11). Manger, c’est mettre du non humain dans de l’humain, et c’est donc une souillure de l’humain. Ainsi, d’une part le cannibalisme est considéré comme un tabou et un péché, mais, d’autre part, l’alimentation non anthropophage est aussi considérée comme une souillure.

  – Dans le judaïsme, la souillure de manger est accentuée par le fait que l’homme est omnivore. Manger, c’est ingurgiter pêle-mêle des aliments différents, mettre du tohu-bohu en soi, mélanger des créatures (animales ou végétales) appartenant à des espèces différentes, autant d’éléments ressentis comme une forme de profanation du dessein de Dieu. Ce dessein est en effet d’extirper un monde ordonné et différencié hors du « tohu bohu » primordial et de s’opposer à de possibles réémergences de ce tohu bohu dans le monde.

  – Enfin, la viande que l’on mange a été celle d’un animal vivant qui a été tué. C’est ce qui incite certains végétariens à refuser de la viande animale. Cette réticence est fort ancienne. Ainsi dans le Talmud (Traité Sanhedrin, 56a), parmi les sept lois que Dieu a prescrites à l’ensemble des descendants de Noé, c’est-à-dire à l’humanité tout entière, l’une précise : « Manger, tu mangeras, mais non d’un membre arraché à un animal vivant. » On peut certes manger, mais sans torturer ni mutiler l’animal. Ceci explique que les règles d’abattage de l’animal du Judaïsme et de l’Islam précisent qu’il est interdit de consommer le sang d’un animal abattu parce que celui-ci était le siège de sa vie. Le sang est sacré et donc tabou (Gn 9,5 ; Lv 9,16 ; Dt 12,23, etc.). Il faut donc l’exprimer et l’enlever de la viande en la lavant pour ne pas manger la vie de l’animal.

Certes, le Christianisme n’a pas repris les prescriptions rituelles du Judaïsme en matière d’alimentation.Jésus a même dit clairement, au grand scandale des pharisiens auxquels il s’adressait : « Écoutez et comprenez, ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui profane l’homme » (Mt 15,11). Mais cette réhabilitation de l’activité alimentaire en tant que telle a fait long feu. Très vite, le Christianisme a remplacé les prescriptions alimentaires du Judaïsme par la règle du jeûne, c’est-àdire de l’abstinence de toute nourriture et, en particulier, de la nourriture carnée (celle-ci étant considérée comme la plus riche et aussi la plus sanguinaire). Il y a une horreur de la nourriture et de la viande comme il y a une horreur du sexe et de la chair, et les deux vont souvent de pair et sont plus fréquentes qu’on ne le croit. L’anorexie est peut-être une forme de jeûne involontaire et débarrassé de ses motivations religieuses. Et de fait, il y a sans doute des soubassements communs entre le refus de s’alimenter des mystiques, des moines et des religieux en général, et l’impossibilité de s’alimenter de l’anorexique. La limite entre l’anorexie et le jeûne volontaire est quelquefois difficile à établir. Bien des mystiques pratiquant l’abstinence, au Moyen-Âge (Catherine de Sienne, morte en 1380 ou Catherine de Gênes, morte en 1510) ou aujourd’hui (Simone Weil, Marthe Robin), furent peut-être aussi des anorexiques.
 
La gourmandise, pourquoi ?
 
Pourtant, dans la plupart des cultures et des religions primitives, il y avait aussi des orgies de nature religieuse au cours desquelles les tabous et les interdits pouvaient être transgressés. La gourmandise, dans son sens premier de gloutonnerie et d’ivrognerie, devenaitalors la règle. Il semble d’ailleurs que ces extravagances alimentaires continuaient à exister à l’époque de saint Paul, en particulier dans les communautés chrétiennes d’origine païenne qu’il avait fondées (cf. 1 Co 11,17-22 ; Jude 12 ; 2 P 2,13).

Tout comme les orgies d’antan, les repas de fêtes restent souvent, aujourd’hui encore, une revanche joyeuse, insolente et désinvolte sur la morale, la pression des traditions, l’image obsédante de la mort, des ancêtres et des parents.

  – La gourmandise et le besoin d’avaler de la nourriture de manière excessive ont à voir avec les peurs les plus profondes de l’homme : celles de perdre la vie, de perdre les dieux et de perdre la jouissance de la vie. De même que le nourrisson avale goulument le lait du sein de sa mère par peur de le perdre, de même nous nous gavons de nourriture par peur de manquer. La gourmandise, tout comme l’avarice, relève d’une peur de la mort.

  – La gourmandise est une transgression de tabous inscrits en nous depuis notre première enfance, lorsqu’on nous disait : ne mange pas trop, ne mange pas trop vite, ne mange pas de ceci ou de cela. Elle est une forme de meurtre joyeux et festif du père et de la mère. Elle est vécue comme une revanche à leur encontre pour les frustrations qu’ils ont suscitées chez nous.

De façon plus générale, la gourmandise est toujours une manière de faire « la nique » et un pied-de-nez festif et enjoué. Ma grand-mère, née en 1890, disait en reprenant du poulet : c’est autant que les Prussiens n’auront pas ! Aujourd’hui en reprenant du confit, ma fille dirait : Tant pis pour mon mari qui me trouve trop grosse !

  – Tout comme les orgies étaient à la fois un désordre et une manière de se purger du mal, de la souillure et du chaos, la gourmandise est à la fois un péché et un remède. Elle est ressentie comme une faiblesse et une tentation obsédante mais, paradoxalement, le passage à l’acte devient un remède et une libération. De fait, la gourmandise permet de se purger de la tentation de la gourmandise ! Comme le disait Oscar Wilde : « La meilleure manière de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y succomber. » Tout comme les orgies d’antan, la gourmandise est une stratégie paradoxale pour se purger du mal, des obsessions morbides et des tabous aliénants.Plus généralement, elle est une forme de remède, ou tout au moins de compensation, pour bien des maux et des frustrations. Elle a la valeur d’un vaccin : elle est une petite souillure qui vous protège de bien des péchés plus graves et plus nuisibles. Quand on a du vague à l’âme, il vaut mieux s’offrir un éclair au chocolat que d’avoir envie de faire du mal à son conjoint !

  – Enfin, la gourmandise a sans doute à voir avec le désir de connaître un état où nous serions rassasiés à jamais, tel celui de la vie intra-utérine où, nourris par le cordon ombilical, nous n’avions jamais faim, ou celui de la vie éternelle où, Dieu voulant, nous ignorerons la faim… et la gourmandise.

C’est si bon que c’en est un péché !

La gourmandise, selon le Dictionnaire de Théologie Catholique, est la volupté et le plaisir de manger sans avoir besoin de manger. Et c’est en ceci qu’elle se différencie clairement de la faim. Saint Thomas d’Aquin écrit : « Il y a deux espèces d’appétit : l’un est l’appétit naturel… où il n’y a ni vertu, ni vice ; mais il y a un autre appétit, l’appétit sensible, et c’est dans la convoitise de cet appétit que consiste le vice de gourmandise. » Ainsi la gourmandise (tout comme d’ailleurs la luxure et la paresse) est la recherche d’un plaisir et d’une volupté physique sans qu’on y soit poussé par un besoin physiologique et naturel. C’est justement la raison pour laquelle elle a été réprouvée par les moralistes et les théologiens.

Scène du film Le Festin de Babette (1987) de Gabriel Axel

Mais rassurons-nous ! Le fait qu’il y ait « interdit » ne gâche en rien la gourmandise ! Bien au contraire ! De fait, il est constitutif de la gourmandise d’être le désir d’un plaisir ressenti comme interdit. D’où vient ce sentiment ? Il est peut-être enraciné dans la toute première enfance. Pour le petit enfant, la mère est bien sûr celle qui donne à manger (en français, tout au moins, « miam miam » consonne avec « maman »), mais elle est aussi celle qui interdit de manger ce qu’on aurait envie de manger et qui pourrait susciter du plaisir. Ainsi l’enfant, dès son plus jeune âge, inscrit en lui-même la gourmandise comme un plaisir interdit.

  En fait, il y a un parallèle très net entre le rôle de la mère (et peut-être ensuite, plus tard, du père) et celui de Dieu le Père pour ses enfants Adam et Ève, alors qu’ils étaient dans le jardin d’Eden, en situation d’enfance. Dieu dit : vous pouvez, et même peut-être vous devez manger de ceci (à savoir les fruits de tous les arbres du jardin sauf un), mais vous ne devez pas manger de cela (le fruit de l’Arbre de la connaissance, agréable à voir et suscitant le désir), sinon vous mourrez. Ainsi le fruit de l’arbre que l’on a envie de manger est justement,comme par hasard, celui qui est interdit et qui est censé vous faire du mal.

Ce sentiment de transgresser un interdit augmente le plaisir de la gourmandise. Le fait de reprendre du chocolat, alors qu’« on n’y a pas droit » augmente la jouissance. Reprendre d’un mets qui vous était interdit lorsque l’on était enfant est une jouissance en soi. De même que l’on dit « c’est si bon que ç’en est presque un péché », on pourrait dire aussi « c’est parce que je sais que c’est une transgression que cela devient si bon ».

  La gourmandise est certes de l’ordre du plaisir, mais elle relève plus encore de la jouissance. Lacan traduit « jouissance » par « j’ouïs (du verbe ouïr) – sens ». Et de fait, le plaisir de la gourmandise relève aussi du sens : la gourmandise est vécue sur le mode de la compensation (on se « gâte » pour compenser), de la régression (la gourmandise est un plaisir d’enfant et qui rappelle l’enfance) et aussi d’une forme d’égoïsme consenti.
 
La luxure et la gourmandise
 
Une petite amusette en guise de conclusion. Faut-il préférer les plaisirs de la chère et de la gourmandise ou ceux de la chair et de la luxure ?

Pour Brillat Savarin (Discours sur le vrai gourmand), la cause est entendue : les plaisirs que distillent comestibles et boissons délectables sont sans commune mesure avec ceux que sont censés produire « les caprices d’une femme, ses humeurs, ses bouderies et, osons toucher le mot , ses fugitives faveurs ».

On peut néanmoins tenter de réconcilier les deux. Certains mets délicieux sont aussi de puissants aphrodisiaques. Et aujourd’hui tout le monde sait qu’une entreprise de séduction commence par une invitation à un dîner gourmand et se termine par une proposition à « prendre un dernier verre à la maison ».
 
Alain HOUZIAUX

Évangile & Liberté avril_2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Être au pain et à l’eau…

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Cette expression provient de l’usage des moines ou des personnes très pieuses qui, au moment du Carême, ne mangeaient que du pain et ne buvait que de l’eau pour se mortifier, pour faire pénitence. Les grandes religions préconisent toutes des périodes de jeûne et sans doute il existe des vertus à cette pratique.
Attention cependant aux dérives dangereuses ; ne courrons pas à la performance orgueilleuse en se croyant toujours plus fort ! À l’heure où l’on évoque les futures ressources en protéine fournies par les insectes, qui évoquent pour nous Jean-Baptiste… souvenons-nous de la sagesse des ermites du désert qui pourrait nous servir de garde-fous : « Tu dois te nourrir de quatre sauterelles par jour ; cinq, ce serait de la gourmandise ; trois, ce serait de l’orgueil… »

En cette période de l’année liturgique qui nous met en route vers Pâques, PointKT va consacrer une grande part de ses publications au thème de la nourriture et des repas dans la Bible. Ainsi, nous allons plaider pour un Dieu des plaisirs et du bonheur, un Dieu qui donne de la saveur à notre vie… Nous allons plaider pour un Dieu qui s’est révélé dans un homme qui n’a cessé de partager des repas, au point même d’être calomnieusement traité de « glouton », de « goinfre » ! (Mt 11,19 ; Lc 7,34-35)   Nous allons plaider pour un Dieu qui nous invite à partager ce plaisir d’une bonne cuisine et à passer à table… faisant du dernier repas avec ses amis, la cène, un temps spirituel de partage et de communion.

À nous de nous émerveiller des bénédictions de Dieu que nous ne méritons pas, qui ne nous sont pas dues et que nous voulons partager. Conscients de notre pauvreté étonnons-nous d’être aimés et comblés par Dieu et que notre vie tout entière devienne actions de grâces !

Cependant, si attachés que nous soyons aux saveurs des fruits de la terre et à la manière de les apprêter, une autre faim inassouvie, une autre soif inapaisée, doivent être maintenues, éveillées et devenir communicatives : « L’homme ne vivra pas de pain seulement » (Mt 4,4).

Déjà, dans le livre du prophète Amos, Dieu proclamait la famine, non pas la faim après le pain ou la soif après l’eau, mais la faim et la soif d’entendre sa parole : « Voici, les jours viennent, dit le Seigneur, l’Éternel, où j’enverrai la famine dans le pays. Non pas la disette du pain et la soif de l’eau, mais la faim et la soif d’entendre les paroles de l’Éternel » (Amos 8,11). Faim et soif  véritables que seul Dieu peut apaiser.

Demandons pour nous-mêmes et pour la jeunesse de nos églises, la soif de l’eau qui désaltère vraiment et la faim du pain qui rassasie. Prions avec la Samaritaine (Jean 4,7-15) : « Donne-nous toujours de ces eaux vivantes » et avec la foule, «Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là » (Jean 6,22-34).

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Alors oui, être au pain et à l’eau !

 

 

 

 

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Sept semaines pour l’eau !

La rareté de l’eau fait partie des questions environnementales les plus pressantes à l’heure actuelle dans le monde. Un grand nombre de gens n’ont pas accès à l’eau et manquent de systèmes d’assainissement adéquats.

Le Réseau œcuménique de l’eau organise chaque année une campagne de sensibilisation « 7 semaines pour l’eau » proposant diverses ressources et animations utilisables en catéchèse.

  

 

 Le Réseau œcuménique de l’eau vous invite à mettre à profit la période du carême pour vous interroger sur les moyens d’être de meilleurs intendants et intendantes de la création de Dieu et de mettre en pratique l’amour de Dieu dans nos relations avec autrui.

  • But du « Réseau œcuménique de l’eau » :

Promouvoir la conservation, la gestion responsable et la distribution équitable de l’eau pour tous, dans la conviction que l’eau est un don de Dieu et un droit humain fondamental.

  • Objectifs :

Le Réseau œcuménique de l’eau a été créé

   –  pour faire entendre le témoignage chrétien dans le débat actuel sur les questions liées à l’eau,
   –  pour sensibiliser les Eglises à l’urgence du problème,
   –  pour prendre, en tant que communauté œcuménique, des mesures concertées à tous les niveaux.

  • Qui sommes-nous ?

Le Réseau œcuménique de l’eau est un réseau international d’Eglises et d’organisations chrétiennes. Le Secrétariat du Réseau œcuménique de l’eau se situe au Conseil œcuménique des Eglise, à Genève. Cliquez ici pour en savoir plus sur nos organisations participantes, sur le Groupe directeur du ROE et le Secrétariat du ROE.

  • Que fait le ROE ?

    Le ROE facilite l’échange d’informations et propose de la documentation pour les Eglises, les autres organisations chrétiennes, les partenaires et les particuliers concernant la crise mondiale de l’eau et les solutions et initiatives axées sur les communautés
    Le ROE promeut et coordonne la défense des causes en matière de reconnaissance et de mise en œuvre du droit humain à l’eau

Veuillez noter que le Réseau œcuménique de l’eau ne finance pas de projets et n’accorde pas de subventions.

Le Réseau œcuménique de l’eau est un réseau international d’Eglises et d’organisations chrétiennes. Le Secrétariat du Réseau œcuménique de l’eau se situe au Conseil œcuménique des Eglise, à Genève.

Cliquez ici pour en savoir plus sur nos organisations participantes, sur le Groupe directeur du ROE et le Secrétariat du ROE.

  • Sept semaines pour l’eau 2013

1ere semaine : « Goutte à goutte »

2e semaine : « Eaux du baptême, eau de la vie »

3e semaine : « Puits de discorde – Espaces de paix »

4e semaine : « Soif d’eau – Soif de vie »

5e semaine : « Sœur eau ou or bleu? »

6e semaine : « Donne-moi de l’eau… L’eau vivante! »

7e semaine : « Nous devons laver nos pieds sales »

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  • Sept semaines pour l’eau 2014

Les réflexions seront publiées chaque semaine ici à partir du lundi 3 mars 2014.

Depuis 2008, le ROE prépare des méditations hebdomadaires et de la documentation sur le thème de l’eau pour le temps du carême. Cette année, nos réflexions portent sur le «Pèlerinage vers la justice de l’eau». 

Bien que l’eau soit intrinsèquement liée au bien-être global des individus, des milliards de personnes dans le monde sont privées d’accès à l’eau et à l’assainissement. Les réflexions proposées cette année mettront l’accent sur cette injustice qui touche plus d’un tiers de la population mondiale.

Nous avons fait un long chemin sur notre pèlerinage vers la justice de l’eau. Après plusieurs années de lutte, les Nations Unies ont déclaré en 2010 que l’eau et l’assainissement sont des droits humains. Désormais, c’est la mise en œuvre de ces droits au niveau des pays qui fait l’objet de toute les attentions, afin qu’ils deviennent une réalité pour tous ceux et celles qui n’en jouissent pas encore.

Pour télécharger le PDF « L’eau virtuelle » cliquer ici

 

Pour un temps de crise(s)

En ces jours là parut Jean le Baptiseur ; il proclamait dans le désert de Judée : Changez radicalement, car le règne des cieux s’est approché ! Mt 3.1-2 Et nous, aujourd’hui, quelle annonce, quelle proclamation pouvons-nous faire dans nos déserts ? Quel rôle pouvons-nous jouer en ces temps « de crise(s) » ? L’historien Flavius Josèphe (Ier siècle … Lire la suite

Match TiVi : les Rameaux vus du XXIe siècle

Deux animateurs télé décrivent la scène depuis leur point de vue. Ils agrémentent leur récit de témoignages. D’abord Pierre qui décrit la scène avec la trot’. Puis trois personnes de la foule qui disent ce que représente pour eux le salut apporté par Jésus. Une version actualisée de la fête des Rameaux.

Matériel :

Personnages :
A1 = animatrice de Jérusalem Match TiVi
A2 = animateur de Jérusalem Match TiVi
Pierre = un apôtre interviewé
Stéphane Atic = un cluber antiromain
Bartimée = un aveugle que Jésus a fait recouvrer la vue
Rose-Anna = une fan de Jésus

 
Clap : « En 33 »
Lecture du texte biblique : Mc 11,1-10

Clap : « En 2012 »

A1 : Bonjour chères téléspectatrices

A2 : Bonjour chers téléspectateurs

A1 : Bienvenue sur les ondes de Jérusalem Match TiVi, en direct d’un événement que votre télévision n’allait pas rater : la star Jésus va faire son entrée à Jérusalem!

A2 : Événement extraordinaire. Nous espérons qu’il mettra autant d’ambiance qu’à la Lac Parade où il a marché sur l’eau!

A1 : Que de souvenirs! Nous allons essayer d’avoir pour vous une interview exclusive avec Jésus en ce jour mémorable.

A2 : Un jour où le monde afflue. Je vois une foule immense qui se réunit !

A1 : Je vous arrête, la régie m’informe que nous avons un premier témoin d’une scène qui vient de se passer. La régie nous envoie Pierre, un ami proche de Jésus.

A2 : Certains disent d’ailleurs que c’est lui qui bénéficiera de la notoriété de Jésus à la fin de sa carrière.

A1 : Le voilà. Pierre, racontez-nous ce qui vient de se passer!

Pierre : On était, mes potes et moi, avec Jésus. Et là, il nous a dit sur un ton hyper autoritaire d’aller lui chercher une trottinette! Moi, au début, je l’ai pas cru. J’ai pensé que c’était une blague. Mais lui, il est resté vachement sérieux.

A1 : Effectivement, un ton si directif est étonnant de sa part. Est-il bouleversé? Comment le voyez-vous en ce moment, vous qui le côtoyez de près?

Pierre : Eh bien, je le sens très tendu actuellement. C’est un gros challenge pour lui de venir à Jérusalem. Il a peur que ça marque la fin de sa carrière.

A2 : Mais alors, pourquoi vient-il ici?

Pierre : Ben c’est à cause de son Père. Je sais pas si vous le connaissez. Il a tout le temps des idées pour son Fils. Et quand son Père lui dit quelque chose, Jésus est très obéissant. Il lui dit amen à tout.

A1 : Et donc que s’est-il passé avec la trot’ ? Nos téléspectateurs sont curieux!

Pierre : J’y viens, j’y viens. Donc, il nous a dit précisément : « Allez me chercher une trottinette par tous les moyens, c’est pour que j’entre en trottant. » On était un peu étonné, nous, avec son impresario, on avait prévu un truc du genre arrivée en Monster Truck minimum. Mais bon, on l’connaît nôtre Jésus, on commence à être habitué au personnage. Déjà dans une soirée VIP, il nous avait amené le meilleur pinard de la région, personne n’avait compris comment.

A2 : Et comment avez-vous fait pour vous procurer un tel objet?

Pierre : Ben j’suis allé vers un djeuns, je lui ai dit: « Je viens chercher une trottinette pour le Fils de Dieu, celui qui va reconstruire le Temple en 3 jours. » Il a éclaté de rire, il a pensé que c’était un canular. Il l’a trouvé tellement drôle qu’il m’a filé la trot’ sans rien dire.

A2 : Merci beaucoup pour votre témoignage Pierre, nous vous laissons retourner vers la fête. Nous voyons d’ailleurs au loin que la foule commence à s’agiter !

A1 : Oulala, je n’ai jamais vu une telle foule depuis la fois où Jésus avait partagé cinq pains et deux poissons avec tout le monde !

A2 : J’ai vu que des habitants de Jérusalem avaient déjà décroché leurs rideaux rouges pour faire un chemin à la star, mais ce n’est pas suffisant. Nous voyons actuellement des gens en train de couper des branches d’arbre pour compléter le chemin.

A1 : C’est Green Peace qui ne va pas être content… J’en vois encore d’autres lancer leurs vêtements sous les roulettes de Jésus.
Un keffieh arrive sur la tête d’un journaliste.

A2: Je n’ai jamais vu une entrée de star aussi impressionnante depuis la montée des marches de Cana.

A1 : La foule est en délire, elle n’arrête pas de crier. Quel brouhaha, je n’arrive pas à comprendre ce qu’ils disent.

A2 : Ça y’est, il est rentré dans Jérusalem, je le vois se diriger et entrer dans le Temple.

A1 : J’espère vraiment que nous obtiendrons de lui une interview exclusive. En attendant, nous allons essayer d’avoir des témoins de cette entrée fracassante.

A2 : La régie nous envoie quelqu’un. Bonjour Monsieur Atic.

Stéphane : Appelez-moi Stéphane.

A1 : Racontez-nous ce que vous faisiez ici?

Stéphane : Ben, je viens d’un p’tit bled en Judée pour une méga teuf trop mortelle à Jérusalem. Chaque année, je viens avec mes potes ici pour la Pâque Party.

A2 : Pour nos téléspectateurs qui ne le sauraient pas, c’est une fête appréciée des clubers pour la danse et les chants, ainsi que des gastronomes pour l’agneau et les herbes amères.

A1 : Oui, il y a une dimension religieuse. Autour de ce repas, les juifs se rappellent la sortie d’Égypte lors de laquelle Dieu les a libérés. Et donc, c’est pour participer à cette fête que vous êtes venus. La suite de votre récit Stéphane.

Stéphane : Donc je suis venu quelques jours en avance avec des clubers, et normalement il se passe pas grand-chose ici. Mais là, c’était trop mortel ! Il y avait plein de people rassemblés le long d’un tapis rouge. Et là, j’en croyais pas mes yeux, Jésus a débarqué! Vous vous rendez compte, Jésus. Moi j’ai un poster de lui au-dessus de mon lit. Trop mortel, une star comme lui qui se pointe. Alors tout le monde commençait à crier : « Hosanna ».

A1 : Ah, c’est donc cela que la foule scandait.

A2 : Oui, « Hosanna », cela signifie « Oh sauve ». Et vous, alors, qu’avez-vous fait à ce moment?

Stéphane : Ben j’ai crié aussi. Qu’il sauve, ouais ! Moi je pense qu’il va nous sauver de ces envahisseurs Romains. Alors avec mes potes on a crié: « Mais ils sont où, mais ils sont où, mais ils sont où les p’tits Romains la la la la… ».

A1 : Coupant le « la la la » Effectivement, cela fera 100 ans l’année prochaine que Jéursalem est occupée par les Romains. Bien des personnes voient en Jésus celui qui les sauvera de cette emprise.

A2 : Quelle ambiance, c’tait fanatique ! Alors Stéphane, que souhaitez-vous à Jésus pour ces prochains jours à Jérusalem?

Stéphane : Ben moi j’lui souhaite un séjour trop mortel!

A2 : Merci Stéphane Atic. Tout de suite, sur les ondes de Jérusalem Match TiVi, un nouveau témoin de la scène. Comment vous appelez-vous Monsieur?

Bartimée : Je m’appelle Bartimée.

A2 : On m’a dit que vous aviez rencontré Jésus personnellement, racontez-nous cela.

Bartimée : Eh bien, j’étais aveugle, et lorsque Jésus s’est approché de moi, j’ai crié : Fils de David, aie compassion de moi. Et il m’a fait recouvrer la vue.

A1 : Ha ha ha, redonner la vue !!

A2 : Non non, c’est bien vrai, écoute. Il y avait le cousin de ma belle-soeur qui était là! Il me l’a raconté.

A1 : Confus. Euh, excusez-moi Bartimée… Mais quel homme extraordinaire ce Jésus. J’espère vraiment pouvoir l’interviewer prochainement. Poursuivez donc votre histoire.

Bartimée : Ça s’est passé tout récemment, et depuis je le suis en permanence. Alors quand j’ai su qu’il allait entrer à Jérusalem, je me suis mis dans la foule et j’ai crié avec la foule « Hosanna ». Parce que lui, il m’a vraiment sauvé. Je mendiais car étant aveugle, je ne pouvais pas avoir de travail. Et maintenant il m’a redonné la vue, il m’a relevé.

A2 : Question rituelle, que souhaitez-vous à Jésus pour la suite de sa carrière?

Bartimée : Je lui souhaite d’être une star montante!

A2 : Merci beaucoup Bartimée. Sans plus attendre, sur nos ondes, un dernier passant que nous avons tiré de la foule pour vous.

A1 : Rose-Anna, qu’est-ce qui vous a attiré dans la foule autour de Jésus?

Rose-Anna : Depuis que je suis sa carrière, je le trouve vraiment trop cool!

A2 : Et qu’est-ce que vous trouvez cool en Jésus?

Rose-Anna : Ben, c’est pas une star qui se prend la tête vous voyez. Il parle avec les gens, il est en contact avec eux. Pour venir jusqu’ici il a pris une trot’ et pas un Monster Truck comme les autres stars. Mais ça c’est dès sa naissance. J’ai d’ailleurs lu un article dans Galla-ilée, il paraît qu’il est né dans une étable.
Vous voyez, c’est une star qui nous ressemble. Et en plus, il est intègre. Je l’ai entendu faire un discours sur une montagne une fois, il parlait de comment il fallait se comporter. C’était assez radical. Mais lui il fait tout ce qu’il dit.

A1 : À vous entendre, s’il se présentait aux élections, vous l’éliriez?

Rose-Anna : Mais non, Jésus c’est pas un politicien. D’ailleurs, quand j’étais dans la foule, j’étais porté avec les autres et on criait d’une seule voix. Je suis sûr que nos ancêtres ont crié la même chose à la sortie d’Égypte. D’ailleurs, Moïse, c’est la seule star que j’aime autant que Jésus. Il bégayait, il était pas sûr de son coup, il a cherché à négocier avec Dieu. Ah, Moïse et Jésus, ça ce sont des stars qui ont libéré des choses en moi.

A2 : Nous ne vous laisserons pas partir sans vous poser une dernière question: que souhaitez-vous à Jésus.

Rose-Anna : J’ai vu sur votre chaîne que ça faisait un moment qu’il n’avait plus revu son père en personne. Je lui souhaite simplement d’aller le retrouver.

A1 : Merci beaucoup Rose-Anna pour votre témoignage. Nous n’avons plus d’autres personnes à interviewer. J’aurais espéré encore avoir un contact avec Jésus, mais je pense malheureusement que je vais devoir faire une croix dessus.

A2 : Eh bien soit, il ne nous reste alors plus qu’à souhaiter à nos téléspectateurs et à nos téléspectatrices de rencontrer personnellement Jésus et de pouvoir, comme les gens de la foule ici, savoir ce qu’ils lui auraient crié.

A1 : C’était Jérusalem Match TiVi, en direct de l’entrée à Jérusalem de Jésus. À vous les studios.

3 micros
Porte-clé autour du coup pour Pierre
Écharpe du Servette (un club de foot local) pour Stéphane
Paire de lunettes noires pour Bartimée
T-shirt « Follow me » avec me barré et remplacé par Jésus pour Rose-Anna
Un clap
Un keffieh pour lancer à la tête d’un journaliste

Le Carême: histoire et signification

Pâques a toujours constitué pour l’Église ancienne le centre de sa vie et de sa foi. Un calendrier liturgique, rythmant l’année s’établit au cours du IVe siècle et il était, dès lors, tout naturel que l’année liturgique s’organisa autour de ce noyau pascal. C’est vers cette même époque, peu avant l’établissement de la fête de Noël, qu’apparaît pour la première fois le carême. Ce terme, qui vient du latin quadragesima signifiant quarante, désignera désormais la période de quarante jours, instituée par l’Église afin de permettre aux chrétiens de se préparer, par l’ascèse, à vivre et à célébrer Pâques.

Le jeûne: une pratique désuète ?

 

En son sens strict, le jeûne désigne l’abstention de tout aliment pendant une période donnée. Dans la pratique, on l’a vu, le jeûne dans l’Église a rarement revêtu ce caractère absolu puisque la pratique ancienne voulait qu’on ne jeûna que durant le jour. Une manière de jeûner qui n’est pas sans rappeler également celle que pratiquent les musulmans durant le Ramadan. Même si certains jours de l’année commandaient une pratique plus stricte, la règle était donc que le jeûne consistât à ne prendre qu’un repas par jour ou que l’on s’abstînt de certains aliments. Et encore, n’était-il imposé qu’à ceux qui n’étaient pas trop faibles ou malades pour pouvoir le supporter.