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Actes 2 – les débuts de Pentecôte

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Le conte que j’ai écrit pour vous ce matin est certes un moyen pour mieux se rappeler de ce qui s’est passé à Pentecôte, mais c’est aussi une manière de mettre en évidence quelques pistes de réflexion, tant pour les jeunes que pour les plus anciens.

Que s’est-il passé ce jour de Shavouôt de l’an 30 ? Sans aucun doute une expérience spirituelle collective très forte. L’évangéliste Luc en mentionnera d’autres, collectives ou individuelles, en raccourci, en disant que l’Esprit Saint était tombé sur la personne ou le groupe.
Mais décrire une expérience spirituelle profonde, c’est impossible. C’est comme raconter l’amour qu’on éprouve ou la peur qui nous envahit. Nous pouvons décrire les effets des émotions, ce que cela nous pousse à faire, ou même les conséquences physiques sur le rythme cardiaque, ma respiration etc. Mais dire l’émotion, c’est impossible. Dire une rencontre avec Dieu est tout aussi impossible. Luc raconte, bien des années après, à l’aide de symboles et d’échos avec d’autres textes qui parlent de ces rencontres. Ainsi le feu, le vent, le bruit. Mais ce qui me paraît plus marquant, c’est l’effet de ce qu’ont vécu les disciples : ils parlent des merveilles de Dieu et les autres les entendent dans leur langue maternelle. La langue maternelle, c’est celle qui renvoie à notre petite enfance, aux moments où nous étions dans les bras de nos parents, aux moments où l’amour inconditionnel était ressenti autant que dit, aux moments où l’on s’est senti en totale sécurité. La langue maternelle, c’est celle qu’on n’oublie pas, même quand on ne la parle pas pendant des années. La langue maternelle, c’est la langue dans laquelle on compte, dans laquelle on prie. Elle est ancrée en nous. Je me rappelle que des personnes me demandaient quand mes enfants étaient petits pourquoi je ne leur parlais pas anglais puisque j’étais bilingue, pour qu’ils aient des avantages dans cette langue. Je répondais alors que je ne le pouvais pas, que ce n’étais pas ma langue maternelle ; que, pour moi, ce n’était pas la langue de l’amour que j’éprouvais pour mes enfants.
Dieu nous parle dans notre langue maternelle. Il s’insinue au plus profond de nous pour y déposer son amour, sa joie et sa paix. La force que nous recevons de lui n’est pas un petit coup de pouce. C’est une puissance qui nous transforme et qui nous guide quelles que soient les difficultés. C’est de cela que nous sommes appelés à témoigner, tout comme l’ont fait les disciples le jour de Shavouôt de l’an 30 et jusqu’à leur mort, tout comme ces témoignages se sont répétés de génération en génération, non pas comme une leçon bien apprise mais comme le témoignage d’une rencontre personnelle qui s’ancre au plus profond de chacun.

 

Nous sommes à Jérusalem, en l’an 30 de notre ère, c’est-à-dire il y a très longtemps, du temps où les Romains étaient les maîtres du monde. C’est la fête de Shavouôt, celle que les grecs appellent Pentecôte parce qu’elle a lieu 50 jours après Pessah, la Pâque. Comme pour Pessah et l’autre grande fête, Soukkot, les gens affluent de partout en pèlerinage, comme la Loi le commande. La foule est très nombreuse, il y a du bruit, des odeurs de nourriture, et plus on se rapproche du Temple, plus cela sent la viande grillée des sacrifices. Samuel, un jeune garçon, se tient à la porte de Damas. Il aime les grandes fêtes, il y a de l’animation et son père fait de bonnes affaires en vendant son pain aux pèlerins. C’est amusant aussi d’entendre toutes ces langues différentes que parlent les gens. Des Juifs viennent en pèlerinage des quatre coins de la terre et c’est un joli mélange qu’on entend dans les rues. Bien sûr, pratiquement tout le monde connait le grec, mais entre eux, ces pèlerins parlent leur propre langue, celle qu’ils ont apprise de leurs parents quand ils étaient petits. Et ils retrouvent ceux qui sont nés dans leur pays et ont décidé de venir s’installer ici, à Jérusalem, près du temple, et donc près de Dieu.

Aujourd’hui, c’est vraiment une fête joyeuse. D’ailleurs tout à l’heure il y aura un repas de fête et les anciens vont raconter l’espérance du peuple. Shavouot, c’est la fête tranquille. Personne ne vient troubler les pèlerins, pas comme à Pessah où on attend le Messie ou à la grande fête Soukkot, où certains pensent que Dieu va venir. C’est toujours tendu pour ces fêtes-là et la mère de Samuel le surveille de bien plus près. Il y a souvent des émeutes et cela grouille de soldats romains. Mais pour Shavouôt, rien de tout cela. Des Romains, il y en a, bien sûr, mais ils sont plutôt détendus. Les seules disputes sont pour savoir si Shavouôt commémore les récoltes ou le don de la Loi au Sinaï comme le disent certains.

D’ailleurs, Samuel ne voit pas pourquoi ses parents font tant d’histoires au sujet des Romains.  Il en connaît de très gentils. D’ailleurs, il en voit arriver deux qui sont toujours amicaux avec lui. Il y a le centurion Marcus et un légionnaire, Claudius. Marcus a toujours une parole gentille et Samuel aime bien l’écouter raconter ses récits de batailles. Marcus a été en Gaule, en Afrique. Il raconte aussi les coutumes des peuples qu’il a croisés. Aujourd’hui, Marcus salue Samuel mais ne s’arrête pas. Il est en grande conversation avec Claudius. Ils discutent de ce prophète qui a été crucifié il y a quelques semaines. Marcus était là, il a été très impressionné par ce qu’il a vécu. Pourtant, du sang et de la violence, il en a vu dans sa vie ! Des innocents qui meurent, il y en a tant dans les guerres. Mais cet homme-là l’a marqué. Depuis, Marcus s’est renseigné sur lui. Ses amis lui ont raconté ce qu’ils ont vécu avec lui. Samuel les a souvent entendus et si ses parents se sont gentiment moqués de lui, Samuel est curieux lui aussi. Si c’était un faux prophète, pourquoi Marcus, qui est païen, veut-il comprendre, pourquoi a-t-il commencé à lire les Ecritures ? Pourquoi discute-t-il tant avec les hommes et les femmes qui ont connu ce Jésus ?

Samuel a suivi les deux soldats. Il écoute d’une oreille distraite Claudius qui avertit encore une fois Marcus qu’il aura des ennuis à s’intéresser tant à ce peuple rebelle. Ils se dirigent vers une rue un peu à l’écart.

Dans la chambre haute d’une maison de cette rue, des hommes et des femmes sont rassemblés pour prier. Vous l’avez deviné, ce sont les disciples de Jésus, Jésus qui est mort la veille de la Pâque et que tous ont vu depuis, vivant, ressuscité. Ils sont un peu plus de soixante. Il y a les 12, avec Matthias qui remplace Judas le traître, il y a les femmes, Marie de Magdala, Marie et Marthe et les autres. Il y a la mère et les frères de Jésus, il y a les autres disciples, ceux qui ne sont pas les douze mais qui ont connu et suivi Jésus, parfois depuis le commencement, ouvertement comme Nathanaël, parfois plus discrètement, comme Nicodème.
Ils prient. Depuis que Jésus est parti, ils sont là, à Jérusalem, en attente de ce qu’il a promis. Ils ont peur aussi, parce qu’à tout moment, on peut les arrêter. Après tout, ils étaient les disciples de celui qui a été crucifié comme un rebelle.

Et voilà que tout à coup….à vrai dire, on ne sait pas ce qu’il s’est passé. Comme un bruit, comme un vent, comme une flamme brûlant le cœur de chacun, comme le cœur des deux disciples d’Emmaüs a brûlé quand Jésus ressuscité leur parlait, mais différemment encore, parce que s’ils sont tous remplis de joie comme lorsqu’ils ont vu Jésus vivant, ils sont aussi remplis d’un courage qu’ils n’avaient pas avant.

Marcus, Claudius et Samuel ont entendu du bruit, un bruit inhabituel. Ils ont accouru vers la maison, comme un grand nombre de gens qui se trouvaient alentour.

En effet, le bruit et le vent ont attiré la foule, toujours prête à découvrir un spectacle intéressant. On frappe à la porte, on crie, on questionne.
Alors Pierre et les 11 sortent sur le toit. De là-haut, on les voit bien et on les entend encore mieux. Ils se mettent à raconter toutes les choses merveilleuses que Dieu a fait pour eux. Ils disent le grand amour de Dieu pour tous les humains. Ils remercient Dieu pour la puissance qu’ils ont reçue.

Samuel, Marcus et Claudius n’ont pas compris ce qui s’est passé. Ce qu’ils savent, c’est qu’en entendant les disciples, ils ont ressenti une grande force, un grand amour qui les a remplis et ils veulent comprendre ce qu’ils éprouvent au fond du cœur. Et ils écoutent les disciples qui racontent. Et tout à coup Marcus s’exclame : « Mais ils parlent latin ! Je ne savais pas qu’ils connaissaient ma langue ! » « Ah, non ! répond Claudius, ils parlent grec, je sais ce que je dis, je suis né à Philippes ! » Mais Samuel s’interpose : « Non, non, ils parlent araméen, c’est normal, ils sont de Galilée »

A côté d’eux, les gens s’agitent. Il y a des pèlerins qui viennent de régions très différentes. Ils parlent avec animation puis certains se tournent vers le toit et crient en grec. « Hé là, comment se fait-il que nous vous comprenions tous comme si vous parliez notre langue maternelle ? Nous parlons tous des langues différentes et vous vous parlez araméen, avec un gros accent de Galilée et nous avons tout compris ! Dites-nous comment c’est possible ! » Un autre l’interpelle : « Laisse tomber, ils sont ivres ! » la discussion reprend de plus belle. « Même s’ils sont ivres, cela n’explique rien, moi je sais ce que j’ai compris. J’ai bien entendu qu’ils parlaient de tout ce que Dieu faisait et voulait pour moi, je ne me suis pas trompé, quelque chose s’est passé de très mystérieux ! C’est un miracle, ça ! »

Claudius se tourne vers son camarade : « Tu sais, je crois qu’il a raison, ou bien ce sont de puissants magiciens. Je ne sais pas quel dieu agit à travers ces hommes, mais ce qu’ils ont dit m’ont touché. C’était comme si ma mère me parlait, comme quand ma grand-mère me racontait des histoires. Et cette puissance que j’ai sentie en moi, je ne l’ai jamais rencontrée avant. Je n’aime pas cela, ça me fait peur. »

Alors, Pierre qui n’avait pas eu le courage de rester près de Jésus quand on l’a arrêté, Pierre le pêcheur qui n’a jamais fait d’études, Pierre prend la parole et raconte. Il raconte ce qu’il a vu : comment Jésus a guéri, enseigné, consolé, relevé, même ressuscité des morts des gens qui souffraient dans leur corps ou dans leur cœur. Il raconte comment il était l’envoyé de Dieu, qui annonçait son pardon et son amour pour son peuple. Il raconte comment il a été arrêté et donné aux Romains pour qu’il soit crucifié. Il raconte comment lui et d’autres l’ont vu vivant parce que Dieu l’avait relevé d’entre les mort. Il explique où, dans la Bible, il a trouvé des passages qui montrent que Jésus ne pouvait pas rester mort. Il proclame que tous peuvent vivre de la même joie et de la même paix que lui.

Marcus se tait. Il a l’air heureux, paisible. Claudius essaie de l’entraîner plus loin. « Allez, viens, on va avoir des ennuis si on reste là trop longtemps. Tu sais que le gouverneur n’aime pas ces histoires de résurrection, ces contes d’un dieu qui serait plus fort que tous les nôtres réunis »

« Non, Claudius, je ne pars pas. Ce que j’ai ressenti, je ne peux pas l’expliquer, je ne peux pas le raconter, mais ce n’est pas de la magie, c’est la puissance dont les disciples de Jésus parlaient, ce qu’ils attendaient. Tu as ressenti comme moi, au plus profond de toi la présence du Dieu de Jésus. Accepte cet amour, tu verras comme tu seras en paix ». Claudius lève les yeux au ciel, il hausse les épaules et s’en va. Marcus s’avance vers Pierre et lui demande «Que dois-je faire ? »
Pierre lui répond : « c’est facile. Si tu crois au Seigneur Jésus, viens, je vais te baptiser et puis rejoins-nous ».

Samuel s’en va tout pensif. Il ne sait pas ce qu’en diront ses parents, mais il sait déjà qu’il reviendra. Lui aussi veut comprendre ce qui s’est passé au fond de son cœur.

—– Lecture d’Actes 2, 1-13

Crédits : Anne Petit (EPUdF), Point KT, Pixabay