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Et la joie de Noël ?

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Narration pour les adultes fatigués, découragés, sans espérance… par ce conte, la pasteure Anne Petit rappelle que la joie de Noël ne tombe pas du ciel : elle se construit, se reçoit, se donne et se partage… 

Monsieur Dupré est rentré chez lui bien fatigué. Il est à présent dans son fauteuil, les yeux dans le vague. Il n’a même pas allumé la lumière ; pourtant la nuit est tombée depuis un bon moment. Dans 10 jours c’est Noël et il n’a même plus envie d’y être. Ce soir, Monsieur Dupré est fatigué. Il regarde la télé éteinte. Non, il ne l’allumera pas pour regarder des informations où l’on apprend soit de mauvaises nouvelles soit des faits divers sans intérêt. Il n’a pas envie non plus de voir les politiciens se manger le nez. Il est fatigué.

Voyez-vous, Monsieur Dupré est retraité et d’habitude, il est plein d’allant. Comme beaucoup de retraités, il n’a pas un moment d’inactivité. Il consacre de nombreuses heures à aider les autres, à visiter les personnes isolées, à rendre service. Il a le temps, il vit seul depuis longtemps. Mais parfois, aider les autres, c’est décourageant. Aujourd’hui, il y a eu la vieille dame qui lui a tenu un discours tellement virulent contre Noël qu’il n’a pas réussi à placer un mot. C’est vrai que Noël est devenu par certains aspects une fête de la consommation, c’est vrai que tout le monde s’agite sans plus vraiment penser à ce que Noël signifie. Mais si on veut, on peut fêter Noël comme la fête de l’amour et de la paix, non ?

Et puis, à 17h, il y a eu ce gamin au soutien scolaire. Il a refusé de corriger ses fautes d’orthographe, au motif que le devoir ce n’était pas du français. Il a même insulté Monsieur Dupré, en le traitant de vieux quelque chose, il n’a même pas compris le mot employé. Et pour finir, son fils a appelé : il ne viendra pas pour Noël, il est invité à la montagne chez des amis. Sa fille et ses petits enfants ne viendront que le jour de l’an, ils sont dans la belle-famille pour le jour de Noël. A quoi bon décorer le sapin si tôt, comme autrefois quand tout le monde vivait à la maison puisque personne ne le verra ?

Monsieur Dupré est fatigué. Il n’entend pas le bruissement d’ailes, il ne voit rien, il a les yeux fermés. Et puis, tout à coup, il se rend compte que le sapin est allumé.

  • Ah, Gabriel, c’est toi ? Cela faisait longtemps !
  • Bonjour Jacques. Tu sais, pour moi, le temps, cela n’a guère de sens. Je viens quand tu as besoin de moi, voilà tout
  • Je suis fatigué, Gabriel, fatigué.

Et Monsieur Dupré raconte sa journée, raconte sa tristesse. L’archange, puisque c’est bien lui, écoute.

  • C’est vrai que tu as eu des moments difficiles dans ta journée mais au fond, il y a eu des bons moments aussi
  • Gabriel, si tu es venu me faire un sermon, arrête tout de suite
  • Non, non, Jacques, je suis venu prendre l’apéro avec toi. Tu as toujours ce porto si doux au palais

Monsieur Dupré sourit et se lève. Il sert son ami et se sert également un petit verre.

  • ­Le chef te salue bien reprend Gabriel. Il trouve que tu pourrais l’appeler un peu plus souvent
  • Je sais, je sais, ça fait un bout de temps, mais il sait bien que je pense à lui et que tout ce que je fais, c’est pour lui
  • Et comment vont les enfants ?
  • Bien, bien, mais ils ne m’appellent pas souvent.

Jacques fait une pause, regarde Gabriel et se met à rire.

  • Tu n’as pas changé toi ! Toujours en train de me manipuler pour m’amener là où tu veux. Ok, OK, je ne peux pas me plaindre que mes enfants ne m’appellent pas et en même temps ne pas appeler moi-même Notre père à tous

Gabriel sourit aussi. Jacques Dupré est un homme bon, comme beaucoup. Gabriel est un grand optimiste, comme son patron d’ailleurs. Il a confiance en l’humanité. Mais Jacques Dupré a un gros problème, peut-être le défaut inverse de bien d’autres humains. Il ne sait que donner. Il donne son temps à tant de personnes. Il donne son amour, son argent, il partage son expérience. Mais il ne sait pas recevoir. Ce n’est pas que rien ne lui est offert, mais il ne sait pas l’accepter. Et comme aujourd’hui a été une rude journée, il ne sait même plus le remarquer.

  • Dis-moi, tu ne m’as parlé que de deux moments de ta journée. Raconte-moi le reste
  • Oh, le reste…je suis allé faire quelques courses le matin et j’ai rencontré un autre bénévole des restos du cœur. Il m’a proposé de me raccompagner en voiture. J’ai refusé, je n’allais pas lui faire faire un détour quand même.
  • Et pourquoi pas ? Ton sac était lourd, non ? Et s’il n’avait pas voulu, il ne l’aurait pas proposé. Un homme bien, non ?
  • Bon, ça va ! Puis j’ai préparé mon déjeuner. J’ai failli le faire brûler parce que la voisine du dessous est venu m’apporter une assiette de petits biscuits, tu sais, ces trucs alsaciens
  • Ah oui, les bredele, c’est bon ça. Tu as tout mangé ?
  • Non, il en reste. Tiens, vas-y, mange. J’ai bien compris, elle a dû se dire « le pauvre vieux est tout seul »
  • C’est bizarre, je connais Madame Schmidt, même si elle ne me connait pas. Je sais qu’elle en a donné aussi aux enfants du premier et qu’elle en a préparé des tas de petits sachets pour distribuer à toutes les personnes qu’elle aime bien.
  • Tu me fatigues Gaby. Bon d’accord, peut-être qu’elle m’aime bien. Peut-être qu’elle voulait juste me faire plaisir. Mais qu’est-ce que je vais lui donner en échange ?
  • Pourquoi tu veux lui donner quelque chose ?

Monsieur Dupré ne répond rien. Il sait bien que dire « parce que cela se fait » ne va pas convaincre Gabriel. Pendant ce temps, l’archange a mis des chants de Noël. Il a allumé les 3 bougies de l’Avent et il fredonne en même temps que le chœur qui chante.

Un Sauveur nous est né, le Fils nous est donné…

  • Tu fais quoi pour Noël ?
  • Je ne sais pas, Eric vient de m’annoncer qu’il ne sera pas là, il part au ski. Je suis sûr qu’il n’ira même pas au temple. Quand je pense qu’il a fait toute son école biblique et son catéchisme, cela me désole. Je vais peut-être m’inscrire pour servir le repas de Noël des isolés.
  • Hum, j’ai vu là un joli carton d’invitation, fait main on dirait.
  • Oui, c’est ma nièce. Elle fait ça tous les ans, depuis que Florence est morte. Mais elle a bien assez à faire avec sa famille. Non, je ne vais pas lui causer du tracas en plus. C’est une bonne fille, c’est vrai mais je ne suis que le mari de sa tante

Monsieur Dupré est à bout d’arguments. Il sent bien que cela ne convainc pas son ami Gaby. Il ne peut tout de même pas s’imposer comme ça, même dans la famille ! L’ange ne dit plus rien non plus. Il lui faut prendre les choses par un autre bout.

  • Dis-moi, cela fait combien de temps que tu n’as pas lu l’histoire de la naissance de Jésus ? Moi, je m’en souviens comme si c’était hier mais toi qui n’y étais pas, il faudrait peut-être que tu la relises, non ?
  • Je la connais par cœur, tu sais.
  • Fais-moi plaisir, lis-la.

Monsieur Dupré s’exclame tout à coup :

  • Mais c’était toi l’ange, n’est-ce pas ?
  • Oui, c’était moi. Et comme j’y étais, je peux te dire que les bergers ne s’attendaient pas du tout à ça. Ils ont discuté un bon moment avant d’y aller. Ils ne comprenaient pas que ce soit à eux, les plus petits, les moins que rien, que l’invitation était faite. Et puis, Dieu qui leur donnait un sauveur, c’était un cadeau inespéré
  • J’imagine bien la scène reprend Monsieur Dupré. A l’époque, cela devait être bien surprenant. Mais regarde le monde, Gaby, la plupart des humains ne se rendent même pas compte du cadeau que Dieu leur a fait. Ils vivent comme si Jésus n’était pas venu pour eux.
  • Et toi, Jacques, comment vis-tu ?
  • Heu…je sais bien que je ne suis pas parfait mais j’essaie de tout mon cœur de bien faire. C’est ce que veut ton chef non ?
  • Tu sais, ce que le chef pense, lui seul le sait mais moi, ce que je pense, c’est que tu n’es pas du tout comme ces bergers, dans la joie du cadeau qui leur est fait. Est-ce qu’ils se sont préoccupés de ce pensaient les autres habitants de Bethléhem ? Est-ce qu’ils se sont transformés en hommes bons et serviables ? Je peux te garantir que non. Mais ils sont repartis avec une grande joie dans le cœur et une espérance nouvelle. Toi, tu n’as pas de grande joie dans le cœur. Je peux enfin te parler franchement Jacques ? Tu vas vraiment m’écouter,
  • Heu, oui, vas-y…
  • Dieu te fait le cadeau de son Fils tous les jours. A toi, Jacques. Il ne l’a pas fait à d’autres il y a 2000 ans. Ou plutôt si, mais ce que je veux dire, c’est qu’il le fait personnellement à chacun chaque jour de sa vie. Ce cadeau, il faut le voir, le reconnaître, l’accepter pour le vivre avec joie. Tu es un homme bon mais tu ne vis pas dans la joie de Jésus. C’est parce que tu n’as pas reçu le cadeau comme étant ton cadeau à toi. C’est une évidence dans ton esprit, ta pensée, ta mémoire, mais pas dans ton cœur. Alors tu ne sais pas non plus recevoir les cadeaux que d’autres te font simplement parce qu’ils t’aiment. Alors, tu vas me faire le plaisir de le lire, ce texte.

Quand Gabriel parle de cette voix-là, on a intérêt à obéir, c’est moi qui vous le dis.

À cette époque, l’empereur Auguste donne l’ordre de compter les habitants de tous les pays. C’est la première fois qu’on fait cela. À ce moment-là, Quirinius est gouverneur de Syrie. Tout le monde va se faire inscrire, chacun dans la ville de ses ancêtres. Joseph quitte donc la ville de Nazareth en Galilée pour aller en Judée, à Bethléem. C’est la ville du roi David. En effet, David est l’ancêtre de Joseph. Joseph va se faire inscrire avec Marie, sa femme, qui attend un enfant. Pendant qu’ils sont à Bethléem, le moment arrive où Marie doit accoucher. Elle met au monde un fils, son premier enfant. Elle l’enveloppe dans une couverture et elle le couche dans une mangeoire. En effet, il n’y a pas de place pour eux dans la salle où logent les gens de passage. Dans la même région, il y a des bergers. Ils vivent dans les champs, et pendant la nuit, ils gardent leur troupeau. Un ange du Seigneur se présente devant eux. La gloire du Seigneur les enveloppe de lumière, alors ils ont très peur. L’ange leur dit : « N’ayez pas peur. Oui, je viens vous annoncer une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout votre peuple. Aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur est né pour vous. C’est le Christ, le Seigneur. Voici comment vous allez le reconnaître : vous trouverez un petit enfant enveloppé dans une couverture et couché dans une mangeoire. »Tout à coup, il y a avec l’ange une troupe nombreuse qui vient du ciel. Ils chantent la louange de Dieu :  « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix à ceux que Dieu aime ! »

Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : « Allons donc jusqu’à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » 

Ils se dépêchèrent d’y aller et ils trouvèrent Marie et Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire. Quand ils le virent, ils racontèrent ce que l’ange leur avait dit au sujet de ce petit enfant. Toutes les personnes qui entendirent les bergers furent étonnées de ce qu’ils leur disaient. Quant à Marie, elle gardait tout cela dans son coeur et elle y réfléchissait profondément. 

Puis les bergers prirent le chemin du retour. Ils chantaient la gloire de Dieu et le louaient pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, car tout s’était passé comme l’ange le leur avait annoncé.

Monsieur Dupré reste silencieux. Il fait comme Marie, il repasse tous ces mots dans son cœur. Il repasse aussi sa journée dans son cœur.

Pendant ce temps, Gabriel le regarde et prie : « Patron, ouvre son cœur, c’est le moment ou jamais, donne-lui ton amour maintenant »

  • -Gaby, tu sais quoi, je crois que je vais prier, maintenant. Je crois que cela fait trop longtemps que je n’ai pas dit à Dieu ce que j’ai sur le cœur. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas demandé à Jésus de m’aider à voir tout ce qui est bon dans ma vie.

Monsieur Dupré lève la tête. Il n’y a plus personne, c’est comme s’il avait rêvé. Mais il y a deux verres vides, il n’y a plus de bredele et les chants de Noël continuent à rendre l’ atmosphère à la fois joyeuse et apaisante.

Dix jours plus tard, Monsieur Dupré est installé dans le meilleur fauteuil chez sa nièce. Tout le monde a chanté à la veillée hier soir. Les enfants sont ravis d’avoir dormi ensemble pour lui laisser une chambre. Sa nièce chante en mettant la table tandis que son mari s’affaire à la cuisine. Les enfants jouent avec leurs cadeaux. On sonne à la porte.

  • Vas-y tonton, s’il te plaît !

C’est Eric qui se tient là, un grand sourire sur les lèvres.

  • Joyeux Noël papa ! Tu vois, hier soir, j’étais avec mes amis dans leur beau chalet et puis, tout à coup, ça m’a manqué : la veillée, le vin chaud, les cantiques. Alors, ce matin, je suis reparti avant le jour. Et me voilà !
  • Entre, entre, lui crie sa cousine, quelle bonne surprise ! Joyeux Noël ! Heureusement, la dinde est énorme et ton papa nous a rapporté une grosse boite de bons petits biscuits qu’il a faits lui-même.
  • Des biscuits papa ?
  • Oui, c’est la voisine qui m’en avait donné, alors je lui ai demandé comment elle les faisait et je m’y suis mis. D’ailleurs, ses enfants sont venus m’aider. On s’est bien amusé. Joyeux Noël Eric, joyeux Noël.

Crédits : Anne Petit (EPUdF), Point KT, Pixabay