Point KT

Le bonheur était sur la montagne

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« Le bonheur était sur la montagne » est une narration tirée de la collection des « Cahiers de la Bible contée, de bouche à oreille » (n° 6, Pentecôte 2001), écrite pour Cap 2001, Strasbourg, « la passion de l’autre ».

Le bonheur était sur la montagne. Une montagne que vous ne connaissez pas. Elle se trouve à quelques kilomètres au nord d’un grand lac. Le lac de Galilée. Mais peu importe son nom. Ce jour-là, Jésus cherche un peu de repos. Il en a bien besoin… Cela fait des semaines qu’il sillonne les routes des campagnes et les rues des villages. Il dit : « Le royaume de Dieu s’approche. Changez de vie. »

Les gens qu’il a rencontrés sur son chemin aimeraient bien changer de vie ! Parce que la vie est dure pour eux. Ils cherchent donc du repos. Du repos et du bonheur. Alors ils suivent Jésus et ses compagnons, sur la montagne, à bonne distance.
Par grappes de dix, de vingt, de trente. Par familles entières, ils s’avancent. Beaucoup ont déjà écouté Jésus sur les places des villages. Sa parole soigne, apaise, remue, bouleverse. Jésus s’arrête sous un rocher, se retourne, les regarde, les attend, s’assied, entouré de ses compagnons. Les gens s’approchent, un peu intimidés. Ils prennent place à l’ombre des oliviers. Sans rien dire.

Qui parle dans ce grand silence ? Ce sont ces braves gens. Pas besoin de mots. Leurs regards fatigués, leurs vêtements usés, leurs odeurs fanées parlent pour eux.

Qui écoute ? Jésus. Jésus écoute leurs regards, leurs vêtements, leurs odeurs. Et ce dialogue se prolonge dans le crissement des cigales. Jésus reconnait des visages. Certains du moins. Ceux qu’il a rencontrés dans les villages. Au hasard des conversations, il a appris à connaitre de quoi sont fait leurs jours.

Il y a ce charpentier au visage brûlé par le soleil. Charpentier ! Il se souvient de cet homme. Un jour ils ont longuement parlé de leur amour pour le bois. De la même manière qu’il parlait avec son père qui était aussi charpentier. Ce jour-là, Jésus a appris que cet homme n’a jamais eu le minimum pour faire vivre sa famille. Le charpentier a laissé un jour son atelier. Parce que lui aussi a besoin d’un brin d’espérance. Il garde toujours au bord de ses lèvres comme un sourire qui lui fait aimer la vie et se moquer des gens qui ne manquent de rien. Un sourire qui ouvre comme un coin de ciel bleu. Le vieux charpentier regarde Jésus avec ses yeux-sourire…

Et cette femme-là ! Son mari s’était lancé un soir, sur une barque. Une tempête a renversé son bateau. La laissant veuve, sans aucune ressource. Ses enfants l’ont oubliée. Elle s’accroche à la vie comme elle peut. C’est ce que raconte Pierre, un compagnon de Jésus, lui aussi pêcheur sur le lac. Pierre chuchote à l’oreille de Jésus le secret du bonheur de cette femme. Elle est devenue pour les autres veuves du village une bouée de secours. Jésus admire cette femme qui est comme une île de consolation au milieu d’une mer de tristesse.

Jésus laisse couler le silence ; son regard survole l’intimité de tous ces gens que la vie a éprouvés. Comme s’il les connaissait personnellement.

Une famille s’est nichée près d’un cep de vigne, à l’écart, une famille qui suit Jésus et ses compagnons depuis qu’ils ont quitté les rives du lac. Des oiseaux sans nid. Des gens sans terre. Car leur terre, ils l’ont vendue pour rembourser leurs dettes. Ils portent en eux une terre nouvelle, une terre promise à ceux qui sont doux au cœur.

Jean, un ami de Jésus, lui désigne discrètement un homme seul, richement habillé : « Tu vois cet homme, lui dit-il. C’est l’un des plus gros propriétaires de la Galilée. Il a passé sa vie à amasser une fortune et à racheter les terres des pauvres gens endettés. Il a changé de vie. Peut-être en t’écoutant dans une synagogue. Maintenant, il a appris la pitié. Il revend des terres pour une poignée d‘argent à ceux qui sont dans le besoin ; pour une petite poignée d’argent. Que Dieu ait pitié de lui.« 

Les compagnons de Jésus sentent alors leur cœur se réchauffer. Comme si les braises du bonheur n’étaient pas tout à fait éteintes dans ce monde dur. Ils sont douze. Ils ont choisi leur route. Celle que Jésus trace. Ils n’en choisiront pas d’autres. Ils se sont reconnus dans ses paroles. Leur cœur est pur. Parce qu’il n’est pas partagé entre deux maîtres… Ils se disent : « Où nous conduira la route que Jésus nous trace ?« 

Ce jour-là, le bonheur était sur la montagne. C’était la clef du royaume de Dieu. Et Jésus en a ouvert les portes. Toutes grandes. Les gens qui l’écoutaient y sont entrés. Nous aussi…

Crédit : Cahiers de la bible contée, Point KT