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Paul en route pour Rome

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Prédication narrative de la pasteure Anne Petit, mettant en récit les chapitres 27 et 28 du livre des Actes des Apôtres. Enquêté de Luc à propos de Paul, prisonnier, en route vers Rome….

À Arles en juillet, il fait chaud. Mais l’homme qui s’avance sur le chemin poussiéreux a l’habitude de la chaleur. Cela fait 4 ans qu’il parcourt tout le bassin méditerranéen, de Jérusalem à Rome, de Philippes à Nazareth, d’Ephèse à Malte. Il est au bout de sa route. Bientôt, il pourra rentrer chez lui, à Nicopolis, en Grèce. Cela fait 4 ans qu’il cherche de ville en ville, de village en hameau les témoins de ce qui s’est passé. Ceux qui ont vu et connu le Seigneur Jésus sont devenus rares, cela fait plus de quarante ans qu’il est mort et ressuscité. Mais ceux qui ont connu son apôtre, Paul, sont souvent encore bien vivants. Luc, puisque c’est lui, a promis à son ami Théophile de lui raconter exactement ce qui s’est passé. Luc sait bien qu’il ne peut pas tout raconter. Les apôtres partis en Égypte, en Éthiopie, en Afrique ont eux aussi proclamé la Bonne nouvelle. Mais il ne peut pas raconter tout ce qui est arrivé. Il s’est passé trop de choses, le monde est en train de changer et le monde est bien trop vaste pour un seul homme. Alors Luc s’est renseigné sur ce qui s’est passé du temps du Seigneur Jésus, mais aussi comment deux de ses apôtres ont commencé leur mission. En effet, le récit qu’a fait Marc ne suffit pas à quelqu’un qui est historien, comme lui. Il faut plusieurs témoins, plusieurs sources pour pouvoir raconter de manière fiable comment Dieu a sauvé le monde et comment ses serviteurs ont accompli sa volonté. Et, lorsqu’il s’agit de la foi au Seigneur Jésus, il faut aussi vivre cette foi, même si tous les témoins ne la partagent pas. Ainsi, l’homme que Luc va voir, Gaïus, n’est pas chrétien. Mais il est un témoin important, le dernier d’une longue quête.

Gaïus est un vétéran, un ancien soldat de Rome. Après son temps dans l’armée, il a reçu un bout de terre dans cette colonie d’Arles. Il s’est installé, s’est marié et gagne bien sa vie avec ses champs d’oliviers.

Gaïus accueille Luc comme il se doit puis lui demande le but de sa visite. « C’est Julius de Massilia qui m’envoie vers toi. Je voudrais que tu me racontes le voyage que vous avez fait pour amener Paul à Rome ».
« Julius y était, il pouvait te raconter. D’ailleurs, ce Paul l’a converti, il est devenu christianos ».
« Oui, répond Luc, mais je voudrais que toi tu me racontes avec tes mots ».
« C’était la fin de l’été » quand on nous a confié l’homme, un Juif citoyen romain. Il voulait être jugé par l’empereur. Mais en réalité, tout a été de la faute du centurion, de Julius. Rien n’était trop beau pour ce Juif. Il a pu aller voir des amis à Sidon. Et pourtant, nous nous trainions de navire en navire sur une mer sans vent. Le temps passait et nous n’avancions guère vers Rome. Nous avons fini par embarquer sur un bateau provenant l’Alexandrie qui voguait vers l’Italie. Mais les vents ne se levaient toujours pas, nous avons fait escale en Crète, dans un port peu favorable à l’hivernage. L’automne était déjà avancé. Paul a conseillé de passer l’hiver là, mais le capitaine voulait trouver un meilleur mouillage, et nous avons repris la mer. Le centurion aurait mieux fait d’écouter Paul, lui qui d’habitude était à faire toutes ses volontés. Une épouvantable tempête nous a ballotés pendant des jours. Nous avons tous cru mourir. Seul Paul gardait son calme. Qu’il était énervant ce juif qui prétendait tout savoir. Son Dieu lui aurait parlé, lui aurait promis la vie sauve jusqu’à Rome et la vie sauve pour nous tous ! C’était plutôt au Dieu de la mer, Neptune, qu’il fallait sacrifier.»

Luc l’interrompt : « Penses-tu que Neptune pouvait vous sauver ? »

« Oh, moi, d’habitude, je laisse les dieux tranquilles et eux me laissent faire aussi, mais là dans la panique, je lui aurais bien sacrifié Paul. Mais les marins ont fait les offrandes habituelles et cela n’a rien changé ! »

Luc reprend : « Pourtant, tu es bien là, des années plus tard. Quel dieu t’a sauvé ? »

Publius s’assombrit. Il marmonne « Un seul Dieu, ce n’est pas normal. Peut-être que Neptune a pris son temps pour nous aider. Les marins ont jeté des choses par-dessus bord et rien ne s’est arrangé. Cela faisait des jours qu’on ne voyait plus le ciel, on n’avait rien mangé. Et voilà Paul qui nous rassure, qui nous supplie de manger, de prendre des forces. Cette nuit-là, les marins ont repéré que le niveau de la mer baissait : nous nous rapprochions d’une côte. Ils ont voulu abandonner le navire, et nous avec, mais Paul nous a avertis et nous avons largué la chaloupe. Puis Paul nous a à nouveau demandé de manger. Il a partagé du pain, en le bénissant comme il faisant toujours et cette fois, nous avons mangé.

Puis les marins ont jeté à la mer le reste du blé  transporté pour alléger le bateau. Mais rien n’y a fait, il s’est échoué quand même. Nous, on a voulu tuer Paul et les autres prisonniers, parce qu’on ne voulait pas qu’ils s’échappent, mais le centurion protégeait Paul, il nous a défendu de tuer qui que ce soit. Finalement, personne ne s’est noyé, personne ne s’est enfui. Nous avons tous pu rejoindre la terre. »

Gaïus arrête, le regard perdu dans le vague. Ces souvenirs hantent ses rêves. Luc dit doucement « personne ne s’est noyé, comme Paul l’avait dit… »

Le vétéran reprend : « on était sur l’île de Malte. Ce n’était pas loin de chez nous, mais quel peuple curieux. Ils étaient accueillants, note bien. On était sur la plage à faire du feu pour se sécher quand une vipère s’est attaquée à Paul. On s’attendait tous à le voir mourir, mais pas du tout, il n’a eu aucun mal. Alors les pécheurs du coin l’ont pris pour un dieu. Nous avons été logés par le responsable local, un Romain, Publius, et Paul a guéri son père. Alors tous les gens du coin lui ont amené leurs malades et il les a guéris et nous avons tous été bien soignés et nourris pendant les trois mois de notre séjour. Puis, au printemps, nous avons trouvé un bateau qui nous a amené à Pouzzole. De là nous sommes partis pour Rome. Pendant ces mois, le centurion Julius a traité Paul comme s’il était un invité. Il a discuté des heures avec lui. Nous ne comprenions pas son attitude parce que Paul n’était ni riche ni important.

A Rome, Paul a eu le droit de louer une petite maison où il était certes prisonnier mais libre de recevoir qui il voulait. Nous ne sommes restés que quelques semaines à Rome avant de repartir pour la Syrie, ses déserts et les rebelles de Judée mais j’ai bien vu ce qui se passait. D’abord, ce sont des chrétiens comme Paul qui sont venus le voir. Puis des Juifs. Certains revenaient, d’autres pas. Puis des citoyens romains, parfois même des patriciens, et surtout des patriciennes. Paul accueillait tout le monde sans faire de distinction. Le centurion passait tout son temps avec ces gens-là. Voilà ce que moi, j’ai vu. Le reste, la mort de Paul, j’en ai entendu parler, mais je n’étais pas là. Je ne vois pas en quoi tout cela peut t’intéresser. »

Luc répond : «  cela te regarde aussi, ce qui s’est passé. Dieu a voulu sauver tous les êtres humains et c’est cela que Paul annonçait. »

Gaïus l’interrompt « Moi, je n’ai jamais écouté ce qu’il disait. Il m’énervait parce que Julius avait trop d’égard pour lui, un Juif. Les Juifs sont les ennemis de Rome, d’ailleurs, tu le sais bien, ils se sont révoltés et Titus les a écrasés il y a deux ans. Il paraît qu’il a ramené tous les trésors à Rome et qu’il construit un grand amphitéâtre pour le peuple avec ces trésors et avec les prisonniers ramenés de Judée. »

Luc répond « Tous les Juifs ne sont pas ennemis de Rome. Il y en a même eu un qui était opposé à toute forme de violence, et c’est de cet homme, Jésus, que Paul parlait à tous. Ne veux-tu pas que je te raconte son histoire ? Tu pourras alors voir par toi-même si c’était un ennemi de Rome et si son message peut t’être destiné. Vois-tu mon sac ? Dedans j’ai un premier rouleau, que j’ai composé moi-même et qui parle de la mission de Jésus sur la terre, et qui raconte comme Dieu a voulu sauver les hommes. »

« Tu peux bien raconter ton histoire, dit Gaïus, mais je ne vois pas de quoi je dois être sauvé. »

« Tu m’as dit tout à l’heure que tu laissais les dieux tranquilles et eux aussi. C’est sûr, puisque ces dieux n’existent pas. Mais il est un Dieu qui a créé tout l’univers et c’est le Dieu de tous les hommes, puisqu’il n’y en a pas d’autres ; Ce Dieu veut aider et soutenir tous les humains et tout ce qu’il demande en retour, c’est d’être aimé par eux. Si tu avais cru dans le Dieu de Jésus et de Paul, tu n’aurais pas été seul dans la tempête. Il aurait été avec toi. Bien sûr, il « t’es là quand même, Paul te l’a dit. Mais tu ne l’as pas senti à tes côté. Ceci, c’est ce que Jésus a promis à toute personne qui croit. Et ce n’est pas tout. Moi qui marche depuis plus de 4 ans dans l’empire, partout où je suis allé, j’ai trouvé des membres de ma famille, ceux que tu appelles christianoï, les chrétiens. J’ai reçu soutien, encouragement, aide matérielle et morale. Partout, on m’a demandé de raconter ce que j’avais appris. Partout, on m’a demandé d’envoyer mes rouleaux quand ils seraient écrits. Et là où je suis resté quelques temps, on a copié ce que j’avais déjà écrit. C’est tellement mieux de se sentir aimé par Dieu et par des frères et sœurs partout, en tout temps. »

Gaïus est songeur : « tu parles bien, voyageur. Je veux bien entendre ton histoire. Ce soir, après le dîner, quand la maison sera rassemblée, tu la raconteras. »

Crédit : Anne Petit (EPUdF), Point KT, Pixabay