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Le lavement des pieds (Jean 13)

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ImageNotes bibliques d’après une présentation de Ion Karakash, pasteur à Genève.
Cette réflexion a été à l’origine d’un culte tous-âges : Jésus lave les pieds de ses amis.

Introduction

Le récit du lavement des pieds ne se trouve que dans l’évangile de Jean. Il ouvre la seconde partie de cet évangile.

Les chapitres 1 à 12, en racontant les signes et les enseignements de Jésus, ont placé le lecteur devant l’identité énigmatique du Christ.

Les chapitres 13 à 21 relatent les discours d’adieux de Jésus aux disciples, et le récit de la passion. La question sous-jacente est : comment l’autorité de Jésus sera-t-elle présente quand il ne sera plus là.

L’évangile de Jean souligne la maîtrise et la souveraineté du Christ au moment d’aller vers la croix. Jésus prend l’initiative : il sait que l’heure est venue pour lui de passer de ce monde vers le Père. On ne lui ôte pas la vie, c’est lui qui choisit de la donner.

Situé dans le cadre pascal, et à la veille de la passion (v. 1-3), le geste du lavement des pieds (v. 4-5) est donc hautement symbolique.

Il est suivi de paroles du Christ qui en donnent une double interprétation. La première (v. 6-11) relie ce geste au sens de sa mort : il se dépouille de sa vie pour les siens, se faisant proche d’eux dans leur fragilité humaine. La seconde (v. 12-17) montre comment les disciples sont appelés à vivre du sens de ce geste en le reprenant eux-mêmes.

Le récit continue avec la trahison de Judas. Jésus annonce que l’un de ses proches se retournera contre lui, et emploie une citation du psaume 41, où on retrouve mention du pied ! Le psaume 41 est un appel à la vengeance, mais Jésus ne reprend pas la loi du talion. Au talon levé contre lui, il répond par un talon… lavé. Un geste qui prend l’autre tel qu’il est, et garde relation avec lui dans toute sa réalité, y compris son opposition et sa trahison.

Notes sur le texte
Jean 13,1-17

Prologue

Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers le Père, ayant aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu’à la perfection.

Le verbe aimer est presque absent de Jn 1-12, et ici et dans les chapitres suivants, il prend une place centrale.

« jusqu’à la perfection » = jusqu’à l’accomplis­se­ment, terme qui se retrouve dans la dernière parole de Jésus sur la croix : « tout est accompli. »

Au cours du repas du soir, alors que le Diable avait déjà jeté dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, la pensée de trahir Jésus, ce dernier, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est issu de Dieu et qu’il retourne à Dieu, Le contexte est le repas pascal, au moment où les autres évangiles rapportent le récit de la cène.
Geste prophétique

se lève du repas, dépose son manteau et noue un linge autour de lui. Puis il verse l’eau dans le bassin et commence à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait noué.

Laver les pieds d’un hôte à son arrivée était un geste usuel. Mais ici, c’est le maître, et non un serviteur ou enfant, qui l’accomplit.

Venant au milieu du repas, le geste échappe à l’habituel, à l’utilitaire. Il se présente comme un signe, un acte porteur de sens.

Première interprétation du geste

Il arrive ainsi vers Simon Pierre, qui lui dit : Seigneur, toi, tu me laves les pieds ?

Jésus lui répondit : Ce que je suis en train de faire, toi, tu ne peux le savoir à présent : mais tu comprendras par la suite…

Les pieds sont l’élément le plus humble de l’humain. C’est par là qu’il touche la terre, l’humus. Ce qui de lui est le plus sali par la réalité du monde marque l’humanité de l’humain.
Pierre lui dit : Il n’est pas question que tu me laves les pieds, jamais !

Jésus lui répondit : Si je ne te lave pas, tu n’auras aucune part avec moi.

Alors Pierre lui dit : Non les pieds seulement, mais aussi les mains et la tête !

« tu n’auras aucune part avec moi » = nous n’aurons rien de commun.

L’important est d’accepter de se laisser voir dans son humilité, de se présenter à l’autre dans sa réalité terrestre, pleinement humaine. Et non de la manière idéale dont aimerait être vu par les autres.

Jésus lui dit : Celui qui s’est baigné n’a besoin que de se faire laver les pieds, car il est pur entièrement.

Vous, vous êtes purs, – mais pas tous…

(Il savait qui le trahirait. Aussi disait-il : Vous n’êtes pas tous purs.)

Il semble y avoir contradiction : celui qui s’est baigné est entièrement pur, mais il a malgré tout besoin d’être lavé !
Seconde interprétation du geste

Après leur avoir lavé les pieds, Jésus remit son manteau, il reprit place au repas et leur dit : Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez ‘Maître’ et ‘Seigneur’, et vous faites bien, car je le suis.

Mais le geste est aussi un exemple, une démonstration par laquelle Jésus montre aux disciples ce qu’ils sont appelés à faire.
Si donc moi, je vous ai lavé les pieds, le Maître et le Seigneur, vous devez aussi vous laver les pieds les uns des autres.

C’est une démonstration que je vous ai donnée, afin que vous fassiez comme je vous ai fait.

Ici, il ne s’agit pas d’être lavé, mais de laver. D’accepter ce renversement des rôles dont Jésus lui-même a montré l’exemple.
En vérité, je vous le dis : le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’envoie !

Sachant cela, vous serez heureux, si vous faites de même.

« vous serez heureux si vous faites de même » : montre l’enjeu pour nous du geste de Jésus. Laver les pieds des autres n’est pas une obligation, mais un chemin ouvert vers un bonheur à recevoir.

Crédit: Nicolas Künzler