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Poursuite de l’œuvre de Soeur Emmanuelle

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Que sont-ils devenus ?

Au Caire, Sœur Sara poursuit l’œuvre de Sœur Emmanuelle.
La religieuse copte-orthodoxe Sœur Sara apparaît comme la digne héritière de Sœur Emmanuelle, à laquelle elle a succédé au Caire, où elle vit au service des chiffonniers.

C’était en 1975 : une jeune religieuse copte-orthodoxe était venue s’installer, avec l’autorisation de son évêque, pour aider Sœur Emmanuelle. Avec elle, Sœur Sara a habité une cabane de tôle et enseigné l’alphabet à une vingtaine d’enfants. Les conférences en Europe de Sœur Emmanuelle permettront d’obtenir des fonds pour ouvrir une école, un dispensaire, un ouvroir… Puis elle la suivra au Mokattam, la plus grande agglomération de « zaballines » : nouveau succès. Aussi, quand, en 1993, la religieuse de Notre-Dame de Sion doit rentrer en France, elle part tranquille : « Sœur Sara sait faire tourner la machine », explique-t-elle.

Quinze ans plus tard, en 2009, Sœur Sara habite toujours cet îlot de misère, mais elle a su améliorer le mode de vie des chiffonniers. « Il y a eu des donateurs généreux, et l’État a pris conscience de la situation. Le Mokattam est doté d’eau, d’électricité et d’une « zone éducative ». 90 % des enfants vont à l’école », se félicite-t-elle.

Assise dans un fauteuil du petit salon de leur maisonnette, Sœur Sara, 62 ans, a gardé le même enthousiasme et une inlassable énergie. « 37 religieuses de ma congrégation œuvrent dans trois centres : Ezbet-El-Nakhl, le Mokattam et Maadi-Dora, raconte-t-elle. Nous avons en chaque lieu des écoles, des dispensaires, des ouvroirs. Nous avons 1 200 salariés : ouvriers, enseignants, infirmières, femmes de ménage… Mais il faut trouver les moyens de les rétribuer. » Et il incombe à Sœur Sara d’en trouver le financement.

« Je suis toujours à la disposition des personnes qui veulent visiter une école ou un dispensaire, et il y a des dons en Égypte. » En France, des organisations forment l’Opération Orange dirigée par Jean Sage ; l’association Asmae, fondée par les « Amis de Sœur Emmanuelle », ne subventionne pour sa part que le centre de Maadi-Dora. Dans ce contexte, le rôle de Sœur Sara consiste aussi à rendre visite aux familles, à effectuer les démarches administratives et, surtout, à s’assurer du bon fonctionnement du système. « J’aimerais avoir des journées de 48 heures », sourit-elle.

Le Mokattam compte aujourd’hui une garderie d’enfants, deux écoles, deux lycées, un ouvroir, un club… « Le prince Albert de Monaco nous a offert un petit hôpital de 42 lits. Les malades paient le quart, et nous assurons le reste. Même exigence pour les écoles : nous voulons des personnes qui participent, pas des assistés », insiste la religieuse.

Les projets sont encore nombreux. Sœur Sara va inaugurer la maison qui accueillera des femmes âgées et veut organiser des conférences de planning familial. Mais sa plus grande fierté est de rappeler que « nombre d’anciens petits chiffonniers sont maintenant avocats, pharmaciens, ou encore enseignants et monitrices qui viennent nous aider ».

Avec l’aide d’Opération Orange, le lycée Basma (« sourire ») a été créé pour les jeunes filles, marquant un changement de mentalité : « Autrefois, les familles mariaient leurs fillettes dès 12 ans, raconte Sœur Sara. Aujourd’hui, elles vont au lycée, et 250 fréquentent des universités. Elles choisissent leur mari, tout en conservant un grand amour et un grand respect pour leurs parents. Je leur donne des conseils, au cas ou elles viennent m’en demander. Mais je tiens à respecter les traditions, il ne faut pas détruire l’esprit de la société. »

L’éducation et l’émancipation des jeunes chiffonnières ont pour Sœur Sara les traits d’une victoire. La religieuse ne s’en cache pas. Tout comme elle souligne que les femmes ne sont plus battues dans un couple, ou de moins en moins. « Elles brodent, vendent leurs travaux par notre intermédiaire et participent aux frais du ménage. Cela leur donne une plus grande respectabilité. » Une petite révolution. Modeste, Sœur Sara souligne : « Nous avons fait notre possible, Dieu a fait l’impossible. »

La Croix,  de notre correspondante Denise Ammoun, le CAIRE, ce jeudi 07/05/09. Photo de sœur Emmanuelle par Gauthier Fabri.