Point KT

Le voyage des mages

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Jeu de Noël

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Scène : 14 personnages

Nous sommes dans un observatoire ; C’est un bureau de savants avec des livres, des cartes et peu de lumière. Balthazar fait des calculs, Gaspard et Melchior pointent leurs longues-vues dans deux directions opposées.

Melchior, très excité
Par karvamistra, la déesse aux sept oreilles ! Voilà la constellation du chameau telle qu’elle est décrite dans le livre du vieux sage. Enfin, je la tiens, depuis le temps que je la cherchais !

Gaspard
Erreur, cher confrère, je l’ai découverte avant toi ; elle est là au bout de ma lunette !

Melchior, agacé
Gaspard, cela fait 63 ans que je suis mage, je sais lire dans le ciel, tu permets !

Gaspard
N’empêche, Melchior, c’est moi qui ai le chameau !

Melchior
Eh bien, on dira qu’il y a deux constellations du chameau, voilà tout, pas vrai, Balthazar ? Je dirai même plus : c’est un présage, l’année sera deux fois plus sèche que l’an dernier.

Balthazar hausse les épaules
Quels gamins vous êtes ! Aidez-moi plutôt à chercher dans les planètes quel jour conviendra pour le mariage de la fille de notre empereur ! Ils scrutent le ciel ; Les trois lunettes se trouvent pointés dans la même direction ;

Gaspard
Ooh ! Incroyable !

Balthazar
Quel éclat, cet astre, et si pur !

Melchior
Il annonce au moins la naissance d’un roi !

Balthazar
Et quel roi !
Balthazar cherche fébrilement dans un gros livre, Gaspard dans des petits livres qu’il fait dégringoler de l’étagère, dans sa hâte. Melchior consulte une grande carte du ciel.

Balthazar, le doigt sur une page
Attendez, là, un indice…à l’ouest, c’est bien ça !

Gaspard examine un des petits livres
Oui ! Un roi devait naître chez ceux que l’on appelle les juifs. Vous les connaissez ?

Melchior
Ils habitent de l’autre côté du désert. Leur terre n’est pas bien grande. Pourquoi le ciel annoncerait-il la venue d’un roi des juifs jusqu’ici ?

Gaspard
Mystère. Il doit se passer quelque chose là-bas. A mon avis nous devrions y aller.

Melchior et Balthazar
Mais dans quelle ville ?

L’étoile fait son entrée, souriante. Les mages sont sidérés (très étonnés)
Bonjour, la lumière soit avec vous ! Suivez-moi, et je vous conduirai dans votre recherche !

Scène 2

Personnages : 4 Les trois mages, l’étoile

Nous sommes dans le désert. Il faut un éclairage fort. A califourchon sur un acteur chameau recouvert d’un beau tissu chaque mage se dandine d’avant en arrière ; Les chameaux sont chargés de bagages… L’étoile marche devant la caravane.

Gaspard
Hue, les chameaux, allez, on avance !
 
Balthazar
S’ils avalent autant de sable que moi, ils ne tiendront jamais tout le voyage !

Melchior
Patience, il y a seulement six jours qu’on est partis ! Oh la la qu’est-ce que j’ai soif ! Mais j’avoue que je suis de plus en plus curieux de voir ce nouveau roi des juifs.
Il boit à son outre.

Gaspard arrête le convoi
Hoola, Hoo, stop ! Je crois qu’on a perdu un cadeau en route. Il saute de sa monture et fouille partout.
L’or, où est le coffret d’or ?

 Pendant ce temps, l’étoile s’éclipse discrètement…

Balthazar
Du calme, c’est moi qui l’ai caché sous la couverture, pour pas que des bandits éventuels le voient.

Gaspard
Ouf, on aurait bonne mine à nous présenter au palais royal sans cadeau digne de ce nom !

Melchior, regarde partout autour de lui
Zut, l’étoile s’est tirée, comment on va faire maintenant pour le trouver, le roi ?

Balthazar
Je propose qu’on avance tout droit, toujours dans la même direction, on finira bien par le trouver ! Allez, avançons !

Melchior
Regardez, là-bas, on dirait  les murailles d’une ville !

Ils vont dans cette direction, se rapprochent, on entend de la musique, des flonflons, (fanfares)
Balthazar : il y a plein de drapeaux, des fanfares ! Ce doit être la ville où le roi est né !

A ce moment, l’étoile revient sur scène et leur barre la route.

L’étoile
Stop, l’apparence est trompeuse, ce n’est pas par là ! Continuez plusieurs jours encore dans cette direction, et vous arriverez à Jérusalem. Là, vous pourrez vous reposer.

Scène 3.

Personnages : 5 Les trois mages, Hérode, le ministre, l’étoile.

Nous sommes à Jérusalem. Les mages entrent dans la ville (sans l’étoile). Dans un coin, il y a le palais du roi Hérode. On voit le roi sur un fauteuil bien grand et bien luxueux qui est le trône.

Gaspard, les bras levés
Jérusalem de Judée, enfin ! Quelles constructions impressionnantes ! Et ce Temple ! Karvamistra et tous nos dieux seraient jaloux !

Melchior
Enfin, nous le verrons, le grand roi qui est né aux juifs…

Ils se tournent et s’avancent vers le trône. Saluent bas le roi.

Tous les trois
Nous te saluons, majesté, puissant Hérode, roi des juifs ; que nos mille dieux et déesses te couvrent de richesses innombrables. Voilà, les astres ont annoncé la naissance d’un nouveau roi chez vous, aussi nous sommes venus lui rendre hommage.

Hérode
Roi des juifs, vous dites ?… Bizarre…C’est moi le roi ! Attendez, je vais me renseigner.

Hérode s’adresse à son premier ministre, en secret (mais à voix haute !)
Qu’est-ce que c’est cette histoire, ministre ? Le roi des juifs, c’est moi ! Convoque immédiatement les prêtres, les savants et les espions pour en savoir plus sur cette histoire. Et vite, sinon… (Il fait le geste de couper la gorge)

Le ministre sort.

Balthazar
Si le jeune roi n’est pas dans le palais, dites-nous s’il vous plaît où nous pourrons le trouver, majesté.

Hérode
Bien évidemment, mais vous devez être fatigués de la longue route, reposez vous un instant…les mages s’assoient sur des coussins.

Le ministre revient

Ministre
Majesté, j’ai des renseignements : il s’agirait d’un bébé né à Bethlehem en Judée. De drôles de choses ce sont passées autour de sa naissance, et comme les livres des prophètes parlent d’un chef pour notre peuple d’Israël qui naîtrait dans ce petit village…
Hérode, s’adressant au ministre, loin des oreilles des mages : Ah c’est comme ça, eh bien, on verra bien qui est le roi ici, qu’on me trouve ce soi-disant chef, et ce sera sa fête, ha ! ha ! (Hérode fait le geste de couper la gorge, puis il se frotte les mains)

Puis s’adressant aux mages après s’être levé de son trône (avec un air faux, hypocrite)
Il semblerai que vous ayez raison, messieurs. Allez donc chercher cet enfant du côté de Bethlehem en Judée, dès que vous l’avez trouvé, faites moi signe, pour que j’aille lui rendre hommage moi aussi. Hérode se détourne, retourne sur son trône.

L’étoile réapparaît, tire discrètement un mage par la manche : Psst ! Suivez-moi, ne me perdez pas de vue, le nouveau roi, il faut ouvrir grand ses yeux et ses oreilles pour le trouver !

Scène 4

Personnages : Balthazar, Melchior, Gaspard, l’étoile , Marie, Joseph

Nous sommes dans les rues de Bethlehem au petit matin. Il fait encore sombre.  Une petite maison éclairée, sur le côté, est celle de Joseph On y voit un berceau (couffin), une table des chaises. Joseph taille du bois, Marie plie du linge.

Balthazar
Tout semble si tranquille ici

Gaspard
Aucun évènement en vue…

Melchior
Et si nous avions fait tout ce chemin pour rien ?

L’étoile
Confiance ! Vous voici au bout de votre voyage, L’étoile tend le bras vers la maison de Joseph : regardez, il est là ! C’est lui… Mais chut, il dort…

Ils entrent doucement.

L’étoile
Marie, Joseph, je vous présente Melchior, Balthazar, Gaspard ; ils arrivent du pays des fleuves, très loin à l’Est. Ils sont très instruits des choses du ciel car ils sont mages.

Joseph
Bienvenue, amis étrangers (l’étoile s’assied derrière l’enfant.), qu’est ce qui vous amène ici ?

Gaspard
C’est l’étoile du ciel qui nous a menés à vous. Nous cherchons le nouveau roi qui est né chez les juifs.

Marie, à Joseph
C’est drôle, ils viennent comme les bergers dans la nuit de la naissance de Jésus, guidés par une lumière. L’ange a dit vrai, quand il m’annonçait la naissance d’un fils au destin exceptionnel. Tu t’en souviens ? Il m’avait dit : tu enfantera  d’un fils qui sera grand, qui règnera sur le trône de David et qu’on nommera Fils du Très Haut !

Joseph
Oh que oui, que je m’en souviens ! Et même que je me suis dit : Joseph, mon gars, y a comme un problème !

Balthazar
C’est bien lui que nous cherchons pour lui rendre hommage !
Les trois mages se prosternent, déposant leurs cadeaux (trois paquets : or, encens et myrrhe)

Gaspard
Nous te saluons, petite pousse d’Israël ! Ta lumière sera bien plus grande que l’éclat de l’or que je t’ai apporté en cadeau !

Melchior
Nous t’adorons, enfant des hommes, ta vie sera bien plus précieuse  que ne l’est ce parfum que je t’apporte.

Gaspard
Voici que j’ai pour toi de la myrrhe odorante : elle guérit de cent maladies, mais toi, tu guérira le monde.

Tous trois
Adieu lumière dans les ténèbres, adieu don de Dieu, adieu petit Jésus. Quand tu seras grand, tu seras un chemin de salut pour ceux qui te connaissent !

Ils s’inclinent.
…Et les mages repartent dans leur pays lointain …

Saynète de Pâques : le chemin du retour

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Pour la première fois Nicolas peut participer à la Grande Fête dans la capitale. Il est fier et heureux. Nicolas et sa famille viennent de Capernaüm. Jésus y est connu, il apporte la joie, console, guérit. C’est la début de la merveilleuse transformation de la société que tous attendent : un grand bouleversement présidé par Dieu ! Nicolas a de la chance pour sa première Grande Fête dans la capitale : même Jésus est venu.

Le retour, un chemin de tristesse 

Narrateur : Mais cette année la Grande Fête  devient une tragédie. Nicolas, ses parents, la famille et les amis ont mangé les larmes aux yeux. Jésus, celui qui annonce le commencement d’une nouvelle société présidée par Dieu est mort sur une croix. Au lieu du Règne de Dieu, c’est la fin terrible, le vendredi noir. Ce jour là, même les plus proches amis de Jésus disparaissent, laissant leur maître mourir seul sur la croix. L’espoir d’une nouvelle société présidée par Dieu s’évanouit avec eux dans la nature. Placer sa confiance en Jésus, c’est parier pour celui qui est mort, exécuté par les soldats de l’empereur de Rome.

Nicolas retourne à Capernaüm en Galilée avec les autres. Deux jours déjà qu’ils sont en route, et c’est la pause à l’ombre des arbres près du Jourdain. Plusieurs groupes de pèlerins de Galilée s’arrêtent là pour manger et se reposer. Nicolas se rafraichit les pieds dans l’eau claire du fleuve. Les parents assis à côté discutent avec Tobie et Neftali.

La pause au bord de l’eau

Le père : j’aimerais bien savoir ce qui est arrivé aux femmes qui ont suivi Jésus jusqu’au pied de la croix.
Neftali : Les  Romains les ont sans doute arrêtées. Ceux  qui s’affichent aussi ouvertement avec un condamné à mort sont toujours arrêtés.
Tobie : Je ne crois pas que les Romains aient arrêté des femmes.
Neftali : Ne dit pas cela, les Romains ont souvent crucifié des femmes d’opposants.
La mère : J’admire cette Marie de Magdala. Elle ne s’est pas laissée impressionner par les soldats. Elle a été fidèle à Jésus jusqu’au bout.
Le père : Je me demande à quoi Jésus a pensé lors de son chemin vers la croix. Rien ne s’est passé comme prévu, au lieu du règne de Dieu c’est la mort qui est venue.
Tobie : Mais il a parlé parfois de la croix et de la mort. Celui qui veut le suivre doit être prêt à prendre la croix sur lui. C’est ce qu’il a dit. Il s’est probablement douté qu’il allait être crucifié.
Neftali : Il a vite compris qu’il était en danger à Jérusalem. Sa bonne nouvelle pour nous était considérée comme une mauvaise nouvelle pour l’aristocratie du temple et pour les romains, leurs alliés.  Pour eux tout va bien dans le monde tel qu’il est. Ils ne veulent rien de nouveau. Jésus voulait changer beaucoup de choses : les pauvres, les malades, les femmes, les enfants devaient avoir une vie meilleure dans le Royaume de Dieu. 
Le père : Mais maintenant Jésus est mort, c’en est fini du royaume de Dieu.
La mère  : Pas obligatoirement ! A nous de continuer sans lui ce qu’il a commencé. A nous de consoler, de soigner, d’aider.
Narrateur : Nicolas est fier d’avoir une mère qui parle ainsi! 
Tobie (tourné vers la mère): Ce que tu dis va tout à fait dans le sens de ce que Jésus a demandé.
Le père : Mais je ne sais pas soigner.
La mère : Personne ne te demande de faire ce que tu ne sais pas faire. Mais tu peux, par exemple, consoler quelqu’un de malheureux. 

Nouvelle incroyable

Narrateur : Soudain des cris viennent du lointain. Ce sont quelques jeunes gens qui accourent sur la route. Ils viennent de la capitale et font de grands signes.
Les gens de Jérusalem : Nouvelle sensationnelle ! Nous avons une nouvelle extraordinaire.
Le père, la mère, Tobie, Nephtali (ensemble) : Que se passe-t-il ?
Les gens de Jérusalem : Jésus est vivant ! Dieu l’a relevé de la mort ! 
Narrateur : Nicolas saute de joie. Des pèlerins se réjouissent, d’autres secouent la tête.
Neftali : D’où savez-vous cela, vous l’avez vu vivant ?
Les gens de Jérusalem : Nous non mais Marie de Magdala et d’autres femmes l’on vu. Jésus leur est apparu et leur a dit  :   » Faites vous-mêmes ce que j’ai commencé. Je serai avec vous, même quand vous ne me verrez plus. »
Nafatali (en secouant la tête) : Ce sont des commérages. Celui qui est mort est mort et il ne revit plus.
La mère : Dieu peut faire revivre un mort ! Si tu ne peux croire en cela, inutile de croire en Dieu. 
Tobie : Tu as raison. Pour Dieu tout n’est pas terminé avec la mort.
Neftali : Pour croire cela, il faudrait que je vois moi même Jésus vivant.
Narrateur : Les discussions entre pèlerins s’animent. Joie et doute sont partagés. Certains s’embrassent en pleurant de joie. D’autres hochent la tête.
Neftali : Cela n’a aucun sens. Qui peut savoir ce que Marie de Magdala est allée s’imaginer, effondrée par le chagrin ?

 

Nouvelle de Galilée

 

Narrateur : Un groupe de gens viennent sur le chemin en provenance de Galilée. Ils vont en direction de Jérusalem. En apercevant les pèlerins ils font de grands signes.
Le groupede Galilée : Nous avons une nouvelle extraordinaire. Jésus est vivant. Il est apparu à Simon Pierre en Galilé et à quelques autres. Il a dit : « Continuez vous-même ce que j’ai commencé Je suis avec vous même si vous ne me voyez plus. »
{tip Tous le monde parle::Le père, la mère, Tobie et Nephtali prononcent tour à tour, rapidement ces interrogations.}Tout le monde parle{/tip} : Quelle tête avait Jésus? Est-il exactement comme avant ou a-t-il changé? A quoi Pierre l’a-t-il reconnu? Parlait-il depuis le ciel ou marchait-il sur la terre comme un homme ? Pourquoi est-il apparu aux disciples alors qu’ils l’avaient laissé tomber? A qui aparaîtra-t-il encore? Pourrons nous le voir nous aussi?
Le groupe de Galilée : Nous n’en savons rien. Nous sommes partis tout de suite pour annoncer l’évènement aux amis de Jérusalem. Allez voir les disciples en Galilée, interrogez-les, faites vous votre opinion. Ils étaient si tristes et désespérés, les voilà tous dynamiques et plein d’espoir. Seul Jésus a pu réussir ce prodigieux changement. Jésus est vivant!
Neftali : Ils sont devenus fou!
Narrateur : Nicolas regarde ses parents. Les deux rayonnent de joie, ils rassemblent leurs affaires pour repartir. Nicolas est heureux lui aussi. Sa première Pâque à Jérusalem a tenu es promesses au delà de ses espérances : elle restera gravée dans les souvenirs de Nicolas comme la grande fête de sa vie.

 

 

Curius l’enfant du palais – narration de Daniel Priss

 

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Curius, l’enfant du palais

Curius, le fils du roi Hérode, passe sa vie dans le somptueux palais du souverain. Il profite de l’agitation créée par l’arrivée des mages, pour se glisser hors de sa prison dorée. De bien étranges rencontres l’attendent alors…qui finissent par le conduire vers le Christ.

Un CD audio avec certaines scènes et des plages musicales peut être obtenu auprès de l’auteur. Il permet de produire la saynette même dans les lieux où il y a peu d’enfants à l’école du dimanche.

En lien: Saynette de Noël : Curius…

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Le père Martin

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L’histoire que nous allons vous raconter est celle du père Martin. Elle se passe en décembre 1881. Le père Martin n’est qu’un pauvre cordonnier, il habite dans une pièce au rez-de-chaussée d’un immeuble qui fait l’angle de la place de Lenche et de la rue des Martégales, au centre du vieux quartier de Marseille. Une seule pièce qui lui sert d’atelier, de salon, de magasin, de cuisine et de chambre à coucher. C’est là qu’il vit ni trop riche ni trop pauvre. Assis sur son tabouret, dans son atelier bien chauffé il répare les chaussures de tout le voisinage. Dehors la bise souffle et ce vent venant du Nord glace les quelques passants.

SCÈNE 1 : Narrateur / Arthur / René 

Narrateur: L’histoire que nous allons vous raconter est celle du père Martin. Elle se passe en décembre 1881. Le père Martin n’est qu’un pauvre cordonnier, il habite dans une pièce au rez-de-chaussée d’un immeuble qui fait l’angle de la place de Lenche et de la rue des Martégales, au centre du vieux quartier de Marseille. Une seule pièce qui lui sert d’atelier, de salon, de magasin, de cuisine et de chambre à coucher. C’est là qu’il vit ni trop riche ni trop pauvre. Assis sur son tabouret, dans son atelier bien chauffé il répare les chaussures de tout le voisinage. Dehors la bise souffle et ce vent venant du Nord glace les quelques passants.

Arthur : Salut René, fait bien froid aujourd’hui, j’me d’mande s’il va pas neiger.

René : Ben quoi c’est normal, on est en décembre après tout.

Arthur : Ben oui.

René : Au fait, t’as pas remarqué que le vieux Martin ne vient plus au café des Argonautes.

Arthur : Ouais, c’est bien vrai ça. J’crois que c’est depuis qu’il est allé à ces soirées à l’église, tu sais chez le pasteur.

René : C’est vrai ce que tu dis là, il va à l’église, j’aurais pas cru ça de lui. Enfin, j’trouve qu’il va pas trop mal, il rigole un peu plus qu’avant.

Arthur : Tu sais, il n’a eu guère de chance le pauvre vieux, sa femme est morte il y a plus de vingt ans, son fils, parti comme matelot à bord du brick Le Phocéen, n’a plus reparu depuis dix ans et puis sa fille, il n’en parle jamais.

René : Ouais, il est bien seul.

Arthur : Enfin ! Le bonjour à Germaine !

 

 

Image  SCÈNE 2 : Narrateur / Martin / La voix

 Narrateur : La journée passa, le père Martin travaillait assidûment, il réparait galoches et chaussures avec beaucoup de soin. Le soir venu, le père Martin s’assit sur son lit et ouvrit une vieille Bible qu’il avait jadis reçue de ses parents.

Martin : Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie… Point de place… Pour lui, (il regarde sa chambre) il y aurait eu de la place pour lui ici. J’aimerais bien qu’il vienne me tenir compagnie. Si ce soir le sauveur devait venir, croyez-vous qu’il choisirait ma maisonnette pour y entrer… Comme je le servirais, comme je l’adorerais! Mais au fait, pourquoi ne se montre-t-il plus aujourd’hui ? Enfin… (il se met à lire) « Des mages de l’orient arrivèrent pour lui rendre hommage » tiens, tiens des mages ? « trouvant l’enfant ils se prosternèrent et lui offrirent des dons, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » Que pourrais-je lui donner ? (il se gratte la tête, se promène dans son atelier). Oui je lui donnerais ces deux petits souliers… Mais je radote… Comme si mon sauveur avait besoin de ma petite maison et de mes souliers. (Martin s’assit et s’endormit. Silence)

La voix : Martin

Martin : Qui va là ? (en sursaut, mais il ne vit personne).

La voix : Martin ! Tu as désiré me voir, eh bien regarde dans la rue demain, du matin jusqu’au soir, tu ne me verras passer plusieurs fois. Efforce toi de me voir, car je ne me ferai pas connaître à toi.

Martin : (en se frottant les yeux) C’est lui ! II a promis de passer ! Alors je l’attendrai. Mais je ne l’ai jamais vu, juste des portraits à l’église, bah, je vais bien pouvoir le reconnaître. (LA NUIT – LE MATIN – Martin se lève et s’installe derrière sa fenêtre).

 

 

Image  SCÈNE 3 : Narrateur / Martin / Le balayeur

Narrateur : Tôt le matin, il est à la fenêtre pour guetter les premiers passants, le ciel s’éclaira et le père Martin ne tarda pas à voir paraître sur la place le balayeur de rues ; il ne lui accorda qu’un regard distrait : il avait en vérité, bien autre chose à faire qu’à regarder un balayeur de rues ! Mais, comme il faisait très froid dehors, le père Martin se dit :

Martin : Le brave homme ; il a froid et c’est une fête aujourd’hui… mais non pour lui. Si je lui offrais une tasse de café ! – Entrez, venez vous réchauffer.

Balayeur : C’est pas de refus, merci… Quel temps de chien ! On se croirait en Russie.

Martin : Voulez-vous accepter une tasse de café ?

Balayeur : Ah ! Par exemple, voilà un brave homme ! Avec plaisir, pardi. Vaut mieux tard que jamais pour faire son petit réveillon. (Le cordonnier servit son hôte à la hâte, puis s’empressa de retourner vers sa fenêtre et de sonder la rue pour voir si personne n’était passé).

Balayeur : Qu’est-ce que vous regardez dehors ?

Martin : J’attends mon maître.

Balayeur : Votre maître ? Votre patron vient vous voir un jour de fête ?

Martin : C’est d’un autre maître que je parle.

Balayeur : Ah !

Martin : Un maître qui peut venir à toute heure et qui m’a promis de venir aujourd’hui. Vous savez son nom ? …  C’est Jésus.

Balayeur : J’ai entendu parler de lui, mais je ne le connais pas. Où demeure-t-il ?

Narrateur : Le père Martin se mit alors, en quelques mots à raconter au balayeur de rues l’histoire qu’il avait lue la veille, en y ajoutant quelques détails. Il se tournait vers la fenêtre tout en parlant.

Balayeur : Alors c’est lui que vous attendez ! A mon avis vous ne le verrez pas comme vous le croyez. Mais c’est égal, vous me l’aurez fait voir à moi. Me prêteriez-vous votre livre ? Je vous garantis que vous n’aurez pas perdu votre temps ce matin. Au revoir.

Martin : Au revoir.

Narrateur : Le père Martin resta seul de nouveau, front collé contre la vitre.

 

Image SCÈNE 4 : Narrateur / Femme / Martin 

Narrateur : Quelques ivrognes attardés passèrent, mais le vieux cordonnier ne les regarda pas. Puis passèrent les marchandes avec leurs petites charrettes. II les connaissait trop bien pour faire attention à elles. Mais, au bout d’une heure ou deux ses yeux furent attirés par une jeune femme, misérablement vêtue et portant un enfant dans ses bras. Elle était si pâle, si décharnée, que le coeur du vieillard s’émut. Peut-être cela le fit-il penser à sa fille. II ouvrit la porte et l’appela. La pauvre femme entendit cet appel et se retourna surprise.

Martin : Vous n’avez pas l’air bien portante.

Femme : Je vais à l’hôpital. J’espère bien qu’on m’y recevra avec mon enfant. Mon mari est en mer et voilà trois mois que je l’attends. Il ne revient pas et cependant je n’ai plus le sou et je suis malade. Il faut que j’aille à l’hôpital.

Martin : Pauvre femme. Vous mangerez bien un morceau de pain en vous réchauffant. Au moins une tasse de lait pour le petit. Tenez, voilà justement le mien, que je n’ai pas encore touché. Chauffez-vous et laissez-moi le marmot, je sais comment ça se manipule. Quoi ! Vous ne lui avez pas mis de souliers ? (Il chercha les souliers qu’il avait regardés la veille et les mit à l’enfant. Il étouffa un soupir en se séparant de son chef-d’oeuvre).

Martin : Je n’en ai plus besoin pour personne maintenant. (Il revient à la fenêtre et regarde anxieusement la rue).

Femme : Qu’est-ce que vous regardez là ?

Martin : J’attends mon maître. Connaissez-vous le Seigneur Jésus ?

Femme : Certainement. il n’y a pas si longtemps que j’ai appris mon catéchisme.

Martin : C’est lui que j’attends.

Femme : Et vous croyez qu’il va passer par là ?

Martin : Il me l’a dit.

Femme : Pas possible ! Oh que j’aimerais rester avec vous pour le voir moi aussi… mais il faut que je m’en aille pour l’hôpital.

Martin : Tenez, prenez ce petit livre (il lui tend un évangile), lisez cela attentivement, et ce sera presque comme si vous le voyiez.

Femme : Merci beaucoup. (Il reprit place près de la fenêtre)

 

 

Image  SCÈNE 5 : Narrateur / Martin /Enfant/ La voix/ Tous

Narrateur : Les heures passèrent, mais parmi les passants, le père Martin ne vit pas le maître : les jeunes gens, les vieillards, les ouvriers, les ménagères, les grandes dames, tout ce monde passa devant lui, bien des mendiants supplièrent le brave homme, son bon regard semblait leur promettre quelque chose : ils ne furent point déçus… (pause) Cependant le maître ne paraissait pas. Ses yeux étaient fatigués, son coeur commençait à défaillir (pause). Doucement vint la nuit, accompagnée de brouillard. II devenait désormais inutile de continuer à regarder par la fenêtre. Tristement il prépara son souper.

Martin : C’était un rêve. Pourtant je l’avais bien espéré.

Narrateur : II ouvrit son livre et voulut se mettre à lire, mais sa tristesse l’en empêcha.

Martin : Il n’est pas venu ! Il n’est pas venu ! Il n’est pas venu ! (Grande lumière et présence de toutes les personnes).

Chacun : Ne m’as-tu pas vu ?

Martin : Mais qui êtes-vous donc ?

Enfant : Mais lisez père Martin. (En pointant sur le livre ouvert dans les mains du père Martin).

La voix : J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger… J’ai eu soif et vous m’avez donné à boire… J’étais étranger et vous m’avez accueilli… Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits, vous les avez faites à moi-même.

Source: PointKT automne 1995  n° 11 – Adaptation d’un conte de Ruben Saillens