Point KT

La colère de Naaman

image_pdfimage_print

Naaman s’arrête devant la porte de la maison d’Élisée. Il immobilise ses chevaux et son char. Ce débordement de puissance, le cliquetis des armes et les chevaux contraints à l’immobilité qui piaffent d’impatience, n’impressionnent pas le prophète ! Qui donc est ce prophète pour ignorer à ce point les lois sacrées de l’hospitalité, et les usages les plus élémentaires du protocole ? Qui donc est ce prophète qui, malgré le long voyage du dignitaire, le fait attendre devant sa porte ?

Enfin, enfin la porte s’ouvre ! … Mais ce n’est pas le prophète qui sort au devant de Naaman. Non c’est son serviteur. Rendez-vous compte de la situation : Élisée lui répond en délégant son domestique ! Et ce serviteur est chargé de lui communiquer de la part d’Élisée, un ordre, et, rien qu’un ordre banal :

«  Va et lave-toi sept fois dans le Jourdain, ta chair redeviendra saine et tu seras net. » Pas de magie, pas de manipulation, pas d’invocation de Dieu, ni de mains agitées au-dessus des plaies. Non ! ….

Apparemment sans égard pour son notable visiteur, Élisée le renvoie loin de lui. L’étranger doit revenir sur ses pas, aller jusqu’au Jourdain, situé à plus d’une journée de marche de la capitale. Je vous le dis, si Élisée n’avait jamais voulu revoir Naaman, il n’aurait pas agi autrement.

Comparé aux fleuves de Syrie, c’est vrai que l’envoi au Jourdain froisse la fierté nationale de Naaman, dont le pays ne manque pas d’eau pure. Pour Naaman, les fleuves de Damas semblaient, à juste titre, mieux qualifiés pour la purification, leurs eaux sont claires, elles viennent des montagnes enneigées, alors que le Jourdain, limpide à la sortie du lac de Galilée, ne tarde pas à se troubler et à prendre une couleur brun-sale qui provient de la nature de son lit. L’étonnement de Naaman devant cette distance prise à son égard par l’homme de Dieu, laisse la place à la déception et maintenant à la colère. Son irritation est à son comble, notre héros se sent trahit dans la confiance qu’il a mise dans Élisée. Il s’apprête à tourner les talons :
« Voici, je me disais : Il ne manquera pas de sortir, il se tiendra là, il invoquera le nom de l’Éternel son Dieu, et il étendra sa main vers la place malade et il me guérira de la lèpre.
L’Abana et le Parpar , fleuves de Damas, ne valent-ils pas mieux que toutes les eaux d’Israël ? Ne m’y laverais-je pas pour devenir net ? »

– Attention ! L’imagination et la logique du général risquent de le perdre. Car il ignore que les voies de Dieu sont souvent folies pour les hommes. Le Jourdain est la seule voie offerte pour sa purification !
– Attention ! Naaman tu dois te plonger sept fois dans le Jourdain. La condition est simple, trop simple et trop précise ? Aucun autre moyen ne convient : ni la main du prophète, ni d’autres fleuves, ni un nombre différent de lavements !

Pourtant, très en colère, Naaman va s’en retourner sur son char. Il va amorcer le chemin du retour… Qu’il est difficile de renoncer à ses prérogatives de général !

Le lourd équipage et les tenues chatoyantes ne font pas briller les yeux de l’homme de Dieu, il ne fléchira pas, il ne se laissera pas acheter.
Qui maintenant, viendra au secours de Naaman ? Qui le sauvera de ce qu’il considère comme un affront ? Qui calmera sa colère devant le ridicule du remède prescrit ? Qui le détournera de son orgueil blessé ? Va-t-il réellement tourner les talons et partir ?

Après la fillette captive et l’envoyé d’Élisée dépêché en toute hâte au palais du roi d’Israël, pour conduire Naaman chez le prophète, Dieu suscite la sage réaction des gens de sa suite, de ses serviteurs, des étrangers au peuple de Dieu. Ils s’approchent avec prudence pour lui parler. Prudence mes amis, car un général en colère, on ne sait pas ce qu’il pourrait faire :Pourtant, une troisième fois, dans la vie de Naaman, il se passe une chose « extraordinaire » par l’intervention de personnes « ordinaires »…

« Maître, si le prophète t’avait demandé quelque chose de difficile, ne l’aurais-tu pas fait ? À plus forte raison tu dois faire ce qu’il t’a dit ! Lave-toi et tu seras purifié ! »

En effet pensent ses gens, ce n’est sûrement pas le moment de faire la fine bouche !
Naaman écoute, Naaman réfléchit… Pourquoi ne pas faire ce que l’homme de Dieu me dit ? Pourquoi ne pas me plonger tout simplement dans les eaux du Jourdain ? Après tout, mes serviteurs ont peut-être raison !

Quel défi lancé sur le chemin de sa vie ! Quel premier défi lancé déjà par sa grave maladie ! Quel défi auquel maintenant il doit répondre… Il doit dépasser ses prétentions, ses exigences protocolaires, il doit lâcher-prise… Il doit accepter de ne plus tout maîtriser.

C’est à un autre courage qu’il est appelé maintenant : il doit s’abandonner, avec le courage de la confiance, dans les mains de ce Dieu qu’il ne connait pas ! Le courage de l’abandon… n’est pas une faiblesse ! Le courage de l’abandon ? Car, il n’y a pas d’abandon sans combat, pour lequel et dans lequel on se laisse désarmer. Malade, réduit à l’impuissance il doit accepter humblement d’obéir à l’ordre donné par Élisée, il doit accepter d’écouter le conseil de ses serviteurs ! Il doit accepter d’avoir besoin des autres…

Non ! Il n’y aura pas un cérémonial, une liturgie, une mise en condition, bref un cadre digne de l’événement ! Digne aussi du personnage important !

À  SUIVRE…

Pour lire les narrations précédentes :

Une petite esclave se souvient, cliquer ici

Naaman le grand général, cliquer ici

Fiche biblique, Naaman : quand un païen découvre Dieu cliquer ici

Crédit : Nicole Vernet – Point KT