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Se plonger 7 fois dans le Jourdain

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« Voici un conte que j’avais écrit pour un culte entre les versets 12 et 13 de 2 Rois 5. Un culte tout à la fois intergénérationnel, et avec l’Église malgache de Provence qui est venue soutenir les prières et les chants avec leurs instruments. 3 jours avant le culte, j’ai recruté deux paroissiens pour répéter ensembles la prédication. On l’a bien travaillé le mercredi et on a surtout passé un bon moment – à retravailler ensemble mon texte. J’y ai mis les rivières et les fleuves qui passent à proximité d’Avignon – mais on peut l’adapter avec l’Ill et le Rhin – ou toute autres rivières qui traversent les ville de France. Le seul accessoire que nous avions : la crécelle de Naaman que je tournais, pour parfois introduire son propos. Cette narration est tout à fait adaptée à l’occasion d’un baptême »

Ordre du culte :

♪ Jeu musical
– Proclamation de la grâce de Dieu – Accueil – Prière de louange
♪ Alléluia 21-07 : Qu’aujourd’hui toute la terre – § 1, 2 et 5
– Volonté de Dieu – Prière de repentance
♪ Alléluia 45-10 : J’ai soif de ta présence – § 1, 2 et 5
– Déclaration et accueil de la grâce
♪ Alléluia 42-08 : Toi qui disposes – les trois §
– Prière d’illumination
♪ Alléluia 51-14 : Quand l’Esprit de Dieu habite en moi – § 1, 2 et 3
– Lecture 2 Rois 1-15 (page 4) et prédication
♪ Chorale
♪ Alléluia 44-11 : Entre tes mains j’abandonne – § 1, 2 et 3
– Confession de foi : symbole des apôtres
– Annonces – Collecte
– Prière d’intercession et Notre-Père
– Parole d’envoi – Bénédiction
♪ Alléluia 44-11 : Je suivrai mon Seigneur et mon maître (pages 2 & 3)

Prédication narrative

Narrateur (2 Rois 5, versets 1 à 14) :

Naamân, chef de l’armée du roi d’Aram, était un homme estimé de son maître, un favori, car c’était par lui que le SEIGNEUR avait donné la victoire à Aram. Mais cet homme, vaillant guerrier, était lépreux.

 Les Araméens étaient sortis en razzia et avaient emmené du pays d’Israël une fillette comme captive ; elle était au service de la femme de Naamân. Elle dit à sa maîtresse : « Ah, si mon maître pouvait se trouver auprès du prophète qui est à Samarie ! Il le délivrerait de sa lèpre ».

Naamân vint rapporter ces paroles à son maître : « Voilà ce qu’a dit la jeune fille qui vient du pays d’Israël ». Le roi d’Aram dit : « Mets–toi en route ! Je vais envoyer une lettre au roi d’Israël ». Naamân partit, prenant avec lui dix talents d’argent, six mille sicles d’or et dix vêtements de rechange.

Il présenta au roi d’Israël la lettre qui disait : « En même temps que te parvient cette lettre, sache bien que je t’envoie mon serviteur Naamân pour que tu le délivres de sa lèpre ». Après avoir lu la lettre, le roi déchira ses vêtements et dit : « Suis–je Dieu, capable de faire mourir et de faire vivre, pour que celui–là m’envoie quelqu’un pour le délivrer de sa lèpre ? Sachez donc et voyez : il me cherche querelle ! »

Lorsque Elisée, l’homme de Dieu, apprit que le roi d’Israël avait déchiré ses vêtements, il envoya dire au roi : « Pourquoi as–tu déchiré tes vêtements ? Que Naamân vienne me trouver, il saura qu’il y a un prophète en Israël ! ».

Naamân vint avec ses chevaux et son char et s’arrêta à l’entrée de la maison d’Elisée. Elisée envoya un messager pour lui dire : « Va ! Lave–toi sept fois dans le Jourdain : ta chair deviendra saine et tu seras purifié ».

Naamân s’irrita et partit en disant : « Je me disais : Il va sûrement sortir de chez lui et, debout, il invoquera le nom du SEIGNEUR son Dieu, passera la main sur l’endroit malade et délivrera le lépreux. L’Abana et le Parpar, les fleuves de Damas, ne valent–ils pas mieux que toutes les eaux d’Israël ? Ne pouvais–je pas m’y laver pour être purifié ? » Il fit donc demi–tour et s’en alla furieux.

Narrateur : L’un des serviteurs de Naamân s’adresse à lui.

Serviteur – Vous avez l’air contrarié mon maître …

Naamân (qui se gratte – avec une crécelle)   – On le serait pour moins. Non seulement cette peste ne cesse de gagner du terrain – mais en plus, mes adversaires en profitent pour prendre leur revanche, et se moquer de moi. C’est une honte ! Ont-ils oublié qu’ils parlent au général en chef de leur suzerain ? Pas plus tard qu’hier, je triomphais d’eux – tout en considérant toujours, qu’il est indigne de frapper un homme à terre. Lorsque j’ai vaincu Israël, c’étaient eux qui étaient à terre à mes pieds, c’étaient eux qui capitulaient et imploraient ma clémence.

Par exemple : ce prophète Elisée, il n’a même pas daigné sortir de chez lui pour me rencontrer, il ne m’a envoyé qu’un serviteur !

Serviteur –  … un serviteur, … comme moi …

Naamân – Maudite peste (tourner la crécelle …), jusqu’à quand devrai-je, à cause d’elle, supporter l’insolence de tous ces serviteurs et esclaves, de ces femmes et ces enfants, qui se permettent de me donner des leçons ? ça a commencé par cette enfant captive d’Israël, qui a parlé à ma femme – puis ce prophète qui m’envoie son larbin – et puis toi maintenant … J’en ai assez ! C’est décidé : je retourne dans mon pays d’Aram !

Serviteur – … c’est dommage, mon maître : vous aviez déjà fait un grand bout de chemin.

Naamân – … un chemin qui mène nulle part, oui ! : me plonger 7 fois dans le Jourdain ? ça n’a ni queue, ni tête ! J’attendais un peu de considération de la part de ce prophète, qu’il fasse quelques incantations religieuses, qu’il fasse miroiter devant moi l’or des instruments cultuels, qu’il me prépare je ne sais qu’elle décoction sacrée – ne serait-ce que pour voir un peu la couleur des 10 talents d’argent et des 6 000 sicles d’or que j’ai investit dans l’affaire – histoire aussi de palper la présence du divin, tu vois ? …

Mais rien de tout ça. Juste cette parole saugrenue : « Va te plonger 7 fois dans le Jourdain ». Quand bien même il y aurait une part de vrai dans cette parole, L’Abana, le Parpar, la Sorgue, la Durance tout proche d’ici – ne pouvaient-ils pas tout autant faire l’affaire ?

Serviteur Certes, mais vous qui rejetez les paroles absurdes, écoutez celle-ci, car elle est sensée : si le prophète vous avait commandé de faire quelque chose de compliqué –  vous connaissant – je suis sûr que vous l’auriez fait. Mais voilà qu’il vous demande de faire quelque chose qui semble ne rien coûter – et ça, vous vous y opposez. Pourquoi donc ?

Naamân – Vois-tu, de toute ma vie, je ne dois rien à personne. Mes parents étaient à une place semblable à la tienne, figure-toi. Ma vie, je l’ai gagnée, au fil l’épée notamment. J’ai grimpé un à un les échelons et des concours … jusqu’à la droite du roi ! sans que personne ne m’aide. A l’école militaire, on ne m’a appris ni la mendicité, ni la soumission. Voilà pourquoi je me méfie de tout ce qui est soi-disant gratuit, de tout ce qui ne se gagne pas. Car ce que l’on te donne, on te le reprend toujours au décuple d’un autre côté. Mets-toi ça dans la tête fiston, on n’a rien sans rien. Ce qui ne se gagne pas, n’a pas de valeur. Voilà pourquoi j’y ai engagé mes fonds propres : je suis venu avec une lettre du roi d’Aram et tout cet or et tout cet argent.

Mais je ne viens pas ici pour capituler : mais pour guérir. Et cette guérison, c’est comme je veux – quand je veux – et où je veux, tu m’entends ! Même un genou à terre, c’est toujours moi qui commande ! On ne me dirige pas. Mais cessons ces bavardages et levons le camp. Nous n’avons que trop perdu de temps.

Serviteur – Pour l’instant maître, ce temps n’est ni gagné, ni perdu. Tout va dépendre de la décision que vous êtes sur le point de prendre …

Naamân– Comment ça ?

Serviteur – J’ai tout d’abord essayé de m’inscrire dans votre de grille de valeur, et de vous donner un argument raisonnable pour obéir au prophète : vous vous obstinez à vouloir faire demi-tour.

Alors, souffrez de perdre encore une ultime minute. Qui sait ? Peut-être sera-t-elle la minute décisive de votre vie ? – celle de votre baptême …

Passons maintenant à l’irraisonnable – car, que vous le vouliez ou non, en allant voir cet homme de Dieu – en venant au culte ce matin, – vous vous êtes déjà hasardé de façon folle. Ce qui vous est demandé maintenant, c’est d’aller encore plus loin, dans cette même direction : inversez le rapport de force dans lequel vous vivez, pour envisager un rapport scandaleux de faiblesse.

Je vous parle là d’un véritable retournement : une conversion ! Cessez de vouloir enrôler tout le monde sous vos ordres. Rangez votre business-plan. Essayez d’imaginer un retour sur investissement, … sans investissement.

Vous avez engagé vos fonds propres dites-vous ? … mais est-ce que vous êtes prêts à engager votre propre fond, le fond de vous-même ? Pour cela : il va falloir commencer par déposer votre épée, vous décharger de votre armure, vous mettre à nu, et plonger dans l’eau – et, qui plus est, 7 fois – histoire de bien témoigner que c’est à Dieu que vous vous confiez.

Naamân – Rendre les armes, jamais ! Veux-tu que je perde la vie !

Tant que t’y es, pourquoi pas demander le baptême !

Serviteur – A vouloir sauver votre vie – mon maître, avec tout le respect que je vous porte : vous la perdez. Posez votre épée aux pieds de Dieu, et alors, il vous adoubera comme chevalier de sa Parole. Ecoutez bien ceci : vous avez raison sur un point. L’eau du Jourdain, en elle-même, ne vaut pas mieux que l’eau d’ici. Sa valeur est dans le chemin que vous avez suivi pour marcher jusqu’à elle.

Naamân – ça, c’est le moins qu’on puisse dire : 200 Km en pleine canicule !

Serviteur – Je ne parle pas seulement de ce chemin là, mais d’un mouvement qui s’est déjà amorcé à l’intérieur de vous-même : vous avez commencé par écouter cette jeune captive, dont vous n’aviez même pas remarqué l’existence. Et maintenant, c’est moi-même, votre serviteur, que vous écoutez. M’aviez-vous déjà écouté auparavant ?

Naamân – Il ne manquerait plus que ça ! Que les Maître dussent écouter leurs serviteurs ! Tant que tu y es, pourquoi pas un syndicat d’esclaves ?

Serviteur – Et pourtant tu m’écoutes de plus belle …

Naamân (à l’assemblée)  – Le voilà maintenant qui me tutoie ! Le pire, c’est que je ne m’en offusque pas !

Serviteur  – … car tu commences à réaliser que l’important n’est pas le statut – ni la couleur de peau – de celui qui te parle. Tu ne t’en rends peut-être pas compte mais – en t’engageant sur cette voie, tu t’es déjà mis en route. Tu as quitté ton pays, ta famille, ta maison – tout comme Abraham, leur ancêtre.

Tu es l’un des leurs maintenant, fils d’Abraham, en marche vers le Jourdain, en marche vers une relation nouvelle avec Dieu. Comme lui, il te faut maintenant sortir de toi-même.

Ce prophète t’a déjà amené doucement à reconsidérer ta relation à l’autre, à désirer écouter ceux que tu réduisais auparavant à rien.

Que tu le veuilles ou non : ton chemin est déjà engagé.

Ce que Dieu attend de toi, ce n’est ni la fuite, ni une mise en scène pour faire plaisir à tout le monde, mais d’être à Son écoute, et à celle de tes proches.

Naamân – Mais que restera-t-il de moi, au final ? Si tout se joue malgré moi ?

Serviteur – Rien n’est joué.

Tu verras : tu crois que ton armure te protège, mais elle t’enferme. Elle te sépare de l’autre. Elle est l’image que tu préfères renvoyer, parce que tu te déconsidères. Loin d’être un refuge, ton armure est une prison. Elle est ton amour-propre, et te ferme à l’amour de l’autre. Décharge-toi d’elle … ça te fera du bien … Commence par ta cuirasse, puis ce sera au tour de ton char et de tes chevaux. Il t’appartient de troquer ton char contre la foi qui te portera – tes chevaux contre la grâce de Dieu qui t’entraînera : ce sera pour toi une libération. Tu poursuivras alors, d’un pas encore plus assuré, ce chemin qui t’ouvrira à une relation nouvelle à toi-même, à l’autre, et à Dieu.

Naamân (.à l’assemblée) – C’est qu’il parviendrait presque à me convaincre ! (au serviteur  ) – Mais dans cette relation nouvelle, pourquoi serait-ce à moi de faire le premier pas ?

Serviteur – Le premier pas – celui qui coûte – figure-toi que Dieu l’a déjà fait. Il t’attend. Sous l’eau du Jourdain. Il t’attend depuis si longtemps qu’il en suffoque à en mourir pour toi. Vas-y sans honte, sans armure ni crécelle, et tu vivras avec Lui.

Narrateur (Lecture de la suite du texte, 2 Rois 5, 14-15 ) :

Alors Naamân descendit au Jourdain et s’y plongea sept fois selon la parole de l’homme de Dieu. Sa chair devint comme la chair d’un petit garçon, il fut purifié. Il retourna avec toute sa suite vers l’homme de Dieu. Il entra, se tint devant lui et dit : « Maintenant, je sais qu’il n’y a pas de Dieu sur toute la terre si ce n’est en Israël.

Crédits : Daniel Schrumpf ( EPUdF), Point KT, Illustration Pixabay