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Lève-toi ! Prends ton grabat et marche !

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La parole de Jésus attire les foules, mais dans ce récit de l’Évangile, cette foule a quelque chose d’un peu étouffant. Jésus se trouve au centre de l’intérêt de ces gens, certes, mais aussi comme enfermé là au milieu. Personne d’autre ne peut plus s’approcher de lui. C’est en tous cas l’expérience que font le paralysé et ses amis. Ils voudraient bien rencontrer et entendre Jésus. Mais ils se heurtent à cette barrière qui semble infranchissable. Comment parviendront-ils jusqu’à Jésus ? Article de Nicole Vernet

Le texte de l’Evangile Marc 2, 1-12

1 Et il entra de nouveau dans Capharnaüm, quelques jours après, et on apprit qu’il était à la maison.
2 Et beaucoup de gens s’y assemblèrent, de sorte qu’il n’y avait plus de place, même près de la porte ;  et il leur annonçait la parole.
3 Et des gens viennent, lui amenant un paralytique porté par quatre personnes.
4 Et ne pouvant s’approcher de lui, à cause de la foule, ils ôtèrent le toit [du lieu] où il était ;  et l’ayant percé, ils descendent le brancard où le paralytique était couché.
5 Et Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : « [Mon] enfant, tes péchés sont pardonnés. »
6 Et il y avait là quelques-uns des scribes, assis et raisonnant dans leurs cœurs :
7 « Pourquoi celui-ci parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, sinon un [seul], Dieu ? »
8 Et aussitôt Jésus, connaissant dans son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, leur dit : « Pourquoi raisonnez-vous dans vos cœurs ?
9 Lequel est le plus facile, de dire au paralytique : « [Tes] péchés te sont pardonnés ou de dire : «  Lève-toi, prends ton brancard, et marche ? »
10 Pour que vous sachiez que le fils de l’homme a l’autorité sur la terre de pardonner les péchés, il dit au paralytique :
11 « À toi, je [te] dis, lève-toi, prends ton brancard, et va dans ta maison. »
12 Et il se leva aussitôt, et ayant pris son brancard, il sortit en présence de tous ;  de sorte qu’ils en furent tous étonnés et qu’ils glorifiaient Dieu, disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. »

Espace temps

Situer Capharnaüm sur une carte
Capharnaüm , en hébreu Kfar Nahum, le village de Nahum, est une ville de l’ancienne Galilée, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade au nord de l’État d’Israël. Son nom vient de l’hébreu Kfar (village) et Nahum (prophète).
C’est dans le N.T. que l’on trouve trace de Capharnaüm pour la première fois. Cette ville est abondamment citée dans les récits de l’évangile où elle est désignée comme le lieu où vécut Jésus de Nazareth (Mt 4/13, 8/5, 11/23, 17/24 ; Mc 1/21, 2/1, 9/33 et //) durant une grande partie de sa vie publique en Galilée. C’est notamment là qu’il enseigne, qu’il a guéri de nombreux malades et qu’il exorcise plusieurs personnes possédées par des démons. Lorsqu’il y guérit un paralytique, la foule se presse tant que pour faire passer le paralytique, ses amis ont percé un trou dans le toit.
Les apôtres Simon (appelé Pierre) et son frère André, Jacques et Jean fils de Zébédée, vécurent dans cette ville. Matthieu (Lévi, fils d’Alphée) y était percepteur d’impôts.
Aujourd’hui,ce mot est aussi utilisé pour qualifier un lieu qui renferme beaucoup d’objets entassés pêle-mêle, un endroit en désordre. L’explication de l’expression française, est probablement liée à la scène de la guérison du paralytique parce que dans la maison où était Jésus et le paralytique, il y avait une foule de personne, des gravats, un trou dans le toit… !
Autres textes
Ce miracle est raconté par les trois synoptiques (Matthieu 9 /1-8 ; Luc 5 /17-26).

Des témoignages archéologiques indiquent que Capharnaüm fut créée au début de la dynastie hasmonéenne de Judée, car les monnaies les plus anciennes retrouvées sur le site datent du IIe siècle avant J.C.. Elle était située près de la frontière de la province de Galilée, sur un embranchement de la route commerciale Via Maris. À l’époque du récit de l’Évangile, Capharnaüm comprenait un poste de douane et une petite garnison romaine commandée par un centurion.

Comme toutes les localités de ce type, elle était entourée d’un mur de pierres percé de portes. A l’intérieur les maisons étaient serrées les unes contre les autres le long de ruelles étroites. C’est ainsi qu’elles offraient le plus de protection contre les ardeurs du soleil et du vent du désert. A la différence des cités grecques et romaines, il n’y avait pas de planification dans cet urbanisme, qui eut fréquemment les traits d’un labyrinthe du fait des agrandissements et transformations continuelles. Un élément important en était le marché, à proximité de la porte (à l’intérieur ou à l’extérieur). Par ailleurs le puits où il fallait souvent puiser l’eau jusqu’à vingt mètres de profondeur, les citernes pour stocker l’eau des pluies d’hiver, faisaient partie de ce tableau, sans oublier jardins, champs, vignes …
Le village, gravement endommagé par un tremblement de terre en 746, fut reconstruit un peu plus loin au nord-est mais, par la suite, son déclin et finalement son abandon au cours du XIe siècle sont mal connus. Malgré l’importance de Capharnaüm dans la vie de Jésus, rien n’indique la moindre construction à l’époque des Croisés. Le site fut redécouvert en 1838 par Edward Robinson, un Américain spécialiste de géographie biblique. En 1866, le cartographe britannique Charles W. Wilson identifia les ruines de la synagogue et, en 1894, une partie de l’ancien site fut achetée par la Garde franciscaine de la Terre Sainte. Les principales fouilles franciscaines furent menées de 1968 à 1984. D’autres fouilles du site grec-orthodoxe voisin furent organisées de 1978 à 1982.

Être acteur

 

  • 1. Ce miracle est raconté par les trois synoptiques (Matthieu 9 /1-8 ; Luc 5 /17-26). Proposition : faire une lecture des autres textes et les comparer.
  • 2. Notez où et pourquoi la foule se rassemble. Qu’avait déjà accompli Jésus à Capharnaüm ?
  • 3. Quels faits nous montrent que Jésus était populaire ?
  • 4. Pourquoi et comment la prédication de Jésus est-elle interrompue ? Comment réagit-il à cette interruption ?
  • 5. À  votre avis, qu’espéraient les amis du paralytique ? Comparez avec ce que lui dit Jésus.
  • 6. Qui réagit à cette déclaration ? De quelle manière ? Pourquoi ? Cherchez les mots « scribes » et « blasphème » dans le glossaire. Selon la loi juive, le blasphème devait être puni de mort.
  • 7. Comment exprimeriez-vous dans vos propres mots ce que pensent les scribes ? Comment Jésus répond-il ? Quel est le but de la question de Jésus au verset 9 ? Comment lui répondriez-vous ? Pardonner les péchés ! Y a-t-il des signes visibles ?
  • 8. Pour les scribes, Dieu seul pardonne et il n’y a pas de pardon sans sacrifice au Temple ! Jésus n’ignore pas cela alors, n’est-il pas imprudemment provocateur, dès le début de son ministère chez Marc, en ignorant même le détour par le Temple ? Pourquoi ?
  • 9. Quel signe visible Jésus veut-il donner aux scribes en guérissant le paralytique ?
  • 10. Comment ce dernier exprime-t-il sa foi ? Quelles sont les diverses réactions devant cette guérison ? A qui les gens l’attribuent-elle ?

 

Contexte

Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Il se tenait dehors, dans les lieux déserts, et on venait à lui de toutes parts (Mc 1/45).
La cause ? Le manque de discrétion du lépreux pourtant invité par Jésus à la fois, à la discrétion et à aller se montrer au prêtre et à offrir le sacrifice de purification prévu par la loi de Moïse (Mc 1/40-45).
Dans cet épisode, Jésus est à nouveau à Capharnaüm, « à la maison ».
Tout au long du premier chapitre, aucune opposition ne s’est manifestée du côté des hommes à l’encontre de Jésus (Mc 1/24-28). A partir de ce passage nous voyons surgir et s’amplifier la critique et l’opposition aux paroles et aux actions de Jésus de la part des scribes et des pharisiens. C’est le début des controverses galiléennes.

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Clés de lecture

A la maison : La foule est massée à la porte d’une maison, certains pensent à la maison de Simon et André où Jésus se trouverait en quelque sorte chez lui (Mc1/29). Elle sert de base opérationnelle à Jésus au début de son ministère. C’est la même expression en Mc 3/20, 9/28 ; 1 Co 11/34, 14/35 (chez lui) : voir aussi Mc 2/15, 6/31 ; Mt 4/13. La bible TOB précise qu’en Mc 7/17 et 9/28, le sens serait plutôt dans une maison.

La foule (Français courant) : La parole de Jésus attire les foules, mais dans ce récit de l’Evangile, cette foule a quelque chose d’un peu étouffant. Jésus se trouve au centre de l’intérêt de ces gens, certes, mais aussi comme enfermé là au milieu. Personne d’autre ne peut plus s’approcher de lui. C’est en tous cas l’expérience que font le paralysé et ses amis. Ils voudraient bien rencontrer et entendre Jésus. Mais ils se heurtent à cette barrière qui semble infranchissable. La foule d’abord obstacle, sera ensuite témoin de l’événement.

Les amis du paralytique : Les versets 3 et 4 décrivent l’expédition des quatre hommes portant leur ami. En effet, par bonheur cet homme a quatre amis, leurs noms ne nous sont pas indiqués. Quatre amis qui veulent absolument sa guérison et qui ne manquent pas d’audace (heureusement !) : au lieu de repartir ou d’essayer d’écouter de loin et d’attraper quelques miettes, ils se trouvent un chemin rien que pour eux.

Leur obstination leur permet de forcer le passage et de franchir l’obstacle. Leur solidarité fait penser à la communauté chrétienne primitive, leur geste invite à ne pas traiter les malades comme des pécheurs et à s’occuper d’eux !

Comme ils ne pouvaient pas le lui présenter en raison de la foule, ils défirent le toit au-dessus de l’endroit où il se trouvait et, ayant creusé un trou, … : Le toit de la maison : les amis inventent de passer par le toit. Ils acceptent ainsi le risque de se mettre à dos le propriétaire de la maison et d’avoir à réparer ou payer les dégâts commis : ils pratiquent en effet une ouverture dans la terrasse de torchis qui couvre la maison et font descendre leur ami jusqu’à Jésus. Il faut préciser que le climat étant doux, pendant la majeure partie de l’année, la vie quotidienne se déroulait en plein air, dans les cours ou sur les toits plats des maisons. Le type habituel de la maison palestinienne était une construction en forme de dé, abritant une seule pièce avec des ouvertures rares et petites. Les fondements étaient constitués de pierres brutes calcaires sur lesquelles étaient posées des poutres. Le tout était couvert par un toit plat formé avec les mêmes matériaux. Un toit de maison ordinaire était fait de trois couches : d’abord des poutres en bois – cyprès ou parfois cèdre – reliées par un lacis de branchages et de joncs, sorte de clayonnage rembourré de paille, que venait recouvrir un couche d’argile soigneusement compactée avec un rouleau de pierre avant et après les premières pluies d’hiver. Le toit plat était accessible par une échelle ou un escalier extérieur, il permettait quelques fois la construction d’une réserve à provisions. Passer à travers ce genre de toit n’était pas trop difficile.

… ils firent descendre le grabat sur lequel gisait le paralytique. » (Marc 2 /4 NBS) : Attention, dans les traductions TOB, NBS et Bayard, de Luc 5 /19, le malade est descendu « à travers les tuiles » – comme s’il s’agissait d’une maison grecque ou romaine. C’est une description normale pour un citadin comme Luc, présumé originaire d’Antioche – mais les toits en tuiles étaient plutôt rares dans les villages au temps de Jésus.

Le grabat (version NBS) / brancard (version TOB, Bayard)/ lit (version Segond) / natte (Français courant) : Ce mot krabattos est aussi utilisé en Mc 6/55. Il désigne soit un lit de repos, soit un mauvais lit ;  il ne comporte pas nécessairement la nuance misérabiliste que suggère le mot français « grabat ». Dans l’évangile de Marc, il se distingue du mot klinè = lit,  utilisé en Mc 4/21, 7/30, et désigne une couche servant à transporter un malade, soit un brancard. Matthieu (Mt 9/2) et Luc (Lc 5/18) utilisent dans le texte parallèle le mot klinè, lit, et  klinidion, civière (Lc 5/19, 24).

Jésus, voyant leur foi : C’est le seul « épisode de l’évangile où la foi des autres est explicitement reconnue comme étant au bénéfice de quelqu’un. » (E. Cuvillier, L’évangile de Marc p. 53 cf. aussi de façon implicite Mc 7/24-30 et 9/14-29) C’est aussi la seule occasion où les évangiles nous disent que Jésus voit la foi. La foi – cette affaire privée et intérieure, nous a-t-on dit, est une chose qui se voit ! Ici, elle consiste à trouer le toit. La foi que Jésus reconnaît, n’est pas la recherche constante du miracle, recherche qui au contraire fait barrage à l’évangile dont l’homme a besoin.
Jésus parle de la foi du paralytique et de celle de ses quatre porteurs, car il s’exprime au pluriel. Le paralytique la manifeste en leur demandant ou en acceptant d’être conduit auprès de Jésus, et ses porteurs, en acceptant de le faire, allant jusqu’à découvrir le toit pour le descendre avec une corde. Ils auraient pu revenir le lendemain, eh bien non ! C’est une foi particulièrement ferme et persévérante, qui rend imaginatif et endurant. Ils n’ont pas dit un mot – du moins Matthieu, Marc et Luc n’en rapportent rien – et pourtant Jésus a vu leur foi – une foi qui n’a donc pas besoin de mots pour se faire connaître, mais qui s’est exprimée par un geste et un risque, une foi qui a montré clairement à quel point elle répondait à l’offre de Jésus. Ils ne disent rien, mais tout leur comportement est éloquent.
P. Bonnard écrit : « La foi n’est pas stricte acceptation ;  elle met en mouvement les hommes vers celui qui est d’abord venu vers eux » (L’Evangile selon Saint Matthieu, 1963, p. 124).

Jésus dit au paralytique : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés » : Chaque miracle de Jésus concerne l’homme total et s’attaque à la totalité du drame qu’il vit, comme malade et comme pécheur. C’est le pardon qui est d’abord annoncé. Jésus, qui lit dans les cœurs, sait de quoi ce malade a besoin. Le paralysé, est l’image du pauvre et de l’exclu, celui que beaucoup considéraient peut-être comme puni par Dieu à cause de son péché. On connaît en effet le lien étroit, de cause à effet, que le judaïsme de ce temps établissait entre le malheur, par exemple la maladie, et le péché commis. Cette conviction s’étalait déjà dans le discours des amis de Job, et les disciples de Jésus la partageaient – preuve en soit la question totalement stupide qu’ils ont posée un autre jour à Jésus à propos d’un aveugle de naissance : « Qui a péché, pour qu’il soit né aveugle ? Est-ce lui ou ses parents ? » (Jn 9 /2). Aujourd’hui encore beaucoup de gens croient à ce Dieu qui punit les fautes.

Le paralytique se retrouve maintenant au centre avec Jésus, dans une relation de cœur à cœur. La simple confiance d’un humain qui ne peut ignorer son handicap et ses limites, la simple confiance d’amis qui l’ont porté dans une solidarité active.
Les gens ne voyaient que sa maladie ; Jésus, lui, voyait la repentance et le désir de pardon de cet homme. Il lui annonce donc le pardon.
Et voici cet homme mis en présence de l’extraordinaire accueil de Jésus. De ces confiances partagées surgit alors une parole libératrice, qui enlève le poids de la culpabilité et du jugement, qui apaise et qui recrée, au-delà, au travers des blessures et des paralysies, un avenir possible.
C’est un peu fou. Et peut-être même un peu trop facile. De quels mérites peut-il se prévaloir pour une telle indulgence ? Oui, comment Jésus peut-il ainsi dire le pardon de Dieu sans condition, sans garantie ?

Et il y avait là quelques-uns, des scribes, assis et raisonnant dans leurs cœurs : Les scribes étaient des spécialistes de l’étude de la Loi et étaient chargés non seulement d’établir des copies conformes de la Loi, mais surtout d’en être les interprètes autorisés, conformément à la tradition des anciens (Mt 23/2), pour en appliquer les prescriptions aux multiples situations de la vie courante (Mc 2/6 ; 3/22 ; Mt 2/4 ; 17/10). La lecture de la Torah étant le fondement du judaïsme post-exilique, on comprend qu’ils aient joui dès cette époque d’un important prestige. Issus de toutes les couches de la société, prêtres et plus encore laïcs, Ils jouissaient d’un grand prestige auprès du peuple, et aimaient à se faire appeler Maître ou Rabbi (= litt. «mon maître»), d’où rabbin en français (Mt 23/7-8). Les scribes constituaient des corporations bien organisées, souvent d’obédience pharisienne. Leurs disciples se formaient aux côtés d’un rabbi plus âgé dont ils partageaient la vie avant d’être ordonnés ; la jeunesse accourait du monde entier à Jérusalem pour s’asseoir au pied des maîtres – ainsi Paul auprès de Gamaliel (Ac 22/3 ; cf. 5/34). A côté de leurs fonctions théologiques, les scribes pratiquaient tous un métier manuel.
Dans les évangiles, l’opposition des scribes à Jésus était inéluctable puisqu’il n’a pas, selon eux, acquis le savoir livresque nécessaire. Jésus ne reçut sans doute pas une formation de scribe, même si ses disciples l’appelèrent souvent Rabbi (Mt 26/25, 49 ; Mc 9/5 ; 10/51 ; 11/21 ; 14/45 ; Jn 1/38, 49 ; 3/2 ; 4/31 ; 6/25 ; 9/2 ; 18/8 ; 20/16). Pourtant, il enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes (Mc 1/22.27 ; cf. Mt 7/29). Son succès auprès des foules suscita l’hostilité des scribes (Mc 2/16 ; 3/22 ; Lc 5/21) qui cherchèrent par tous les moyens à le faire mourir (Mc 14/1, 55 ; 15/1, 31 ; Lc 19/47 ; 22/2). C’est surtout l’évangile de Marc qui met en avant leur hostilité.

Leur protestation est ici silencieuse, elle n’est pas exprimée publiquement, mais reste dans leurs cœurs. Cette parole de Jésus qui accorde le pardon est blasphématoire aux yeux des scribes. Il s’arroge une autorité qu’eux réservent à Dieu, dans la ligne de textes scripturaires qui lui attribuent ce pouvoir (Ex. 34/17 ; Es. 43/25, 44/22). L’accusation est grave, puisque le blasphème servira de motif lors de la Passion pour juger Jésus « passible de mort » (Mc 14/64). Elle est cependant tempérée par le fait qu‘elle n’est pas rendue publique.
 » Pourquoi celui-ci parle-t-il ainsi ? Il blasphème : Les juifs contemporains de Jésus considéraient comme blasphème toute parole jugée insultante pour l’honneur de Dieu. En s’appuyant sur l’ Ancien Testament (Lv 24, 11-16), ils réclamaient la peine de mort contre le blasphémateur. Jésus a été accusé de blasphémer et condamné à mort  pour cela (Mc 14, 62-64). »
Qui peut pardonner les péchés, sinon  [seul], Dieu ?  » : Alors un tournant se produit au milieu du récit : parmi les témoins et les auditeurs de Jésus, tous en effet ne sont pas disposés à entendre la parole du monde nouveau de Dieu. En contestant à Jésus le droit de prononcer lui-même une parole de pardon, les scribes présents montrent qu’ils ne sont pas encore prêts eux-mêmes à « changer de mentalité », comme Jésus y invitait ses auditeurs dès ses premières interventions en public. Ces gens prétendent détenir une sorte de monopole religieux et rejettent tout ce qui n’entre pas strictement dans le cadre de leur tradition. Selon eux, quand Jésus prend sur lui de déclarer le pardon, il usurpe ce qui n’appartient qu’à Dieu, il fait donc injure à Dieu. Telle est la réflexion de ces gens, convaincus d’avoir à défendre l’honneur de Dieu – comme si Dieu n’était pas capable de défendre lui-même son honneur et sa vérité !

« Il blasphème » disent ces docteurs de la loi, comme les appelle Luc peut-être venus des localités de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem. On parlait en effet de lui jusqu’à Jérusalem. Son activité s’ébruitait et inquiétait l’élite religieuse. Possible qu’on ait envoyé une délégation à Capharnaüm pour aller voir et écouter, pour épier ce prédicateur que la foule acclamait comme un grand prophète, voire comme le Messie.
Les élites religieuses ont probablement perçu la puissance réformatrice de la Parole de Jésus, mais en même temps elles ont eu peur de ce que cette parole pouvait signifier pour leur théologie et leur pouvoir !
Remarque : Nous ne savons pas exactement la raison de leur présence dans la maison mais Marc précise leur position assise, une posture de notables !

Et aussitôt Jésus connaissant dans son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, leur dit :  Pourquoi raisonnez-vous dans vos cœurs ? Lequel est le plus facile, de dire au paralytique  : ‘[Tes] péchés te sont pardonnés ou de dire :  Lève-toi, prends ton brancard, et marche ? La formule en son esprit signifie sans doute intérieurement, sans qu’il faille penser ici à l’Esprit Saint. Elle caractérise une connaissance spirituelle que Jésus partage comme prophète de Dieu, celui-ci étant présenté dans l’Ancien Testament comme celui qui connaît les cœurs. Notons que, de la même manière, que Jésus voit la foi des porteurs, il entend ce que les scribes cachent dans leur cœur

Jésus, contrairement à ce qu’enseignaient les scribes, veut dire que le pardon des péchés n’est pas la chasse gardée de Dieu au ciel. C’est sur la terre aussi que ce pardon peut être prononcé et donné. Dans le Règne de Dieu ici-bas, les hommes et les femmes ont le pouvoir et la liberté de prononcer ces paroles du pardon. Et ce pardon est aussi complet, aussi vrai, aussi sérieux que celui que Dieu accorde au ciel. A ses disciples Jésus n’a-t-il pas dit un autre jour : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel » (Mt 18/18) ? Nous rejoignons ici  la prière que Jésus nous a enseignée,Mt 6/14 et Lc 11/4.
Ambassadeur du Règne de Dieu Jésus est aussi le premier citoyen de ce monde nouveau.

Pour que vous sachiez que le fils de l’homme a l’autorité sur la terre de pardonner les péchés, il dit au paralytique :  À toi, je [te] dis, lève-toi, prends ton brancard, et va dans ta maison. Dans l’Ancien Testament, le fils de l’homme peut être le juge céleste de la fin des temps (Dn 7, 13). Dans les évangiles, c’est Jésus seulement qui utilise cette expression, il s’identifie au Fils de l Homme (Mc 8/38 ; Mt 24, 30). Ce titre est abondamment utilisé par Jésus dans les annonces de la Passion (Mc 8, 31-33; 9, 30-32, 10, 33-34 ss). Dans certains cas, cette expression peut être interprétée dans son sens banald’être humain par opposition à Dieu (Mc 2, 7-10), ou aux animaux (Mt 8, 20 ; en Mt 11, 18ss ) ; on peut éventuellement comprendre au sens de quelqu un.

La parole de Jésus n’est pas une parole vide, et il va le montrer en prononçant la parole la plus difficile à dire : « Lève-toi, prends ton brancard et marche. »
Pourtant, avant de faire cette déclaration, il rappelle le but qu’il vise : « Vous devez savoir, dit-il en substance, que le Fils de l’homme a le pouvoir – on pourrait aussi traduire le droit, la liberté – de pardonner les péchés sur la terre » (Marc 2 /10 ;  Luc 5 /24).
 Mais qui est ce Fils de l’Homme ?

Pourquoi Jésus ne dit-il pas simplement : « J’ai le pouvoir, la liberté, le droit de pardonner les péchés sur la terre » ? Partout ailleurs dans les évangiles ce titre mystérieux, que Jésus est d’ailleurs (à une exception près, Jn 12/34) le seul à employer, le désigne lui-même, semble-t-il. Mais ici, comme en deux ou trois autres passages de nos évangiles, on peut se demander si cette étrange expression empruntée au Premier Testament ne désigne pas aussi tout individu de cette humanité nouvelle que Jésus est venu susciter en proclamant l’avènement du monde nouveau de Dieu et en invitant à y entrer par un changement complet de mentalité.
Jésus, Fils de l’Homme par excellence. Il a donc au premier chef ce pouvoir, cette liberté, ce droit de prononcer la parole du pardon. Et il en use.
Et puisque ce droit lui est contesté, il va donc faire la preuve de ce qu’il dit : il va prononcer la parole difficile, montrant que « Qui peut le plus peut le moins ! » Cette fois-ci le paralysé reçoit l’ordre de se lever, de prendre son brancard et de rentrer chez lui. Maintenant le temps du débat est dépassé, on passe au concret, aux choses de la vie.

Jésus devina leurs pensées et leur dit : « Pourquoi avez vous de telles pensées ? Est-il plus facile de dire  : « Tes péchés te sont pardonnés » ou de dire : « Lève-toi et marche » ? Mais je veux que vous le sachiez : le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de pardonner les péchés. » Alors il adressa ces mots au paralysé : « Je te le dis, lève-toi, prends ta civière et rentre chez toi ! » Tout le monde peut voir si le paralysé marche, mais personne ne peut savoir si ses péchés sont vraiment pardonnés. Cette question doit favoriser le discernement. Son sérieux et sa gravité sont évidents si on se réfère à Dt 18/21-22 qui propose l’accomplissement de la parole prononcée comme critère pour distinguer le vrai du faux prophète. D’autant plus que le prophète qui prononce une parole non ordonnée par Dieu doit mourir (Dt 18/20)

 « Prends ton lit et marche ! » Cela nous paraît encore plus difficile à dire, car cette parole-là ne peut rester en l’air. Elle doit être suivie d’effets concrets, visibles de toutes et de tous. Mais Jésus semble considérer que c’est encore plus difficile d’affirmer le pardon, de le communiquer vraiment et de le recevoir. En effet, que de résistances ce pardon doit franchir avant d’atteindre le fond de l’être, avant de remettre debout en nous et en l’autre ce qui est blessé, brisé, paralysé par la souffrance, par la violence, par l’injustice ou l’incompréhension ou encore par les conflits non résolus parfois hérités des générations qui nous ont précédés. Que de chemin à parcourir pour que la peur soit vaincue par la confiance, pour que le soupçon soit remplacé par des relations constructives.
« Prends ton lit et marche ! » Si Jésus a pu se risquer à cette parole, c’est probablement qu’il a vu dans le regard du paralysé que sa parole de pardon l’avait atteint au cœur et que dès lors, ce qui se redresse en lui peut être signifié pour la communauté rassemblée par la guérison de son corps.

Aussitôt, l’homme se leva devant tout le monde, prit sa civière sur laquelle il avait été couché et s’en alla chez lui en louant Dieu. Tous furent frappés d’étonnement. Ils louaient Dieu, remplis de crainte, et se disaient : « Nous avons vu aujourd’hui des choses extraordinaires ! »

Et voilà le paralytique qui se remet en marche et que le cercle s’ouvre pour le laisser passer. Il rentre chez lui plein de reconnaissance. Toutes celles et tous ceux qui sont là sont aussi touchés par le pardon attesté par cet homme debout, en marche. La suspicion et le jugement ont été désamorcés. C’est peut-être le plus grand miracle de cette histoire et c’est cela qui leur fait dire : « Nous avons vu aujourd’hui des choses merveilleuses ».

 Aujourd’hui – Que représente pour nous la paralysie ? Qui est paralysé ?

Cette histoire devait déjà parler aux premiers destinataires de l’Evangile. En particulier à celles et à ceux qui n’étaient pas d’origine juive et qui découvraient le message de Jésus. Ils pouvaient se reconnaître dans ce paralysé et ses amis empêchés de s’approcher de Jésus par cette foule formée en partie de gardiens de la loi et de défenseurs de la vérité qui les considéraient comme des païens. Eux aussi ont dû faire preuve d’audace face à ceux qui voulaient qu’ils deviennent comme eux, se fassent circoncire et se soumettent ainsi d’abord à une loi qui leur était étrangère.

Le chemin qu’ils ont osé prendre, c’est celui de la foi : croire qu’ils pouvaient compter sur la seule grâce de Dieu et que Jésus les accueillait vraiment sans condition. Cette conviction a entraîné les apôtres et les premières communautés chrétiennes à faire des découvertes nouvelles sur la portée du message de Jésus.

Avons-nous bien compris : Mon enfant, tes péchés sont pardonnés ?

II jette nos péchés loin de lui, au fond de la mer (Michée 7 /19), et les oublie entièrement, pour ne plus jamais nous les imputer (Esaïe 43 /25). Ils sont aussi loin du pécheur que l’Est de l’Ouest (Psaume 103 /11.12). Mon enfant, tes péchés sont pardonnés – on pourrait traduire aussi : tes péchés sont écartés, ou évacués ou remis. Désormais ils ne comptent plus, on en a fini avec eux, on n’en parle plus, on tourne la page.
C’est là le plus grand don que Dieu puisse faire aux hommes. Tes manquements, tes fautes particulières, tout cela est écarté, privé désormais du pouvoir de te nuire. As-tu bien compris ? On n’en parle plus ! Dieu écarte tout cela d’un revers de main et ne permettra plus qu’on t’en fasse le reproche. Tes péchés du passé sont jetés à la poubelle. Maintenant c’est le Règne de Dieu qui est là pour toi. Tu peux y entrer sur tes deux jambes et y commencer une vie toute nouvelle.

Une parole libre pour un peuple en marche !

Pour le paralysé, c’est une vie nouvelle qui commence. La page est vraiment tournée. Celui dont Jésus libère ainsi le corps en même temps que le cœur se trouve à présent devant une page blanche, où il va pouvoir écrire une vie neuve et libre. En se levant, comme Jésus le lui demande, le paralysé commence cette vie nouvelle tout de suite. Son premier pas le fait entrer sans plus attendre dans le monde nouveau de Dieu. La parole de Jésus a pour effet de remettre l’homme debout.

…lève-toi, prends ton brancard, et va dans ta maison.  Et il se leva aussitôt, et ayant pris son brancard, il sortit en présence de tous

Qu’évoque pour nous l’image de cet homme qui roule son brancard et repart avec ? Il ne renie pas son passé, mais il se le met sous le bras, et il peut ainsi repartir, vers une vie nouvelle, d’un bon pas. Il n’a rien abandonné, mais il fait en sorte que cela ne l’encombre pas ! Peut-être sommes-nous parfois un peu, les uns ou les autres, ensemble ou séparément, comme ce paralytique, avant le trou dans le toit ! Peut-être sommes nous courbés, couchés, écrasés par nos soucis, nos incertitudes, nos impuissances ! Cela ne nous empêche pas d’avoir la foi, mais peut-être ce sont les porteurs qui nous manquent  pour nous donner les ailes nécessaires pour accéder à la guérison ! (Extrait d’une prédication de Marie-Odile Miquel).
Le miracle n’est pas seulement de pouvoir marcher, mais de pouvoir retourner indépendant, portant et non plus porté! Notre homme est guérit, debout, il prend sa vie en main. Voilà ce que Dieu peut faire pour chacun. Voilà aussi ce que des amis peuvent faire : ouvrir une brèche dans le mur de nos impossibilités !

Jésus voyant leur foi

Jésus reconnaît cette foi, en voyant ce grabat qui descend du toit, vers lui ! Il ne s’agit pas d’abord, de la foi du malade, il ne s’agit pas de la foi de tel ou tel porteur. Il nous est dit : « voyant leur foi ». C’est bien la foi de ce groupe-là, en tant que groupe justement, en tant que « mini Eglise », qui impressionne Jésus. Cinq hommes : quatre porteurs et un paralytique ! Dans l’Eglise, tout accablement aussi paralysant soit-il peut-être balayé par l’action conjointe de la foi de quelques-uns et de la réponse bénissante, libératrice et guérissante de Jésus !
Si nous choisissons ce modèle d’Eglise, qui correspond à nos forces limitées, il ne nous reste plus qu’à nous lever, à charger notre grabat, à escalader le toit s’il le faut, ou à faire preuve de toute autre audace insufflée par le désir d’avancer, et par la conviction que la réussite est au bout ! Pour la seule gloire de Dieu ! Alors, ne paralysons pas notre énergie par un étouffement sous le poids des regrets et des nostalgies du passé ! Mais allons de l’avant avec la foi qui soulève ou qui transperce, qui déplace ou qui transporte ! Cette foi qui, si nous le voulons peut faire toute chose nouvelle ! (Extrait d’une prédication de Marie-Odile Miquel).
Image
     Evangéliaire d’Echternach (vers 1050) – enluminures : miracles et guérisons
Guérison d’un paralytique ( Lc 5,17-26) et guérison de la belle-mère de Simon ( Lc 4, 38-41)
Deux animations possibles pour les 8 – 12 ans 
    1. Un bricolage : Le paralysé porté par quatre amis
    2.  Animation tiré du dossier SED « Jésus en question »

Après avoir raconté le récit de Marc 2, 1-12 :

  • Fabriquer une maison palestinienne de 30 à 40 cm de côté et autant de hauteur.
  • Chacun dessine un brancard sur un papier d’environ 5 cm sur 10 cm et y inscrit quelque chose qui lui fait peur, qui lui pèse, qui le bloque et le paralyse.
  • La maison est posée par terre, les enfants et catéchètes sont assis en cercle tout autour, chacun a son « brancard » à la main. On peut poser la maison sur la table ou le tabouret qui tient lieu d’autel et s’asseoir en demi-cercle, si on a l’habitude de vivre ainsi un temps liturgique. Une bougie allumée peut-être posée à côté de la maison.
  • Puis, on ouvre le toit : il ne faut pas avoir peur de l’abîmer, les amis du paralysé l’ont bien fait…
  • Un enfant sur deux se lève, et pendant que tous chantent (exemple : Cherchez d’abord le Royaume de Dieu),  les enfants qui sont debout vont chercher un enfant assis, de leur choix, pour le conduire à la maison afin qu’il jette son brancard dans la maison par le trou aménagé sur le toit.
  • Ensuite on inverse les rôles : les enfants assis sont debout…
  • Quand toutes les paralysies sont jetées dans la maison, donc déposées aux pieds de Jésus, on chante un « Alleluia » ou « Gloire à Dieu ».

Credit Nicole Vernet – Point KT