Point KT

Petit conte théologique et écologique sur la Création

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Image  Il y a quelques jours, tandis que je méditais à propos de la création en vue d’une prédication, je me suis endormie, sur mon bureau. Le sommeil s’étant soudain emparé de moi, je ne tardais pas à entrer dans un drôle de rêve…

Je me retrouvais, tout à coup, dans une immense salle toute molletonnée qui ressemblait un peu à un grand tribunal.
A l’intérieur de cette salle, régnait une étrange agitation – je devrais plutôt dire une « sainte » agitation : il y avait des tas d’anges un peu partout, en grandes tenues, les ailes bien repassées, des archanges aussi, toute une ribambelle de témoins et d’apôtres que je reconnaissais à leur air béat, et puis aussi, ici ou là, quelques diablotins qui s’en donnaient à coeur joie pour mettre un peu plus la pagaille.

A l’intérieur de cette salle, régnait une étrange agitation – je devrais plutôt dire une « sainte » agitation : il y avait des tas d’anges un peu partout, en grandes tenues, les ailes bien repassées, des archanges aussi, toute une ribambelle de témoins et d’apôtres que je reconnaissais à leur air béat, et puis aussi, ici ou là, quelques diablotins qui s’en donnaient à coeur joie pour mettre un peu plus la pagaille.

Tout à coup, on entendit le lourd marteau du juge retomber sur sa table, faisant un bruit sec et puissant, plusieurs coups jusqu’à ce que le silence s’impose. Le juge, qui était un vieil ange très sage et reconnu, se leva et dit :  » Accusé, levez-vous ! ».
On vit alors un petit bonhomme rondouillard et chevelu se lever de sa chaise, derrière le banc des accusés.
– Votre nom ? – Dieu
– Prénom ? – Le Père
– Profession ?
– Créateur et sauveur
– Domicile ?
– Où bon me semble…
– Vous pouvez vous rasseoir ! Nous allons procéder maintenant à l’audition des faits qui vous sont reprochés.

– Je demande à l’accusation de bien vouloir s’avancer.

Un petit ange rabougri, au teint rougeâtre et aux doigts un peu crochus se présenta devant le juge. Il portait un chapeau et ses ailes, qui étaient déjà d’un blanc douteux, perdaient beaucoup de plumes.
II prit la parole et dit :  » Après avoir soigneusement écouté et recueilli les très nombreuses plaintes émanant de la terre, nous avons retenu les suivantes : votre création, Seigneur, montre un certain nombre de défauts et d’irrégularités qui sont à l’origine de multiples maux sur la terre. L’air que vous avez créé est pollué, aussi de nombreux hommes et femmes se plaignent-ils de bronchites, d’asthmes et de cancers. La couche d’ozone étant trouée, les rayons du soleil sont devenus dangereux. Certaines espèces que vous aviez créées sont en train de disparaître et l’on ne trouve pas les pièces de rechange pour réguler l’écosystème. Les forêts ont une fâcheuse tendance à rapetisser, il semble qu’elles soient touchées par un parasite très puissant appelé « béton ». Les vaches et d’autres animaux sont devenus fous. « 

 

On fit alors venir toutes sortes de témoins et de pièces à conviction une femme avec un bébé qui toussait, une vache complètement folle dingue qui se prenait pour un mouton, un indien d’Amazonie qui disait avoir perdu sa forêt, des morceaux de béton et de plastique… Le défilé était accablant.
L’accusateur, profitant de la consternation générale, reprit la parole : « Oui vraiment, Monsieur le Créateur, qu’avez-vous à dire à tout cela ? ».
II y eu un grand silence dans la salle et tous les regards se tournèrent alors vers Dieu.
Celui-ci se leva et dit :
« – Au commencement, lorsque j’ai créé le ciel et la terre, il n’y avait rien, aucune vie possible dans ce chaos originel : ni air, ni terre, ni mer, ni eau,..
Certains d’entre vous doivent encore s’en souvenir. Au commencement, lorsque j’ai créé, je n’ai eu qu’un seul souci : la vie. Oui, je voulais que la vie puisse naître et s’épanouir sur cette planète, la vie végétale et la vie animale bien sûr, mais surtout la vie humaine. C’est pourquoi, j’ai créé l’air, l’eau, le ciel et la mer, la terre et puis les arbres. J’ai créé les espèces pour qu’il y ait de tout sur cette terre, pour que la vie ne soit pas ennuyeuse mais variée, colorée, pleine de surprise, pour qu’elle se renouvelle et se régénère.
 
Et puis, quand tout cela a commencé à ressembler à quelque chose, à quelque chose de bon, j’ai créé l’homme. Je l’ai créé à mon image, pour qu’il soit mon vis à vis dans la création, pour qu’à ma suite il crée, mette de l’ordre, fabrique et transforme le monde. Je lui ai donné du jugement pour qu’il soit capable de reconnaître ce qui est bon de ce qui ne l’est pas. Et puis je l’ai laissé libre d’administrer ma création comme bon lui semblerait. Aujourd’hui, je dois bien reconnaître que cette liberté a un prix, et les hommes oublient bien souvent de me rendre des comptes. »
 
A ce moment là, je vis l’ange accusateur trépigner sur son siège, devenant de plus en plus rouge. D’un bond, il se redressa, agitant son doigt accusateur.

-« Et voilà, nous y revoilà, c’est toujours la même chose. Combien de fois ne vous ai-je pas dit de ne pas faire confiance à vos créatures. Ce ne sont que des créatures, bon Dieu ! Hommes, femmes, cochons, moustiques… Des créatures… Comment pouvez-vous leur faire confiance ? Ils vont finir par tout détruire, les hommes. Ils passent leur temps à se plaindre mais en réalité ce sont eux qui sont responsables des dégâts. Et vous, oui VOUS, vous êtes coupables de leur faire confiance. Ce n’est pas la première fois, on vous l’avait déjà dit lorsque vous avez envoyé votre Fils au casse-pipe… »
De nouveau, les regards convergèrent vers le Seigneur. Qu’allait-il répondre à une telle accusation ?
II y eut d’abord un grand silence. Dieu ne dit rien. Puis il se leva, vint au milieu de la salle dont le sol était fait de nuages agglomérés, et il commença à creuser dans les nuages. II fit un trou, puis il appela les jurés pour qu’ils se penchent au dessus.

 
Le trou qu’il avait creusé permettait de voir un jardin sur la terre, quelque part en Amérique du Sud, II y avait là un petit garçon en train de planter un arbre dans la terre, soigneusement, avec ses mains. Quand il eut fini, il remplît un seau d’eau et arrosa son arbre.
Et il resta planté à côté de lui, émerveillé et fier. Ce fut un grand moment d’émotion dans le tribunal.

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Alors Dieu reprit la parole et dit :
– » Oui, je plaide coupable ! Car chaque fois que je vois un enfant planter un arbre, ou des hommes et des femmes prendre soin de la création, chaque fois que je les entends rendre grâce pour cette terre sur laquelle ils vivent, je me dis que j’ai raison d’avoir confiance et d’aimer l’humanité. »
II y eut d’abord quelques timides applaudissements, puis des hourras, et rapidement l’enthousiasme gagna tout le tribunal. L’accusateur profita de cet instant de liesse générale pour filer à l’anglaise.
C’est alors seulement, que je vis dépasser sous sa robe d’ange jaunie, un petit bout de queue toute noire et velue…
 
Caroline BAUBÉROT EELF, Noisy le Grand
PointKT octobre novembre décembre 1998 N° 24

 

La mort de Jésus selon Luc

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Analyse historique : Comment je peux tenir compte, dans ma lecture du texte biblique, de l’événement historique et, toujours du point de vue historique, de la situation de l’auteur et des destinataires du texte. Exemple avec la mort de Jésus. 

Les héritiers de Paul racontent la mort de Jésus

La mort de Jésus de Nazareth est, sans aucun doute, un fait historique. Il fut crucifié sous l’autorité du gouverneur romain Ponce Pilate. Néanmoins l’époque, plus tardive, où l’évangéliste Luc a rédigé son récit influence également le texte biblique.

L’évangile de Luc est issu des milieux pauliniens. Cette analyse historique tient compte de deux niveaux :
– celui de l’époque où l’évangéliste a rédigé son texte.

– celui des évènements racontés.

Situation historique au temps de Luc

En 70 de notre ère, les troupes romaines achèvent de mater la révolte des juifs déclenchée en 66. Ils prennent Jérusalem et détruisent le Temple. Pour le judaïsme, centré sur la vie autour du lieu saint, c’est une catastrophe. Les Romains autorisent des pharisiens à ouvrir une école théologique pour reconstruire le judaïsme, évitant ainsi sa disparition. Mais les groupes dissidents, à commencer par les disciples de Jean-Baptiste et les chrétiens, ont dû quitter les synagogues.

 

Les communautés issues de la prédication de l’apôtre Paul sont déjà en marge du judaïsme. Elles veulent affirmer leur légitimité et prouver que le ministère de Jésus et des disciples s’enracine dans la tradition biblique d’Israël, c’est-à-dire l’Ancien Testament dans sa version grecque {yootooltip title=[(Septante)]}Lorsque Luc rédige son évangile, le grec est la langue de la culture et du commerce. L´Écriture sainte des juifs étant composée à l´origine en hébreu, il fallait la traduire en grec pour permettre à un maximum de personnes de la comprendre. Elle est nommée « Septante » car selon une légende, soixante douze savants (6 par tribus de l´ancien Israël) auraient mis soixante douze jours à faire cette traduction et seraient arrivés à un texte unanime. Les versions grecque et hébraïque divergent parfois. Luc, comme l´apôtre Paul avant lui, se basent sur la version grecque.{/yootooltip}  Largement ouvertes aux non-juifs, elles demandent aux juifs de choisir entre la synagogue, dominée par les pharisiens, et le christianisme naissant.
 
  

Le plan du texte

Le découpage peut se faire d’après les trois paroles de Jésus.
1. Jésus est mis sur la croix
Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font.
2 Deux malfaiteurs parlent à Jésus
En vérité je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.
3. Jésus meurt
Père, je remets ma vie entre tes mains.

 La dernière parole de Jésus s’adresse à Dieu en lui disant « Père  » exactement comme lors de sa première parole (Luc 2, 49).

Jésus est cloué sur une croix

 

Luc 23, 33 à 49
(traduction en français fondamental)
Eléments historiques relatifs à l’époque où Jésus est crucifié
Ils arrivent à l’endroit appelé « le crâne ». Là, les soldats clouent Jésus sur une croix. lis clouent aussi les deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Jésus dit : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Les soldats tirent au sort pour savoir qui aura ses vêtements. Puis, ils les partagent entre eux. Le peuple est là et il regarde. Croix
Instrument de supplice cruel
car le condamné meurt lentement
d’asphyxie.
Seuls les Romains crucifient.
Jésus a été condamné par les Romains.
Les chefs des juifs se moquent de Jésus en disant : « Il a sauvé les autres. Eh bien, il n’a qu’à se sauver lui-même, s’il est vrai¬ment le Messie, celui que Dieu a choisi ! » Les soldats aussi se moquent de Jésus. Ils s’approchent de lui et lui offrent du vinaigre en disant : « Si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même ! » Au-dessus de Jésus, on a mis une pancarte avec ces mots : « C’est le roi des juifs. » Pancarte
L’inscription INRI figurant sur la
représentation de la croix s’inspire de l’évangile de Jean :
Iesus Nazarenus Rex Iudaecrum
(Jésus de Nazareth Roi des juifs).
Elle désigne une condamnation
plus politique que religieuse.

 

 

Deux malfaiteurs parlent à Jésus

 

Un des bandits cloués sur une croix insulte Jésus en disant : « Tu dis que tu es le Messie. Alors sauve-toi toi-même et sauve-nous aussi! » Mais le deuxième bandit fait des repro¬ches au premier en lui disant : « Tu es condamné à mort comme cet homme, et tu ne respectes même pas Dieu. Pour toi et moi, la punition est juste. Oui, nous l’avons bien méri¬tée, mais lui, il n’a rien fait de mal ! » Ensuite il dit à Jésus « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi. » Jésus lui répond: « Je te le dis, c’est la vérité: aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. »   Bandits
Les romains 
crucifient souvent
beaucoup de personnes en même
temps.

 

Jésus meurt

 

Quand il est presque midi, le soleil s’arrête de briller. Dans tout le pays, il fait nuit jusqu’à trois heures de l’après-midi. Le rideau qui est dans le Temple se déchire au milieu, en deux morceaux. Jésus pousse un grand cri, il dit : « Père, je remets ma vie dans tes mains. » Et après qu’il a dit cela, il meurt. L’officier romain voit ce qui est arrivé, et il dit : « Gloire à Dieu ! Vraiment, cet homme était un juste ! » Beaucoup de gens sont venus pour voir ce spectacle. Ils voient ce qui est arrivé. Alors, tous rentrent chez eux; pleins de tristesse. Tous les amis de Jésus et les femmes qui l’ont accompagné depuis la Galilée se tiennent assez loin. lis regardent ce qui se passe.   Rideau
Il isole le Saint des Saints. Seul le grand prêtre a le droit d’y pénétrer une fois par an. Lorsque Luc écrit, le Temple est détruit, mais Pour lui ceci n’est pas une catastrophe :
depuis la mort de Jésus, le bâtiment sacré n’est plus nécessaire pour vivre avec Dieu.

 

 

Influence d’une situation historique

 

Les problèmes des lecteurs de Luc : comment le crucifié peut-il être Dieu ?
Pour expliquer l’échec terrestre du ministère de Jésus, le rédacteur de l’évangile de Luc, issu de ces milieux, présente Jésus en martyr injustement condamné comme le fut jadis le serviteur souffrant décrit par le prophète Ésaïe.

Dans chaque partie, l’évangéliste place un témoignage prouvant le martyr injuste de Jésus. II prend soin de montrer qu’il existe des païens hostiles (v. 36-37, 1e partie) et des païens ouverts (v. 47, 3e partie). Les chefs méprisent Jésus et le peuple reste à convaincre (v. 35c, 1e partie). Le peuple pourrait se montrer favorable à Jésus et les amis du Seigneur le suivent jusqu’au bout (v. 48 et 49, 3e partie).

La seconde partie du texte biblique présente clairement le dilemme :
– soit se moquer de la croix comme les personnages de la première partie et le premier bandit.

– soit reconnaître le Christ comme les personnages de la seconde partie et le second bandit.

Pour les lecteurs de Luc, c’est l’heure du choix

Partie 1   

Les soldats tirent au sort
Le peuple regarde : respect
La victime de l’injustice pardonne

CHOIX
Rire de la folie de la croix ou se convertir ? 
Indétermination: indiférence des soldats et respect, sans plus, du peuple
Partie 2

Les soldats se moquent
Dérision d’un des brigands
Reproche du deuxième brigand
La victime de l’injustice reconnue par le témoignage des brigands
Demande du brigand à Jésus
La conversion entraîne l’entrée immédiate 
dans le Royaume

CHOIX
Rire de la folie de la croix ou se convertir ?    
Moitié/moitié : un brigant se convertit l’autre non.

Partie 3

Les éléments cosmiques se manifestent
Le temple connaît un ébranlement
La victime de l’injustice reconnue par le témoignage de l’autorité
L’officier païen s’ouvre au message de Jésus(contrairement aux soldats)

CHOIX
Rire de la folie de la croix ou se convertir ?  
Le choix est clair : les éléments cosmiques et l’autorité choisissent la conversion.  

Dossier préparé par Claude Demissy et Évelyne Schaller / PointKT n° 45 mars-avril-mai 2004

Introduction à la théologie de la création

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Cet article n’a pas la prétention  de présenter toute la théologie de la création.

Il s’agit plutôt d’un inventaire des textes bibliques sur lesquels s’est construite cette théologie et d’une présentation de ses principaux concepts.

I) LES RÉCITS DE LA CRÉATION

 

1. Les deux premiers récits de création
Les premiers chapitres de la Genèse présentent deux récits de la création.
Dans le récit de Genèse 1, le cadre cosmique est créé avec en son centre la création de l’homme. Il s’agit d’une vision apaisée de la création où les combats divins sont absents. La création se fait par la parole. Dieu dit et les choses se font. Dieu ne crée pas à partir de rien mais à partir d’un tohu-bohu. Il sépare lumière et ténèbres, les eaux d’en haut et les eaux d’en bas. La création se fait par la séparation. Les trois premiers jours, il crée un ordre contre le chaos, ordre qui garantit la vie. Les rois autres jours, il crée l’homme et le vivant.
La création est bien différente de Dieu. Elle n’est pas d’essence divine mais bonne et bénie de Dieu. L’homme est le seul à être créé à l’image de Dieu et à recevoir une fonction (dominer les animaux). La domination de l’homme est accompagnée de limitations et de responsabilités à l’égard de la création.
Le récit de Genèse 2 et 3 est très différent. Ici, Dieu apparaît comme un potier qui façonne l’homme avec de l’argile. Le cadre n’est pas cosmique, mais celui d’un jardin appelé paradis. Les sexes sont différenciés tandis que dans Genèse 1, mâle et femelle, il les créa. Le récit de Genèse 2-3 se présente comme une histoire avec une intrigue.
2. Le déluge, un récit de dé-création
Le récit du déluge met en contraste le monde projeté par Dieu et le monde réel, une Terre corrompue et remplie de violence. Or la violence est retour au chaos. Dieu en tire les conclusions et souhaite effacer sa création. Le déluge est retour à un chaos primordial. Le premier acte créateur ne fut-il pas de séparer les eaux ?
Le déluge est jugement de Dieu par lequel il confronte les humains à leurs actes et non châtiment. Il n’est pas une simple catastrophe naturelle qui ne dit rien, mais souligne le destin commun de l’humanité. Le récit du déluge nous appelle à plus de lucidité et de responsabilité vis-à-vis de la création. Noé en faisant entrer dans l’arche un couple de chaque espèce, rappelle la responsabilité de l’homme à l’égard de la création.
3. Des récits isolés
Le passage de 2 Maccabées 7,28 (Regarde le ciel et la terre, contemple tout ce qui est en eux et reconnais que Dieu les a créés de rien.), a servi à défendre l’idée de création ex nihilo. D’autres textes font la louange de la création et du Dieu créateur comme les psaumes 33 et 136.
Certains récits bibliques rappellent le combat de Dieu pour sa création contre le retour du chaos primordial, comme en Job 38-42 ou dans le psaume 74.
En Proverbe 8, la sagesse préside à la création.
En Colossiens 1,15-20, le Christ inaugure une nouvelle création.

 

 
II) LES PRINCIPAUX CONCEPTS DE LA THÉOLOGIE DE LA CRÉATION

1. La creatio ad extra
La création est un pur don de Dieu en dehors de lui-même (en latin ad extra). Dieu crée en se retirant. La théologie de la création a « démythologisé » le monde. Dieu n’est plus dans les sources, les arbres et autres éléments de la nature. Le monde créé n’est pas Dieu. La distance entre Dieu et sa création évite le panthéisme, fonde pour l’homme la possibilité d’être libre et autonome et rend possible la relation entre Dieu et sa créature.

2. Dieu, causa causarum
L’action de Dieu ne doit pas être identifiée à une cause physique mais comme causa causarum, c’est-à-dire comme la cause des causes. Cela signifie qu’au-delà d’une cause identifiable par la raison, il y a une cause
qui nous est inaccessible et primordiale.

3. La creatio ex nihilo
La création ex nihilo ne peut être pensée, car la création du monde se fait alors avec la création du temps. La première conséquence est que l’on ne peut se représenter un avant la création ! La seconde conséquence est que la création du temps place la créature dans un monde corruptible et changeant. La creatio ex nihilo contredit la création à partir d’une matière préexistante comme dans le livre de la Genèse. La création comme mise en ordre du chaos, présuppose l’existence d’un avant la création, ce qui est inconcevable dans le cadre de la création ex nihilo.
4. La creatio continua
La théologie chrétienne distingue la création originelle, la création continuée et la création accomplie dans le royaume. La creatio continua est conservation de l’univers. Dieu n’abandonne pas sa création mais reste présent à travers sa providence. Le Dieu créateur continue à soutenir sa création, en particulier face au chaos qui menace toujours.

5. Le Christ cosmique
L’hymne au Christ de l’épître de Paul aux Colossiens a fortement influencé la théologie du Christ cosmique. Ce Christ cosmique dépasse le Christ historique. Il est le premier né et le fondement de toute la création. Aujourd’hui, il est le médiateur de la création. Il anime et vivifie le monde. Il annonce aussi, par sa résurrection, la création nouvelle, celle du royaume de Dieu.

 

Quand la famille ne tourne pas rond

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Image Un enfant amorphe, un enfant surexcité, un enfant qui détruit, … cela existe aussi dans nos églises. Comment agir ? Réagir ? Coopérer ?

L’enfant arrive en catéchèse avec certaines attentes et parfois déjà de mauvaises expériences de vie. Le moniteur, lui, a  en vue  des objectifs qu’il voudrait atteindre et donc des attentes vis-à-vis de l’enfant.
Dans quel but votre église locale a-t-elle mis sur pied une catéchèse, une école du dimanche, … ? Les réponses à cette question orienteront le « contenu » de la catéchèse et la manière dont le groupe d’enfants sera perçu.

Qu’est-ce que la catéchèse ou l’école du dimanche veut apporter aux enfants qui lui sont confiés ? Il est important de recentrer les enseignements et les activités sur la nécessité de connaître personnellement Jésus, plutôt que de faire de jolies petites têtes pleines de beaucoup de connaissances bibliques. Et si l’enseignement biblique est indispensable, il ne faut pas oublier non plus que les enfants ont besoin de jouer, de dessiner, de s’exprimer, …
Oui, les enfants ont besoin qu’on leur permette d’être vivants, pleins d’énergie et de capacités. Mais ils ont aussi besoin de limites. Il est assez rare que ces limites soient clairement exprimées par les moniteurs. Parfois ce n’est pas nécessaire. Mais il n’est pas rare de rencontrer des enfants qui n’ont pas de limites, ou qui en ont des mauvaises. Ces enfants perturbent les réunions et les relations avec leurs moniteurs peuvent être très difficiles.
C’est pourquoi il est bon de poser  clairement les limites de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas : Tout le monde ne parle pas en même temps. Il est interdit de sortir sans avoir demandé la permission à un adulte. Peut-on boire, manger des bonbons ?  Si oui, à quel moment ? Que faire s’il surgit un conflit, avec un autre enfant, avec un moniteur, avec un autre adulte de la communauté ?  Si l’enfant a un besoin particulier, à qui peut-il en parler ? Et à quel moment ? …

Vous avez dit « dysfonctionnelle » ?

Que se passe t’il lorsque l’on parle de la famille et de Dieu le Père à un nombre de plus en plus grand d’enfants provenant de familles monoparentales ou recomposées. En cas de séparation, c’est souvent la mère qui reçoit la garde de l’enfant. Le père est moins présent, voir absent des relations avec l’enfant. D’autres enfants proviennent de couples où il y a eu des problèmes d’alcool, de violence,  d’abus, …
L’image que ces enfants ont de l’autorité – et souvent du père – est difficile à concilier avec une image positive de Dieu le Père. En réalité, ils transfèrent sur Dieu l’image de leur propre père, avec ses qualités et ses défauts, et ils s’imaginent Dieu le Père autoritaire, sans amour, dur, sévère, critique, exigeant, violent, … Ces images que les enfants se sont faites sont plus puissantes que tout ce qu’on peut leur enseigner sur Dieu le Père. Et ce n’est que par une écoute attentive de chacun d’eux que l’on peut, petit à petit, les amener à accepter Dieu comme un père parfait.

Mais qu’est-ce donc qu’une famille dysfonctionnelle ?
Une famille dysfonctionnelle est une famille où une des personnes au moins vit un problème grave et durable. Le dysfonctionnement de la famille peut être plus ou moins grande selon la capacité des membres de gérer la situation d’une manière saine. Mais souvent, la famille essaye de cacher le problème car il génère beaucoup de honte. C’est le cas de toutes les familles où sévissent l’alcoolisme et la drogue, où un membre de la famille est régulièrement en dépression ou sous l’emprise de médicaments, … mais aussi de familles qui, à première vue, n’ont pas trop de problèmes, mais où l’un des parent est absent (décès, divorce), où le père (la mère) ne vit que pour son travail, où un parent est excessivement critique et sévère, violent en paroles ou en actes, abusif, …

 

 

Signes et indices

Voici quelques caractéristiques d’une famille dysfonctionnelle :

  • il y a peu ou pas de communication
  • les sentiments sont refoulés
  • les attentes restent secrètes
  • les relations sont embrouillées
  • il y a de la manipulation et du contrôle
  • l’échelle des valeurs varie selon les personnes et les circonstances
  • les attitudes sont rigides
  • l’atmosphère est tendue
  • on s’accroche aux vieilles traditions
  • les maladies chroniques sont fréquentes
  • il y a de la jalousie et des soupçons
  • on établit des relations de dépendance

Dans une famille fonctionnelle par contre :

  • la communication est ouverte
  • on exprime ses sentiments
  • les règles sont claires et explicites
  • l’individu est respecté
  • on respecte la liberté de chacun
  • il y a ouverture d’esprit
  • on crée de nouvelles traditions
  • l’atmosphère est agréable et détendue
  • les gens sont davantage en santé
  • l’amour et la confiance règnent
  • on encourage l’autonomie et l’épanouissement.

(extrait de la page d’accueil de EADA www.eada.qc )

Il apparaît, en examinant ces deux listes, qu’un enfant vivant dans un contexte dysfonctionnel aura beaucoup de mal à s’intégrer dans un contexte « normal ». Soit qu’il s’y intègrera trop bien, pour satisfaire les attentes qu’il pense que les gens ont de lui. Soit que, ne pouvant s’intégrer, il va tout faire pour rester « en dehors ». Ce sera soit l’enfant  trop sage, trop calme, qui cherche toujours à faire plaisir, soit l’enfant perturbateur et rebelle, …

Patience et longueur de temps !

Image Ces enfants ont appris trois règles : ne parle pas (surtout pas de ce qui se passe à la maison), ne fais confiance à personne, ne ressens rien.

Une famille dysfonctionnelle peut donc avoir des enfants qui seront « trop bien » (la parfaite petite maman, le premier de classe, celle qui est toujours prête à aider, celui qui fait rire tout le monde …) ou d’autres qui seront en rébellion (celui qui fait tout de travers, qui ne fait que des bêtises, qui n’obéit pas, qui démolit ce que les autres ont fait, …) Ces enfants ont avant tout besoin d’être écoutés et acceptés tels qu’ils sont. Une aide psychologique peut s’avérer nécessaire.
En ce qui concerne la catéchèse ou l’école du dimanche, ceux qui réagissent en étant trop parfaits ne poseront qu’un minimum de problème au moniteur, même s’il est souhaitable que celui-ci connaisse les raisons de cette attitude hyper positive de l’enfant à son égard.
Pour les enfants difficiles, il faudra énormément de patience, prendre du temps pour les écouter, leur apprendre petit à petit à modifier les règles qu’ils ont apprises à la maison, ou au moins à faire la différence entre les règles de la maison et celles de l’église… Et surtout, placer des limites.
A ce sujet, il est bon de prendre l’enfant à part, de lui expliquer posément les limites que vous souhaitez, de voir ce qu’il en pense, éventuellement d’en modifier certaines de commun accord. Déterminez avec l’enfant quelles seront les conséquences s’il ne respecte pas ces limites. Attention, il ne faut pas permettre aux autres enfants de franchir ces limites !
Ce problème dépasse bien sûr le cadre de la catéchèse. Il faudra parfois demander l’aide du pasteur ou d’une personne qualifiée au sein de l’église pour arriver à intégrer d’une manière saine l’enfant ou les enfants issus de familles dysfonctionnelles. Mais c’est une chose réalisable. Voir l’enfant évoluer. Lui apprendre à exprimer des sentiments, des idées, à respecter des directives… Lui faire confiance et lui apprendre à faire confiance … Voilà la plus belle récompense pour le moniteur dont la patience est si souvent mise à rude épreuve.

 

Jésus prie avant de mourir

Image La prière de Jésus avant son arrestation, Marc 14.32 à 41

Ce soir, après le repas, Jésus va dans le jardin de Gethsémané pour prier. Funeste erreur. Judas connaît l’endroit et va s’y rendre également avec une troupe. Jésus vit ses derniers instants de liberté et … il a peur. 

Selon les évangiles de Matthieu, Marc et Luc, Jésus est allé prier dans le jardin de Gethsémané. La troupe emmenée par Juda le trouvera là et l’arrêtera. L’évangéliste Jean confirme sans rapporter cependant les paroles formulées par Jésus à ce moment dramatique. Seuls les trois premiers évangélistes détaillent cet épisode. Nous utiliserons comme fil conducteur le récit de Marc.

 

1. Le récit de Marc en trois espaces et à trois temps

Le récit tout entier est fortement stylisé. Le découpage en trois espaces et trois temps le montre. Jésus vit ses derniers instants de liberté. Juste avant ce récit il se sépare petit à petit de la foule (Marc 14.1 à 17). Jésus n’est plus qu’avec les douze (Marc 14.17). Le processus de séparation se poursuit ensuite car Jésus annonce la trahison de Juda et le reniement de Pierre (Marc 14.17 à 31). Enfin dans notre récit il s’achève : en trois aller/retour, Marc montre la solitude de Jésus.

Premier aller/retour et définition des trois lieux :
Jésus et le groupe des douze,
plus loin Jésus et les trois intimes,
encore plus loin, Jésus seul avec Dieu.

Situation de départ : « Jésus et les douze », le grand groupe

Ensuite ils vont à un endroit appelé Gethsémané. Jésus dit à ses disciples : « {yootooltip title=[Asseyez-vous ici]}L´expression marque bien la séparation entre la plupart des douze et jésus{/yootooltip} pendant que je vais prier. » Il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean. Il commence à être inquiet et très effrayé,  et il leur dit : « Mon cœur est triste à en mourir. Restez ici, ne dormez pas.

Situation d’arrivée : « Jésus et les trois »

 Pierre, Jacques
et Jean

 Pierre, Jacques et Jean constituent, chez Marc, un groupe de disciples particulièrement proches de Jésus. L’évangéliste mentionne ce groupe à chaque fois qu’il veut souligner un moment important de la vie de Jésus.
Marc 5.37 : Jésus va guérir la fille du chef de la synagogue et demande aux quelques témoins de ne rien dire à personne (Marc 5.43). Ici les trois ne sont pas tout à fait seuls avec Jésus.
Marc 9.2 : Jésus prend avec lui les trois disciples et va sur une haute montagne, loin des gens. Là, ils sont seuls avec lui. Suit le récit de la transfiguration de Jésus. Ici ils entourent Jésus, et discutent avec lui.
Un autre épisode montre l’importance des trois disciples au  chapitre 13. Mais ici Jean est également avec eux. Jésus explique aux quatre les souffrances à venir et le retour du Fils de l’Homme.

Situation de départ : « Jésus et les trois »

Il va un peu plus loin. Il se jette à terre et il demande à Dieu d’éloigner ce moment de souffrance, si c’est possible ! {yootooltip title=[Il dit]}Pour la première fois Marc livre le contenu d’une prière de Jésus.{/yootooltip} : « {yootooltip title=[Abba]}Mot araméen : Signifie Père dans la langue de Jésus. Marc n’utilise ce mot qu’ici et ajoute sa traduction en Grec. Les lecteurs de Marc ne comprennent pas l’araméen. Marc garde l’expression en araméen, signe du respect avec lequel sa communauté sauvegarde le souvenir de la manière dont Jésus s’adressait à Dieu.{/yootooltip}, Père, pour toi tout est possible. {yootooltip title=[Eloigne de moi cette coupe de souffrance !]} text= »Jésus est pleinement « homme », car, comme tout homme, il cherche à éviter la mort. Contraste : c’est la première fois, selon Marc, qu’il appelle Dieu « Père ». »{/yootooltip} Pourtant, ne fais pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »

Situation d’arrivée : « Jésus seul » 

Second aller/retour

Jésus revient vers les trois disciples et les trouve endormis. {yootooltip title=[Il dit à Pierre]}Marc ne rapportera plus ce que prie Jésus (il dit simplement qu’il fait la même prière) mais détaille davantage les reproches qu’il fait à ses disciples.{/yootooltip} : « Simon, tu dors ? Tu n’as pas eu la force de rester éveillé, même pendant une heure ? Restez éveillés et priez pour pouvoir résister quand l’esprit du mal vous  tentera. Vous désirez faire le bien, mais vous n’avez pas la force de résister au mal.» Jésus s’éloigne encore et il fait la même prière. Il revient vers les trois disciples et il les trouve endormis. {yootooltip title=[lls ne peuvent garder leurs yeux ouverts]}Le sommeil des disciples: Il semble insurmontable et fait écho à la mort de Jésus qu’il aimerait surmonter mais qui est, elle aussi, insurmontable{/yootooltip} et ils ne savent pas quoi lui dire.

Troisième aller retour

Une troisième fois, Jésus s’éloigne et il revient. Il dit à ses disciples : « Vous dormez encore et vous vous reposez ? C’est fini ! C’est le moment ! Le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs ! Levez-vous, allons ! Voyez, l’homme qui me livre est arrivé ! »

L’évangéliste montre clairement le processus qui amène à la solitude de Jésus dans la mort. Il dépeint Jésus comme étant pleinement humain puisqu’il est angoissé par sa fin comme le serait n’importe quel être humain à sa place. Il choisit cependant cet instant pour montrer à quel point Jésus est proche de Dieu, car Jésus appelle Dieu « Père » pour la première fois dans le récit de l’évangéliste.

Le récit est traversé par une autre dualité : celle qui se trouve en tout être humain. « Vous désirez faire le bien mais vous n’avez pas la force de résister au mal », s’écrie Jésus. L’évangéliste est sans doute influencé par des milieux juifs de l’époque, peut être esséniens. Selon ce courant de pensée Dieu a mis en l’homme un esprit orienté vers le bien mais il est en même temps soumis au pouvoir du mal. Il est dans sa totalité écartelé entre ces deux puissances. Il ne s’agit pas d’une séparation en deux parties, corps opposé à esprit, comme dans la pensée grecque.

 

 2. Les récits de Matthieu et Luc 

L’évangéliste Matthieu reprend les trois points forts de Marc :
– Jésus se retrouve de plus en plus isolé au fur et à mesure qu’il avance vers sa mort ;
– Jésus, alors qu’il appelle Dieu « Mon Père », est angoissé par l’épreuve à venir comme le serait tout être humain ;
– Jésus reprend le discours de certains cercles du judaïsme de son temps : « Vous désirez faire le bien, mais vous n’avez pas la force de résister au mal. »

Matthieu cependant donne plus de détails sur le texte de la prière prononcé par Jésus. Selon Matthieu et contrairement à Marc, la seconde prière diffère de la première puisque Jésus y exprime avant tout son obéissance à la volonté de Dieu. Comme Marc, avec le jeu des trois espaces et des trois temps, Matthieu met en scène l’isolement progressif de Jésus dans la souffrance. Il ajoute une dimension supplémentaire : l’obéissance de Jésus à la volonté de son Père. De ce fait la fin dramatique de Jésus est lié à l’accomplissement de sa mission bien davantage qu’elle ne découle du destin tragique d’un humain aux prises avec des forces hostiles qui le dépassent.

Luc ne dramatise pas son récit de la même manière que Marc et Matthieu. Luc centre sont récit sur la souffrance et l’angoisse de Jésus et surtout sur l’aide qu’il reçoit du ciel sous la forme d’un ange. L’épisode rappelle le découragement du prophète Elie réconforté par un ange (1 Roi 19.4 à 8). Le récit est entouré par les deux exhortations à prier pour ne pas tomber dans la tentation (versets 40 et 46).
Le plan est clair :
Exhortation à ne pas tomber dans la tentation.
Expression de l’angoisse de Jésus par le recours à des paroles au style direct.
Aide de l’ange.
Expression de l’angoisse de Jésus par le descriptif de son attitude.
Exhortation à ne pas tomber dans la tentation.

Luc veut exhorter ses lecteurs à la vigilance tout en annonçant « l’aide du ciel » dans les moments difficiles. Il met moins en valeur la solitude de Jésus. Il excuse les disciples en écrivant qu’ils dorment  « de tristesse », ce qui atténue également l’effet de solitude de Jésus.

 

 

 © Claude DEMISSY, Service de la catéchèse des Eglises Protestantes d’Alsace et de Lorraine, 2006.

 

La double fin de la saga de Joseph

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 La fin d’une saga pleine de rebondissements, Genèse 50. 15 à 21

La genèse se  termine par une saga pleine de rebondissements narrant les aventures de Joseph. Derrière cette histoire dont l’origine est très ancienne se cache un message existentiel fondamental : Dieu peut transformer le mal en bien. L’humain peut participer à cette transformation en sachant pardonner le mal commis. Le cycle de Joseph est sans doute l’ensemble le mieux adapté à une approche narrative de l’Ancien Testament.

1. Introduction au cycle de Joseph
Pour bien différencier les analyses historique et littéraire de la Bible.

2. La fin de la saga de Joseph
Pour voir comment l’art de la répétition met en valeur le message essentiel.

3. Résumé de la saga de Joseph
Pour situer le texte dans l’ensemble de l’œuvre.

4. La fiction : porteuse de vérité
Pour distinguer une vérité existentielle d’une simple vérité historique.

5. Une bibliographie
Pour aller plus loin dans la compréhension du cycle de Joseph, de la Genèse et du pentateuque.

1. Introduction à la saga de Joseph
Pour bien différencier les analyses historique et littéraire de la Bible.

Commençons par l’analyse historique. Les historiens peuvent reconstituer trois étapes dans la constitution du roman de Joseph. Sa création proprement dite, remonte sans doute à la période orale, et nous est inconnue. Ensuite les savants peuvent identifier deux traditions écrites.

L’une s’est constituée vers le XIe siècle avant l’ère chrétienne, sans doute à la cour des rois {yootooltip title=[David ou Salomon]}Ils règnent sur un territoire correspondant à la Palestine actuelle, avec Jérusalem pour capitale. Ce royaume éclate après la mort de Salomon, en 933 avant l’ère chrétienne. Jérusalem reste la capitale du royaume du Sud.{/yootooltip}.

L’autre, est rédigée un peu plus tard, dans le {yootooltip title=[royaume du Nord]}Samarie devient la capitale du royaume du Nord après la mort de Salomon, en 933 avant l´ère chrétienne et une tradition littéraire indépendante de Jérusalem s´y développe.{/yootooltip}.

Ces deux récits sont fusionnés par la suite et, vers les VIe-Ve siècles avant l’ère chrétienne, ils acquièrent une forme proche de celle que nous connaissons actuellement.

a. Un lien entre les patriarches et Moïse 

Ce récit romanesque explique les raisons pour lesquelles des Hébreux se trouvaient en Egypte à l’époque de Moïse. En effet, la Genèse commence par les récits symboliques sur l’origine du monde (Chapitres 1 à 11), puis par l’histoire des patriarches (Abraham, Isaac et Jacob). Le récit de l’Exode débute lorsque le peuple est esclave en Egypte. Le roman de Joseph, clôturant la Genèse, permet de faire la liaison entre les patriarches et Moïse.

 
Ainsi l’analyse historique reconstitue les étapes de la création du récit et  les raisons pour lesquelles il a été retenu et inséré à cet endroit.

b. Dieu change le mal en bien

L’étude littéraire, quant à elle, permet de comprendre le message central du livre, tel qu’il peut encore parler à nos contemporains. Les derniers versets du roman en donnent, en effet, la clef théologique : « Dieu peut changer le mal en bien ». Au delà de la réalité historique, le roman exprime cette vérité philosophique à caractère universel. Son intrigue se déroule depuis le complot des frères, jusqu’au pardon final. Des épisodes dramatiques tiennent l’attention en suspens. Ils culminent dans la grande scène où Joseph se fait connaître (Gen. 45). Toutes ces péripéties concourent à énoncer un message essentiel : grâce à Dieu, les (més)aventures humaines suscitent un mûrissement progressif des protagonistes, permettant au bien de triompher du mal, après un long processus d’évolution.

c. Une épreuve qui ouvre les yeux 

Au début du roman (Gen. 37.5 à 8) Joseph excite la jalousie de ses frères. Il leur annonce les avoir vu dans un rêve où ils s’inclinaient devant lui. Joseph n’a que dix-sept ans et sans doute avait-il effectivement ce désir de les dominer. Son rêve se réalise vingt deux ans plus tard, mais pour Joseph, cela n’a plus d’importance. Sa vie n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était deux décennies plus tôt, lorsqu’il vivait dans sa famille. Il pardonne à  ses frères car il ne désire plus la prééminence sur la fratrie, mais l’harmonie dans la famille. Les frères, quand à eux, comprennent la gravité de leur méfait. L’épreuve qu’ils ont subie leur a ouvert les yeux. Tous les personnages sont donc transformés. Les épreuves et les multiples rebondissements ont servi le dessin de Dieu : permettre aux personnages d’évoluer vers une meilleure vision de la vie.

2. La double fin
(Genèse 50.15 à 21)
Pour voir comment l’art de la répétition met en valeur le message essentiel.

Nous utilisons la traduction de la {yootooltip title=[T.O.B.]}Edition intégrale, Ancien Testament, Les Editions du Cerf, Les Bergers et les Mages, Paris, 1979. » title= »Traduction Oecuménique de la Bible »{/yootooltip}  Elle rend bien la double fin. Certaines traductions atténuent en effet le doublon ne respectant pas ainsi la structure littéraire du texte.

Voyant que leur père était mort, les frères de Joseph se dirent : « Si Joseph allait nous  traiter en ennemis et nous rendre tout le mal que nous lui avons causé. » Ils demandèrent à Joseph : « Ton père a donné cet ordre avant sa mort : Vous parlerez ainsi à Joseph : ‘De grâce pardonne le forfait et la faute de tes frères. Certes, ils t’on causé bien du mal mais, de grâce, pardonne maintenant le forfait des serviteurs du Dieu de ton père’ ». Quand ils lui parlèrent ainsi, {yootooltip title=[Joseph pleura.]}Ils ponctuent les moments importants du roman : lors de la première rencontre en Egypte (42.24), lorsqu’il revoit Benjamin (43.30) et lorsqu’il se fait reconnaître à ses frères (45.2).{/yootooltip}

Ici les frères invoquent l’autorité de leur père pour demander pardon. Ils reprennent le discours de Juda du chapitre 44, où il avait pris conscience du mal commis en privant le père de son fils Joseph. La demande de pardon est liée à la compréhension de l’ampleur du préjudice commis.

. Transformer le mal en bien

Alors que les frères se sont déjà entretenus avec Joseph le rédacteur indique qu’ils vont le voir. Certains estiment que le rédacteur final n’a pas su harmoniser les deux récits par maladresse. D’autres pensent qu’il a voulu respecter les deux traditions (voir Le roman de Joseph) et les reproduire tel quel. Les exégètes pratiquant l’étude littéraire préfère voir dans cette juxtaposition un message du rédacteur : les humains et les faits sont complexes et souvent ambigus. Tout personnage possède une profondeur empêchant d’anticiper « à coup sûr » ses réactions. Tout événement peut être interprété de plusieurs manières. Il ne peut, ni ne doit y avoir d’explication unilatérale des destinées humaines.

Ses frères allèrent d’eux-mêmes se jeter devant lui et dirent : « Nous voici tes esclaves ! » Joseph leur répondit « : «  Ne craignez point. Suis-je en effet à la place de Dieu ? Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire du bien : conserver la vie à un peuple nombreux comme cela se réalise aujourd’hui. Désormais, ne craignez pas, je pourvoirai à votre subsistance et à celle de vos enfants. » Il les réconforta et leur parla cœur à cœur.

Ce passage reprend le discours de Joseph du chapitre 45, versets 4 à 8. Les répétitions constituent un procédé littéraire très important dans la littérature biblique. Souvent de légères différences sont voulues par le rédacteur. Les détecter permet de mieux saisir {yootooltip title=[le projet de l’écrivain.]Ici Joseph indique la réalisation de la prévision faite en 45.7 (permettre à beaucoup d’entre vous d’en réchapper). Nuance importante : ce « beaucoup d’entre vous » est devenu « conserver la vie d’un peuple nombreux ». »}  Il rappelle le message déjà exprimé au chapitre 45. Dieu transforme le mal en bien. Sans le mal commis contre Joseph, ce dernier n’aurait pas pu faire carrière en Egypte, et permettre finalement, à sa famille d’échapper à la famine. Au verset 19 Joseph dit clairement qu’il interprète les faits comme relevant de la volonté de Dieu. Dans le discours du chapitre 45 il avait précisé « ne soyez pas tourmentés de m’avoir vendu ici, car c’est Dieu qui m’y a envoyé avant vous pour vous conserver la vie » (45.5). Ainsi Joseph pardonne totalement à ses frères en leur ôtant toute responsabilité dans le forfait commis jadis. Au contraire, ils agissaient pour le bien de tous !

Ce roman veux montrer comment Dieu peut changer un mal en bien, mais cette transformation n’est possible que grâce à la repentance et au pardon. 

3. L’histoire de Joseph
Pour situer le texte dans l’ensemble de l’œuvre. 

 

Chapitre 37
Versets l à 11 : Joseph fait deux songes qui lui annoncent son futur règne. Ses frères sont jaloux.
v.12-36 : Ses frères se vengent en le jetant dans une fosse; il est récupéré par une caravane, emmené en Egypte, vendu comme esclave à Potiphar.
Chapitre 38
Récit avec Juda un des frères de Joseph et Tamar, veuve des fils de Juda.
Chapitre 39
v.1-6 : Joseph est élevé au rang de majordome.
v.7-20 : La femme de Potiphar accuse Joseph d’avoir voulu abuser d’elle. Joseph est emprisonné.
Chapitre 40
Joseph interprète les songes de l’échanson et du panetier emprisonnés avec lui. L’échanson, libéré, promet de défendre la cause de Joseph, mais Joseph reste en prison.
Chapitre 41
v.1-36 : Joseph est amené auprès de Pharaon afin qu’il interprète ses songes.
v.37-57 : Joseph est rétabli dans sa charge de majordome. La famine est gérée selon sa
proposition. Il se marie avec une égyptienne.
Chapitre 42
v.1-5 : Les israélites doivent venir se ravitailler en Egypte.
v.6-24 :Première rencontre entre Joseph et ses frères; il exige la venue de Benjamin en gardant Siméon en otage.
v.25-38 :Les frères reviennent en Canaan, trouvent l’argent dans les sacs; Jacob refuse de
laisser partir Benjamin.
Chapitre 43
v.1-15 : La famine s’aggrave; Jacob accepte le départ de Benjamin.
v.16-34 : Seconde rencontre: un repas est servi aux frères chez Joseph.
Chapitres 44 et 45
Benjamin est accusé de vol d’argenterie. Joseph se fait reconnaître. Demande de faire venir son père. Retour des frères en Canaan.
Chapitres 46 et 47
Retrouvailles familiales. Avec l’accord de Pharaon, le clan s’installe dans la région de Goshen.

 

 .  La victoire contre le serpent

La fin du roman de Joseph expose la victoire contre le serpent de Genèse 3. Dieu avait annoncé que les descendants d’Eve écraseront la tête du serpent (Gen. 3.15). C’est chose faite lorsque Jacob annonce à ses frères que Dieu a transformé le mal en bien (Gen 50.20). A l’origine le serpent tourne le bien en mal. Lorsqu’il apparaît (Gen. 3.1) il utilise la parole de vie de Dieu (Gen. 2.16 et 17) pour écarter l’humain de la vie en l’amenant à se plier à la logique « animale » {yootooltip title=[de l’envie et de la convoitise.]}Selon André WENIN : « Lire la Genèse comme un récit. Quelques clefs. « , dans : Daniel MARGUERAT (sous la direction de), Quand la Bible se raconte, Editions du Cerf, Paris, 2003, page 46. » {/yootooltip}La fin de la Genèse montre comment Joseph parvient à maîtriser la part d’animalité tapie aux profondeur de l’humanité en rendant le bien pour le mal, au lieu de rendre le mal pour le mal. C’est l’interprétation centrale de la genèse proposée par André WENIN. Renoncer à la maîtrise de tout, consentir aux limites, tel semble bien être, dans la genèse, la voie  de ceux que Dieu élit pour {yootooltip title=[être porteurs de sa bénédiction.]}André WENIN : « Lire la Genèse comme un récit… », page 47.{/yootooltip} Il s’agit de l’anti-dote du poison du désir de « tout savoir », décrit dans Genèse 2.17, où « le fruit défendu » c’est celui de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Le roman présente une intrigue qui se déroule depuis le complot des frères, jusqu’au pardon final, et des épisodes dramatiques qui tiennent l’attention en suspens et culminent dans la grande scène où Joseph se fait connaître (Gen. 45). Il présente une analogie avec les sagas islandaises où un héros jalousé par ses frères doit s’exiler, réussit dans son pays d’adoption et revient riche pour devenir le bienfaiteur de ceux qui {yootooltip title=[l’avaient rejeté.]} »Culture Biblique, Presses Universitaires de France, Paris, 2001, page 124. » {/yootooltip}

Nous apprenons par la fiction.

4. La fiction porteuse de vérité
Pour distinguer une vérité existentielle d’une simple vérité historique.
Une vérité historique n’a d’intérêt que si elle devient une vérité existentielle.
Une vérité historique relate des faits. La vie de nomades sémites au second millénaire avant l’ère chrétienne ressemblait sans nul doute à ce qui est décrit dans le roman de Joseph. Mais la vie « historique » de Joseph n’a en soit guère d’intérêt. Des milliers d’hommes et de femmes ont vécu à cette époque toutes sortes d’aventures sans doute passionnantes. Mais la Bible est un témoignage de foi. Les faits bruts doivent s’effacer car c’est leur sens pour la foi qui doit être mis en valeur. De ce point de vue, seule la fiction peut donner à des faits une valeur universelle. En effet toute vie concrète est trop datée dans l’espace et dans le temps pour acquérir une valeur universelle. Seule la fiction peut rendre compte de vérités aussi complexes que la relation entre Dieu et les humains.

C’est ce qu’exprime avec brio {yootooltip title=[Robert ALTER]} »L’art du récit biblique, Traduit de langlais par Paul LEBEAU et Jean Pierre SONNET, Editons Lessius, Collection : Le livre et le rouleau, Bruxelles, 1999, 265 pages. Nous reproduisons des extraits des pages 238 et 239. »{/yootooltip} lorsqu’il écrit « La fiction sert de loupe à l’écrivain biblique ».

. La fiction sert de loupe 

« Que signifie exister lorsque l’existence est à ce point partagée ? Capable d’aimer son frère par intermittence, l’homme peut, davantage encore, le haïr ; il est à même d’éprouver du ressentiment, voire du mépris à l’égard de son père, mais aussi de lui témoigner le plus profond respect final ; d’osciller entre une ignorance désastreuse et une connaissance imparfaite ; d’affirmer farouchement sa liberté, mais aussi de se reconnaître inséré dans une trame d’événements qui est l’œuvre de Dieu ; d’apparaître extérieurement comme un « caractère » bien défini, et d’être agité intérieurement par des courants tourbillonnants de cupidité, d’ambition, de jalousie, de lascivité, de piété, de courage, de compassion, et de combien d’autres choses encore. La fiction sert de loupe à l’écrivain biblique, elle lui permet de percevoir et de faire percevoir de manière plus nette les paradoxes sans fond de la condition créée de l’homme.

. Penser la réalité humaine

Ceci explique pourquoi les anciens récits hébraïques nous donnent aujourd’hui encore une telle impression de vie, et pourquoi il vaut la peine d’apprendre à les lire en tant qu’œuvres d’art littéraire. Ce fut un défi de penser la réalité humaine à la lumière, radicalement nouvelle, de la révélation monothéiste. L’imagination fictionnelle en disposant d’une gamme étendue de procédés narratifs, soulignant tantôt la complexité des choses et tantôt leur unité, a ouvert une voie en ce sens, précieuse entre toutes. En recourant à la fiction, en effet, les auteurs de la Bible ont légué à notre tradition culturelle un lieu indépassable d’intelligence des voies de l’esprit humain. Et c’est en nous efforçant de mieux comprendre la singularité de l’art de ces auteurs que nous parviendrons à mieux entrer dans celle de leur vision.

Sur la question de la vérité de la fiction dans un document pédagogique, voir Sophie ZENZ-AMEDRO, Jonas, un conte philosophique et humoristique, Paris, SED, 2002, Dossier du catéchète et livre catéchumène.

5. Une bibliographie
Pour aller plus loin dans la compréhension du cycle de Joseph, de la Genèse et du pentateuque.

Etude historique :
En bref : Bernard GILLIERON, La Bible n’est pas tombée du ciel, l’étonnante histoire de sa naissance, Editions du Moulin, Aubonne, 1988, pages 17 à 38 ; Daniel BACH, L’Ancien Testament dans tous ses états, Editions du Moulin, Poliez-le-Grand, 1997, pages 20 à 23.
Plus copieux : Henri CAZELLES (sous la direction de), Introduction à la Bible, édition nouvelle, Tome II, Introduction critique à l’Ancien Testament, Desclée, Paris, 1973. Cette étude présente une analyse historique de la Genèse pages 177 à 204 pour le récit du XIè siècle, pages 206 à 215 pour le récit du Royaume du nord et pages 223 à 237 pour la forme actuelle. Pour la chronologie de l’histoire biblique il suffit de se reporter au tableau figurant à la fin du tome 1 de la Traduction Œcuménique de la Bible, édition intégrale, Editions du Cerf et Edition Les bergers et les mages, Paris, 1975,  .

Etude littéraire
Olivier MILLET et Philippe de ROBERT, Culture Biblique, Presses Universitaires de France, Paris, 2001. Les auteurs présentent le cycle de Joseph comme un « récit romanesque » et le comparent aux sagas, page 124 et 125.
A notre connaissance il n’existe pas actuellement d’étude littéraire du roman de Joseph. L’étude littéraire de la Bible ne se développe en effet que depuis une vingtaine d’années. Seul Robert ALTER, propose une lecture attentive du chapitre 42 de notre roman, L’art du récit biblique, Traduit de l’anglais par Paul LEBEAU et Jean Pierre SONNET, Editons Lessius, Collection : Le livre et le rouleau, Bruxelles, 1999,pages 216 à 239.
La dernière publication en langue française reprenant l’ensemble des recherches sur l’étude littéraire de la Bible a été dirigée par Daniel MARGUERAT, La Bible en récits, l’exégèse biblique à l’heure du lecteur, Labor et Fides, Genève, 2003. L’introduction de MARGUERAT présente bien l’état de la réflexion sur cette nouvelle façon de lire la Bible (pages 15 à 40).
Pour débuter dans cette forme d’étude de la Bible utiliser : Daniel MARGUERAT et Yvan BOURQUIN, Pour lire les récits bibliques, Les éditions du Cerf, Labor et Fides,  Novalis, Paris, Genève, Montréal, 1998, 240 pages.

 © Claude DEMISSY, Service de la catéchèse des Eglises Protestantes d’Alsace et de Lorraine, 2006.

Deux récits d’annonciation

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 Récits d’annonciation de Luc : 1.8 à 38

L’annonciation est un genre littéraire de la Bible. Pour comprendre les récits d’annonciation, il faut connaître le canevas général de ce type de récits puis repérer les particularités de chacun d’entre eux. L’annonciation à Marie n’échappe pas à cette règle.

1.  Le genre littéraire « Annonciation »

 Image  Les deux récits de Luc 18. 1 à 38, relèvent du genre littéraire « annonciation ». Les récits d’annonciation présentent un Dieu réparant les injustices de manière surprenante. Le destin des humains peut toujours basculer positivement. Car à Dieu, rien n’est impossible. Ces naissances miraculeuses rappellent aux humains que la détresse peut toujours faire place à l’espoir. Par ailleurs, Dieu est derrière les événements, mais les différents protagonistes n’agissent pas toujours de la même manière. Les humains exercent leur liberté et réagissent en fonction de leur personnalité. Enfin les récits annoncent l’arrivée d’une personne qui aura un destin fabuleux.

Ces récits annoncent la naissance d’un héros à une femme qui ne peut avoir d’enfant. L’auteur commence par exposer la situation : une femme est stérile, trop âgée pour avoir des enfants, parfois {tooltip}une autre épouse du mari]{end-texte}La société de l’Ancien Testament est polygame.{end-tooltip} a un enfant. Ce qui crée des jalousies entre les femmes.  Il y a un repas avec Dieu (sacrifice) ou avec son envoyé (Genèse 18). Puis vient l’élément central : l’annonce de la naissance d’un fils souvent  assortie de la formule « l’an prochain, à cette saison, tu auras un fils ». Ce fils sera consacré au Seigneur, il ne se coupera pas les cheveux et ne boira pas d’alcool. Un(e) protagoniste exprime le doute.

2. Les intentions de l’évangéliste Luc 

L’évangéliste Luc voulait montrer que le ministère de Jésus s’enracinait dans ce qu’il y a de meilleur en Israël. Il devait donc commencer par un récit d’annonciation, d’autant plus que les prophètes avaient annoncé qu’un envoyé de Dieu naîtrait d’une jeune fille (Esaïe 7.14). Avec l’annonciation à Elisabeth (Luc 18.5 à 25) l’évangéliste répète le cadre classique des annonciations, rappelle l’enracinement profondément juif de son message et inclus Jean Baptiste dans le plan de Dieu. Le récit de l’annonciation à Marie diverge des récits classiques car c’est pour cause de virginité qu’elle ne peut avoir d’enfants. La mise en parallèle avec l’annonciation à Elisabeth permet d’inscrire l’annonciation à Marie dans le cadre littéraire habituel de la Bible juive.

 Pour plus de détails sur les intentions des évangélistes et des auteurs des autres récits du Nouveau Testament consulter la rubrique « Histoire du christianisme » sur le site Internet epal.fr/cate

3. Plan et détails du texte

  Zacharie, Luc1.5 à 25       Marie Luc, 1.26b à 38
 
Phrase de liaison entre les deux récits, 
Luc 1.26a
   Elisabeth est enceinte depuis six mois. 

1) Présentation
      du couple

Au moment où {yootooltip title=[Hérode le Grand]}Il règne de 37 à 4 avant l´ère chrétienne{/yootooltip} est roi de Judée, il y a un prêtre appelé Zakarie. Il fait partie de la famille d’Abia, une famille de prêtres. Sa femme appartient {yootooltip title=[au clan d’Aaron]}La tradition le considère  comme l’ancêtre des prêtres. Les deux membres du couple sont issus d’une lignée de prêtres. Le récit enracine cette naissance dans ce qu’il y a de meilleur (sur le plan religieux) en Israël.{/yootooltip} et elle s’appelle Elisabeth. Tous les deux sont justes devant Dieu, ils obéissent parfaitement aux lois et aux commandements du Seigneur Voici que Dieu envoie {yootooltip title=[l´ange]}En grec angelos – Le mot dérive d´un verbe signifiant « annoncer ». Lorsqu’il annonce la parole de Dieu, comme dans notre texte, l´ange personnifie Dieu. D´une manière générale les « anges » sont des messagers.{/yootooltip} Gabriel dans une ville de Galilée appelée Nazareth. Il l’envoie chez une jeune fille, promise en mariage à un homme appelé Joseph. Joseph a pour ancêtre le {yootooltip title=[roi David]}Dieu avait promis à David  que sa royauté subsisterait éternellement (2 Sam. 7.12 à 17). L’histoire humaine ayant mis fin à la dynastie de David, cette promesse est repoussée vers des  temps lointains. Depuis Ezéchiel (Ezéchiel 37.20 à 28) le judaïsme attend le jour où le peuple sera réuni sous le sceptre d’un nouveau David.{/yootooltip}, et le nom de la jeune fille est Marie.
2) Situation
    du couple
Ils n’ont pas d’enfant parce qu’Elisabeth ne peut pas en avoir, et ils sont déjà vieux tous les deux   Marie est une jeune fille.
3) Apparition
    de l’ange
Un jour Zakarie fait son travail de prêtre dans le temple de Dieu parce que c’est le tour de sa famille. Selon la coutume des prêtres, on choisit quelqu’un pour entrer dans le lieu saint du Seigneur. Et ce jour-là, c’est Zakarie qui entre pour offrir l’encens.  Tout le peuple de Dieu prie dehors au moment où on brûle l’encens. Alors un ange du Seigneur se montre à Zakarie. L’ange se tient à droite de l’autel où on brûle l’encens. L’ange entre chez elle 
et lui dit : « réjouis-toi ! 
Le Seigneur Dieu t’a montré son amour d’une manière particulière. Il est avec toi. »
4) Réaction  Quand Zakarie le voit, il est ému et il a très peur,  En entendant cela, Marie est très émue, elle se demande : « que veut dire cette façon de saluer ? »
5) Paroles 
de l’ange
 mais l’ange lui dit : « n’aie pas peur, Zakarie. Oui, Dieu a entendu  ta prière. Elisabeth, ta femme, 
te donnera un fils, tu l’appelleras Jean. Alors tu seras rempli  de bonheur et de joie, et quand 
ton fils naîtra, beaucoup d’autres personnes seront dans la joie.
L’ange lui dit : « n’aie pas peur Marie ! Oui, Dieu t’a montré son amour d’une manière particulière. Tu vas attendre un enfant, tu mettras au monde un fils, et tu l’appelleras Jésus
 
6) Description 
    de l’enfant 

En effet, il sera quelqu’un d’important pour 
le Seigneur. Il ne boira ni vin, ni aucun autre alcool. Il sera déjà rempli de l’Esprit Saint dans le ventre de sa mère. Il ramènera beaucoup de gens d’Israël vers le Seigneur leur Dieu. Il viendra comme messager de Dieu avec l’esprit et la puissance du prophète Elie. Comme Elie, ton fils fera la paix entre les parents et leurs enfants.

Il changera le cœur de ceux qui n’obéissent pas à Dieu, et ils se mettront à penser comme des personnes justes. Ainsi il formera pour le Seigneur un peuple bien préparé.

 Personne ne sera aussi important que lui. On l’appellera Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le royaume de David, son ancêtre. Il sera le roi du peuple d’Israël pour toujours et son pouvoir ne finira jamais.
7) Question (expression d’un doute)  Zakarie dit à l’ange : « comment savoir que c’est vrai ? Je suis bien vieux et ma femme aussi est âgée. »  Marie dit à l’ange : « comment cela va-t-il arriver ? en effet, je ne vis pas avec un homme. »
8) L’ange
   balaie 
  le doute
L’ange lui répond : « moi, je suis Gabriel, je me tiens devant Dieu pour le servir. Il m’a envoyé pour te parler et pour t’annoncer cette bonne nouvelle. Mais tu n’as pas cru à mes paroles. Tu vas donc devenir muet et tu ne pourras plus parler jusqu’au jour où tout  cela se réalisera. Oui, ce que je t’ai dit arrivera au moment que Dieu a fixé.»
Pendant ce temps, le peuple attend Zakarie. Les gens s’étonnent de le voir rester si longtemps dans le lieu saint. Quand il sort, il ne peut pas leur parler, il leur fait des signes et il reste muet. Alors les gens comprennent qu’il a vu dans le lieu très saint quelque chose venant de Dieu.
Puis, quand Zakarie a fini son temps de service dans le temple, il rentre chez lui.
Après cela, sa femme Elisabeth devient enceinte et pendant cinq mois, elle se cache dans sa maison. Elle se dit « voilà ce que le Seigneur a fait pour moi : {yootooltip title=[j’avais honte]}A l’époque, ne pas avoir d’enfant était considéré comme une honte.{/yootooltip}
devant mon peuple parce que je n’avais pas d’enfant. Mais maintenant le Seigneur s’est occupé de moi, il a enlevé ma honte. »
L’ange lui répond : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira comme l’ombre. C’est pourquoi l’enfant qui va naître sera *saint, et on l’appellera Fils de Dieu.
Ecoute ! Elisabeth, qui est de ta famille, elle aussi est enceinte et elle aura un fils. Pourtant elle est vieille. On disait qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant, et maintenant, elle est enceinte depuis six mois ! Non, rien n’est impossible pour Dieu ! » 
Marie répond : « Je suis la servante du Seigneur. Que Dieu fasse pour moi ce que tu as dit ! » Alors l’ange la quitte.
   © Claude DEMISSY, Eglises Protestantes d’Alsace et de Lorraine, 2006.

La visite des mages

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Plongée dans un texte trop connu, Matthieu 2.1 à 12.

La  visite des mages à l’enfant Jésus est l’un des textes les plus connu de la Bible. Connu vraiment ? Faites ce test : combien étaient-ils, comment s’appelaient-ils, sur quels royaumes régnaient-ils, ces rois ? Puis vérifiez dans le texte de Matthieu si vos réponses sont justes. Ensuite suivez le guide… 

L’évangile de Matthieu date de 90-95 à une époque où la rupture entre les chrétiens et les autorités juives était déjà avancée sans être définitive. L’auteur voulait montrer que Jésus était l’héritier légitime de tout le passé d’Israël. Se rallier à sa personne constitue selon Matthieu la vraie fidélité à l’Alliance.

 Structure des chapitres 1 et 2

 Image  Le début de l’évangile de Matthieu se découpe en une introduction  suivie de cinq scènes.

Il commence par la liste des ancêtres de Jésus le premier étant Abraham. Cette généalogie annonce d’emblée l’enracinement de Jésus dans la plus pure tradition d’Israël. Suivent cinq scènes : la naissance de Jésus (1.18 à 25), des sages viennent adorer Jésus (2.1 à 12), le départ en Egypte (2.13 à 15), Hérode le Grand fait tuer tous les petits enfants de Bethléem (2.16 à 18), le retour d’Egypte (2.19 à 23). Chacun de ces épisodes met en valeur une parole du prophète : 1.22 « Ainsi se réalise ce que le prophète a dit de la part du Seigneur » ; 2.5 « …en effet le prophète a écrit » ; 2.15 « Ainsi se réalise ce que le prophète a dit de la part du Seigneur » ; 2.17 « Ainsi s’est réalisé cette parole du prophète Jérémie » ; 2.23 « Ainsi les choses se passent comme les prophètes l’avaient annoncé ».

 

 

Plan et détails

 

 Le cadre : la ville de Jérusalem, l’astre et les mages d’orient.  1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps {yootooltip title=[du roi Hérode]}Il règne sur la Judée entre 40 et 4 avant l´ère chrétienne.{/yootooltip}, voici que des {yootooltip title=[mages]}Astrologues qui symbolisent les nations païennes.{/yootooltip} venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
2  et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu {yootooltip title=[son astre]}Aucune recherche n
´a pu déterminer quel astre a pu apparaître en orient à cette époque. Matthieu veut simplement montrer que la science des astrologues ne leur suffit pas pour localiser le lieu de la naissance de Jésus. Ils doivent se renseigner.{/yootooltip} à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage ».
 A Jérusalem : le roi et tout le peuple, « trouble » de tout ce monde, citation des prophètes comme pour les autres récits de Matthieu 1 et 2. Seule la Parole permet de savoir où se trouve Jésus. La science des mages ne suffit pas.  3  A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4  Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître.
5 « A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète :
6  Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple ».
 A Jérusalem : le roi et les mages, le roi informe les mages et les envoie à Bethléem.  7  Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait,
8  et les envoya à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant ; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi, pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage ».
 De Jérusalem à Bethléem : alors que le roi et les autres restent à Jérusalem, les mages se déplacent, éprouvent une très grande joie (10) alors que tous à Jérusalem sont troublés (v 3).  9  Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.
10  A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie.
 Les savants étrangers  rendent hommage ils ont réussi leur quête et retournent, déplacement parallèle mais en sens inverse de celui décrit au verset 1, « la boucle est bouclée » et le plan d’Hérode a échoué.

 11  Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent {yootooltip title=[de l´or]}L´or symbolise la royauté.{/yootooltip}, de l’{yootooltip title=[encens et de la myrrhe] width=[450]}L´encens de la Bible (en réalité de l´oliban) symbolise, chez les Egyptiens, puis dans la Bible, les divinités, le Père, le jour. Il est souvent associé à la myrrhe qui symbolise le mystère de la mort et de la nuit. Une autre symbolique fait de la myrrhe le signe du féminin et de l´encens (oliban) le signe du masculin. Pour Matthieu, cette offrande indique le caractère divin de Jésus.{/yootooltip}

12  Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.

 

© Claude DEMISSY, Eglises Protestantes d’Alsace et de Lorraine, 2006, d’après une documentation du Centre de catéchèse des services enfance et jeunesse de l’Eglise Protestante de Genève.

L’œuf de Jérémie

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La leçon de Pâques d’un enfant pas comme les autres

Jérémie est né avec un corps difforme. Il est attardé mentalement. À douze ans il était encore en deuxième année d’école primaire et paraissait incapable d’étudier. II irritait constamment son institutrice. II se tortillait sur son siège, bavait et poussait des grognements. Parfois, il parlait clairement et distinctement comme si un rayon de lumière avait pénétré les ténèbres de son cerveau.  

Un jour, l’institutrice demanda aux parents de Jérémie de venir la voir à l’école. Lorsqu’ils s’assirent sans bruit dans la classe vide, l’institutrice leur dit : Jérémie devrait absolument aller dans une école spécialisée. Ce n’est pas juste qu’il soit avec des enfants plus jeunes que lui et qui n’ont aucun problème particulier pour étudier. Il y a quand même cinq ans de différence entre lui et les autres élèves.

La maman de Jérémie pleura doucement dans son mouchoir et son mari prit la parole :  

 

Mademoiselle, il n’y a aucune école de ce genre dans les environs. Jérémie serait très choqué si nous devions le retirer de cette école. Nous savons qu’il aime vraiment cet endroit.

 

L’institutrice resta assise un très long moment après le départ des parents de son élève, tout en regardant fixement la neige au dehors. Le froid semblait s’infiltrer dans son âme. Elle désirait sincèrement sympathiser avec ces gens-là.

 

Après tout, leur enfant souffrait d’une maladie mortelle, mais ce n’était pas juste de le garder dans sa classe. Elle devait enseigner dix-huit élèves plus jeunes que lui et Jérémie était source de distractions. Pourquoi continuer à perdre son temps ?

 

Comme elle réfléchissait à la question, un sentiment de culpabilité l’envahit. Oh Seigneur, dit-elle tout haut, je suis encore en train de me plaindre alors que mes problèmes ne sont rien, comparés à ceux de cette pauvre famille. Aide-moi, s’il te plaît, à être plus patiente avec Jérémie !

 

À partir de ce jour-là, elle essaya vraiment d’ignorer les bruits de Jérémie et son regard sans expression.

 

Un jour, il s’approcha de son bureau en boitant, traînant sa mauvaise jambe derrière lui.

JE VOUS AIME, MADEMOISELLE ! s’exclama-t-il assez fort pour que toute la classe l’entende.

Les autres élèves rigolèrent et le visage de l’institutrice devint tout rouge. Elle balbutia : M…. Merci, c’est très gentil, Jérémie, mais main…. maintenant, retourne à ta place, s’il te plaît !

 

Le printemps approchait et les enfants étaient fous de joie à la pensée de .

 

Maintenant, leur dit-elle, je veux que vous emportiez ceci à la maison et que vous le rapportiez demain après avoir mis dedans quelque chose qui exprime pour vous, une nouvelle vie. Comprenez-vous ? Oui, Mademoiselle ! Répondirent les enfants débordants d’enthousiasme. Tous, excepté Jérémie. II écoutait très attentivement, et ses yeux ne quittaient plus le visage de l’institutrice. II ne fit même pas ses bruits habituels. Avait-il compris ce qu’elle avait dit sur la mort et la résurrection de Jésus ? Avait-il compris son devoir ? Peut-être devrait-elle téléphoner à ses parents et leur expliquer le projet.

 

Ce soir-là, l’évier de la cuisine de l’institutrice se boucha. Elle téléphona à son propriétaire et attendit une heure avant qu’il ne vienne. Après cela, elle avait encore des courses à faire, une blouse à repasser et un contrôle de vocabulaire à préparer pour le lendemain. Elle oublia complètement de téléphoner aux parents de Jérémie.

 

Le matin suivant, dix-neuf enfants vinrent à l’école, en riant et en parlant et tous placèrent leur œuf dans le large panier en osier qui était sur le bureau de l’institutrice. Après la leçon de mathématiques, le temps d’ouvrir les œufs arriva.

 

Dans le premier œuf, l’institutrice trouva une fleur. Oh oui ! dit-elle. Une fleur, c’est certainement le signe d’une vie nouvelle. Lorsque les plantes sortent de la terre, nous savons que le printemps est là. Une petite fille de la première rangée leva sa main et cria : C’est mon œuf, Mademoiselle !

 

L’œuf suivant contenait un papillon en plastique qui paraissait réel. L’institutrice le souleva et dit Nous savons tous qu’une chenille change, grandit et devient un papillon magnifique. Oui, ceci est aussi une nouvelle vie. La petite Aurélie sourit fièrement et dit Mademoiselle Meunier, cet œuf-là, c’est le mien !
L’institutrice trouva ensuite un morceau de rocher couvert de mousse. Elle expliqua également que la mousse parlait de la vie. Benjamin cria du fond de la classe avec son visage rayonnant : mon papa m’a aidé !

 

Lorsque l’institutrice ouvrit le quatrième œuf, elle retint son souffle. L’œuf était vide. Elle se dit que ce devait être l’œuf de Jérémie et qu’il n’avait sans doute pas compris les instructions. Si seulement elle n’avait pas oublié de téléphoner à ses parents ! Afin de ne pas l’embarrasser, elle mit doucement l’œuf de côté et avança sa main pour en prendre un autre.

 

Soudain Jérémie parla et dit : « Mademoiselle, vous ne voulez pas parler de mon œuf ? » Troublée, elle lui dit : « Mais Jérémie, ton œuf est vide ! »

 

L’enfant la regarda alors dans les yeux et lui dit doucement : Oui, mais la tombe de Jésus était vide aussi ! Le temps sembla s’arrêter. Lorsqu’elle put reparler, l’institutrice lui demanda : Sais-tu pourquoi la tombe était vide ? Oh oui ! Répondit-il. Jésus a été tué et mis dedans. Après son Père l’a ressuscité !
La cloche annonçant la récréation, sonna. Dès que les enfants furent sortis de la classe pour aller dans la cour, l’institutrice se mit à pleurer. Le froid intérieur se dissipait complètement.

 

Trois mois plus tard, Jérémie… mourut. Ceux qui se rendirent à la morgue furent surpris de voir dix-neuf œufs au-dessus du cercueil. Tous étaient vides !

 

Ida Mae KEMPEL

 PointKT N° 37 – 2002 –  pages 24 et  25

Les sept dernières paroles du Christ en Croix

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Image  Animation et célébration du vendredi saint, avec des catéchumènes. 

Autant il nous semble naturel de parler du matin de Pâques et de la Résurrection avec les jeunes, autant nous avons souvent une pudeur pour aborder la mort du Christ. Mais il nous faut dire la mort pour affirmer la résurrection. La mort ne peut être séparée de la résurrection, et c’est sur le fond lumineux de Pâques que se profile la croix. C’est à ces préoccupations que répond la méditation des sept Paroles de la croix, que nous aborderons à travers la préparation d’une célébration de vendredi saint. Ce culte a aussi sa place en période de carême. Certains pasteurs ont prêché pendant le carême, chaque dimanche sur une des sept Paroles.
Les sept dernières paroles du Christ en croix étaient autrefois au centre de la liturgie du vendredi saint, avant qu’elle ne soit remplacée, au Moyen Âge, par le chemin de croix. Nous pouvons retrouver des oeuvres musicales qui témoignent de cette liturgie, en particulier chez le compositeur Heinrich Schütz (1585-1672) , réformateur de la musique luthérienne.
L’artiste Macha Chmakoff a magnifiquement peint les paroles du Christ en croix. La proposition de célébration qui suit est directement et librement inspirée du DVD sur les sept tableaux de Macha Chmakoff illustrant les sept dernières paroles du Christ en croix. Nous vous recommandons, si cela vous est possible, de commencer la réflexion en visionnant le DVD avec les jeunes (durée 20 mn)  .
 
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Les sept Paroles du Christ sont extraites des quatre récits de la passion que nous proposent les évangélistes Matthieu, Marc, Luc et Jean. Elles « recèlent en elles-mêmes une immense intensité dramatique : le Golgotha devient un creuset où souffrance et espérance s’enlacent »   Le récit de la mort de Jésus nous est parvenu par les évangiles. Et il n’est pas monocorde. Dès le premier siècle, les communautés ont eu l’audace de nous transmettre quatre lectures pour un événement, quatre évangiles comme mesure de fidélité et de conformité aux paroles du Seigneur. L’ancienne liturgie qui était axée sur la contemplation de la croix, a placé bout à bout ces sept paroles. À travers cette démarche de foi et de piété, nous pouvons entendre la diversité d’approche des évangélistes.
La méditation sur les sept Paroles, a aussi le mérite de nous permettre d’avoir une vision du Christ à travers quatre évangiles, ce que nous n’avons pas trop l’habitude de faire avec nos catéchumènes. Et sept Paroles – sept comme chiffre de la plénitude – qui nous dévoilent un Christ dans sa plénitude, de sa souffrance et de sa confiance, de ses doutes et de son espérance. Plénitude, mais aussi choix contrasté des évangélistes, nous montrant ainsi qu’aucun ne détient la vérité.
Avant de construire une célébration, il faut méditer ces Paroles avec les jeunes, afin qu’ils se les approprient. Pour les aider vous pouvez leur proposer plusieurs pistes :
 
  • Lire les récits de Passion dans les quatre évangiles, les comparer. On peut « oser » choisir « son » Christ : le Christ compatissant de Luc ou le Christ qui nous questionne de Marc. On peut choisir aussi de garder les tensions.
  • On peut aussi mettre en résonance ces récits avec le psaume 22,1 « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » ; Ps 22,16 « ma langue me colle aux mâchoires », etc.
  • On peut aussi réfléchir sur l’ordre de la liturgie, on commence avec le Christ compatissant, on termine sur la pleine confiance, avec un grand cri au centre.
Après avoir lu, réfléchi, partagé la méditation des sept dernières paroles du Christ en croix, il s’agit de construire une célébration. On peut garder l’ordre traditionnel du culte et la méditation sera donc la prédication. Les catéchumènes écrivent leurs réflexions qui serviront pour la prédication. II faut tout de même bouleverser l’ordre du culte en lisant les sept Paroles du Christ en croix, non pas en une seule fois, mais avant chaque méditation. Pour rendre la célébration visuelle, il faudra accompagner la prédication de diapositives préalablement dessinées, peintes, photos montées… par les catéchumènes illustrant les sept Paroles. II existe aussi un diaporama des tableaux de Macha Chmakoff . Vous pouvez aussi exposer des tableaux sur de grands tissus montés sur baguettes de bois dans le temple, ou encore faire des tableaux vivants interprétés par les jeunes. Cette partie visuelle dépend surtout de vos goûts et de vos compétences. Bon courage, et j’espère que cette méditation autour d’une ancienne liturgie saura vous vivifier, ainsi que vos catéchumènes.

Florence BLONDON
PointKT N° 37 Janvier-Février Mars 2002 pages 10 et 11

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Le DVD
Les sept dernières paroles du Christ en croix

Les 7 tableaux de Macha Chmakoft nous introduisent dans une méditation sur les 7 dernières paroles du Christ en Croix qui était autrefois au centre de la liturgie du Vendredi Saint. Ces 7 paroles extraites des 4 récits de la passion des Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean recèlent en elles-mêmes une immense intensité dramatique : « … le Golgotha devient un creuset où souffrance et espérance s’enlacent.»
Le DVD 20 €
En vente par correspondance à la Maison de Production A.M.E. (Audiovisuel, Musique Evangélisation) : 10, rue Henri IV –  69002 Lyon. Téléphone : 04 78 37 45 99 begin_of_the_skype_highlighting            04 78 37 45 99      end_of_the_skype_highlighting – courriel : ame@chemin-neuf.org  ou en librairie du réseau La Procure.

Pour visualiser d’autres œuvres de Macha Chmakoff site : www.chmakoff.com