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- Philippe et l’eunuque éthiopien, fiche biblique

Texte : Actes des Apôtres 8/26-39

 Éléments d’explication 
  • Contexte : Après la mort d’Étienne, les chrétiens de Jérusalem sont victimes
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- Philippe et l’Éthiopien, narration

Narration ; la Fiche biblique est à télécharger Philippe et l’eunuque pour découvrir une belle rencontre… (Actes 8, versets 26 … Lire la suite “Philippe et l’Éthiopien, narration”

- La petite servante du général Naaman


Lire le texte de 2 Rois 5:1-14 dans la version Nouvelle français courant de Parole de vie, c’est plus fluide
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- Le sommeil du juste – Psaume 4

Psaume 4, 9 : Le sommeil du juste !

En paix, je me couche en même temps que je m’endors Lire la suite “Le sommeil du juste – Psaume 4”

- Le sage sur le roc…

Étude de Matthieu 7,24-27 : les deux maisons. Voici une parabole que l’on raconte volontiers aux enfants… et si les Lire la suite “Le sage sur le roc…”

- Les prophètes du retour de l’exil : Aggée, Zacharie et Malachie

Les derniers livres prophétiques dans nos bibles, Aggée, Zacharie et Malachie, se situent tous trois durant une période bien précise, … Lire la suite “Les prophètes du retour de l’exil : Aggée, Zacharie et Malachie”

- Genèse 11 : 1 à 9 : version J.N. Darby

landscape-1431149_640La version de J.N. Darby du texte de Genèse 11 :

1 Et toute la terre avait une seule langue* … Lire la suite “Genèse 11 : 1 à 9 : version J.N. Darby”

- Babylone : une des plus grandes cités du monde antique

ID 1411 Porte dIshtar  Un travail biblique extrêmement fouillé qui pourra servir à diverses animations catéchétiques. On peut rechercher un certain nombre de documents iconographiques sur Internet, en plus de ceux déjà présent dans le document. Bien au-delà du portrait archéologique, historique et architectural de la ville, de ces habitants et de ces divinités, cette synthèse aborde la thématique des hébreux en exil, la politique de Nabuchodonosor et celle de Cyrus, le Messie perse. La fiche introduit aussi les références bibliques et symboliques de Babylone dans le Nouveau Testament et le christianisme.

1 .Babylone : une des plus grande cités du monde antique

À Babylone, tout paraît démesuré aux exilés. La ville est gigantesque, les bâtiments sont immenses.
Nabuchodonosor, voulait faire de sa ville la reine des cités. Le progrès des techniques, le développement économique, l’apport des richesses des territoires conquis donnaient à Nabuchodonosor les atouts nécessaires à la réalisation de son projet.
Tous les talents, dont ceux des élites des pays conquis, furent donc mobilisés pour la gloire de l'Empire.

ID 1411 Empire neo babylonien

Empire babylonien

1.1    La ville
1.1.1     Images de la ville
L'emplacement du site antique n'a jamais été perdu.
Mais on n'a vraiment commencé à s'y intéresser qu'au début du XXe siècle. C'est de là que datent les grandes expéditions archéologiques de cette cité mythique.
Les fouilles montrent que la cité couvrait près de 1000 hectares, soit : 500 ans avt JC, 2 fois plus grande que Paris sous Henri 4 !!
Babylone était une des plus grandes cités du monde ancien.

Le centre royal "intra muros" avait une forme grossièrement rectangulaire (2,5 × 1,5 kilomètre), coupée en deux par l'Euphrate, que l'on pouvait franchir par un pont.
En tant que capitale, Babylone abritait plusieurs palais royaux : le palais sud, le palais nord et le palais d'été (hors de l'intra muros).
Le mur d'enceinte intérieur comportait 8 portes dont la célèbre porte d'Ishtar (une des déesses du panthéon babylonien),

ID 1411 Déesse Isthar

Déesse Isthar

La célèbre porte a été reconstruite dans un musée à Berlin au Pergamon Museum parce que les grandes expéditions archéologiques du début XXe siècle étaient allemandes.
C'est par cette porte que le roi rentrait triomphalement dans la ville après une campagne militaire.

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La célèbre porte d'Ishtar

Babylone est également une ville sainte, avec de nombreux temples dédiés aux différents dieux de Mésopotamie.
Mais le grand temple est l'Esagil, qui est littéralement la maison du roi des dieux : Marduk.

ID 1414 marduk-killing-tiamat-bas-relief

Mardouk tuant Tiamat

1.1.2    Marduk, roi des dieux
La Mésopotamie a vu naître 2 grands mythes fondateurs :
L'un est l'épopée de Gilgamesh qui vient de l'époque sumérienne (retrouvé des tablettes écrites en -2000 / -2200).
Les lecteurs de la Bible rencontrent forcément à un moment ou à un autre l’épopée de cet homme-dieu, Gilgamesh, parce que l'Ancien Testament s'en est beaucoup inspiré (récit initiatique d'un jeune roi : le Juges Samson, présence d'un Dieu soleil Shamash, le déluge).

ID 1411 Gilgamesh 

Gilgamesh

L'autre mythe fondateur né en Mésopotamie c'est l'Enuma Elish
Enuma Elish signifie littéralement Lorsqu'en haut, selon les premiers mots du récit.

Ce texte a été rédigé au -XIIe s (l'époque du retour des hébreux hors d'Egypte et installations en Canaan = Juges) Rédigé sur 7 tablettes et seule la 5ème est manquante, donc quasi complet.

L'Enuma Elish raconte comment le dieu Marduk est devenu roi du panthéon des dieux babyloniens.
Mais surtout ce texte décrit les origines du cosmos, le combat contre le chaos ainsi que la création du monde et de l'Homme.

Début du texte (tablette I, 1-10) :

ID 1411 Enuma elish poème épique « Lorsqu'en haut le ciel n'était pas encore nommé
Qu'en bas la terre n'avait pas de nom [ils n'existaient pas],
Seuls l'océan primordial [l'Apsû] qui engendra les dieux,
Et la mer [Tiamat] qui les enfanta tous,
Mêlaient leurs eaux en un tout.
Nul buisson de roseaux n'était assemblé,
Nulle cannaie n'était visible [la végétation n'existait pas],
Alors qu'aucun des dieux n'était apparu,
N'étant appelé d'un nom, ni pourvu d'un destin,
En leur sein, des dieux furent créés. »
Ce texte fait largement écho avec le texte de la Genèse : ce sont les premiers mots qui donnent le nom ("au commencement, berechit bara") ; rien n'existe, c'est un chaos ; présence de l'eau primordiale ; pas encore de végétation ; les choses n'ont pas été nommées et pour exister Dieu les nomme : "Dieu dit" etc.

 

Pour les Mésopotamiens l'Esagil, est le centre du Monde, le lieu où fut créé toute chose se trouvant sur terre. Babylone était représentée au centre sur les cartes. Et le "centre du centre", c'était l'Esagil.

1.1.3    Le développement de ce royaume
Le développement de Babylone est lié à la volonté des rois qui ramènent chez eux les peuples vaincus, surtout les élites et les artisans qu'ils installent dans des villages.  
Les documents citent des agglomérations nommées selon le pays d'origine de ses habitants : on trouve ainsi une Ascalon, une Gaza, une Qadesh, une Tyr, et également une certaine « ville de Juda ».

Nabuchodonosor a été un grand roi conquérant, comme ses prédécesseurs, mais il s'est aussi beaucoup consacré à l'embellissement de sa capitale. Il voulait que sa ville devienne le cœur spirituel et intellectuel, rayonnant sur le monde civilisé.
Et pas seulement sa capitale : Nabuchodonosor a aussi investi dans le développement économique et architectural des autres villes de son empire (Ur par ex).

Les déportés ont sans doute été affectés à des travaux urbains ou architecturaux de restauration et de construction.
D'autres exilés sont devenus agriculteurs, sur des terres qui leur étaient affectées.

Une autre enceinte jouxtait le Temple de Marduk : la ziggurat qui était, de base carrée 100 mètres de long, qui est sans doute à l'origine d'un autre mythe biblique...

1.1.4    La Ziggurat ou Tour de Babel
Le spécialiste de la Mésopotamie Mario Liverani donne une explication intéressante sur ce récit de la Bible.
Les Ziggurat sont des temples datant d'une première séquence de l'expansion de la Mésopotamie avec les Sumériens (+ de 2000 ans avant notre ère).

L'emploi de la brique crue, juste séchée au soleil, entraine dans cette région une alternance continue d'érosion et de restauration des bâtiments. Certaines Ziggurat étaient laissées à l'abandon au profit de nouveaux Temples comme celui de l'Esagil.

On peut imaginer l'impression que fit l'énorme ziggurat se détachant de l'horizon sur des déportés juifs qui ne connaissaient pas de tels monuments.

ID 1411 Zigourat
Et pour peu que la Ziggurat ait été en partie en ruine (puisque plus utilisée comme Temple) les juifs ont pu fantasmer sur le fait qu'elle n'ait pas pu être achevée à cause d'une malédiction divine.

D'autre part, dans la situation dégradée qui était la leur, ces déportés juifs côtoyaient d'autres déportés, d'origines, de langues et de cultures différentes (araméens, anatoliens, iraniens).
Tous employés sur les grands chantiers de construction et de restauration de Nabuchodonosor, ils ont probablement, concrètement, du vivre les difficultés de communication qui dérivaient de ces mélanges.

La Bible en a d'ailleurs rajouté une couche en introduisant un jeu de mots dans le nom de Babel.
Babylone signifie "la porte de Dieu", mais la Bible dans son récit de la Tour de Babel introduit l'idée de Babil : "lieu de la confusion", qui a donné le "babillage" en français.

Et pour finir cette découverte, est-il possible de parler de la ville sans évoquer les fameux jardins suspendus ?

1.1.5    Jardin suspendus
Les travaux de construction et d'expansion engagés par Nabuchodonosor sont pour beaucoup attestés pour sa gloire dans la littérature de cette époque (textes cunéiformes). Mais étonnamment, aucun texte babylonien n'évoque les fameux jardins suspendus.
Les archéologues n'ont toujours pas réussi à mettre au jour des traces de ces jardins, ni d'une irrigation particulière sur le site.

ID 1411 jardins suspendus

Ils pensent de plus en plus que probablement ces jardins suspendus ont été développés à Ninive où on a retrouvé des traces de jardins spécifiques, ainsi que d'irrigation, et surtout, ces jardins extraordinaires sont cités bien des fois dans les textes assyriens (des confusions entre les 2 villes ont été constatées dans les premiers écrits d'historiens de ces époques).
Ce qui ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu à Babylone, mais qu'on en a perdu la trace.

2.Les hébreux en exil

2.1.1L'installation
Il ne faut pas imaginer la vie des exilés comme celle de prisonniers dans des cellules. Jérusalem était loin pour qu’ils s'enfuient !
L’histoire de l’exil babylonien nous enseigne en effet que la situation des Juifs dans leur nouveau pays s’est même améliorée, au fil des années.
Un changement favorable a même lieu à la mort de Nabuchodonosor en 562. Son fils, Evil-Mérodach prend des mesures clémentes : II Rois, 25, 27-29.

Les hébreux étaient vivaient regroupés (on sait par exemple qu'il y avait des hébreux à Nippour, au sud-est de Babylone (cf. Ézéchiel 1.1n) dans des communautés relativement autonomes, présidées par des anciens de la communauté et des prophètes (Jérémie 29.1 ; Ezéchiel 8.1).
On peut lire dans la Bible que les exilés semblent mener une vie plutôt confortable, parfois même prospère (quelques-uns ont même des esclaves Esdras 2.65,).
Certains ont gravi les échelons de la société pour devenir commerçants, bijoutiers, clients d’une banque dont on a retrouvé les archives. D'autres auront de hautes fonctions à la cour.
Si la Bible atteste que les hébreux ont pu s'installer, prospérer et jouir d'une certaine autonomie, d'autres sources insistent sur la tristesse du « petit reste » d’Israël sur cette terre étrangère.

1.1.2    Si je t’oublie Jérusalem…
Lire Esaïe 49, 8-10 et Psaume 137
Ces textes évoquent la servitude, les ténèbres, les cachots, les larmes au bord du fleuve. Une crainte domine : celle d’oublier Israël
Ce serait la pire des malédictions si le peuple oubliait, car la théologie vitale pour les juifs, aujourd'hui encore, c'est "souviens-toi".
Souviens-toi comme ton Dieu t'as libéré hors d'Egypte, souviens-toi comme ton Dieu est intervenu dans ton histoire, souviens-toi….

Mais on voit bien que ce sentiment de nostalgie pour Sion était probablement mitigé ; tous ne le partageaient pas au même degré. Certains se sont très bien accommodés de leur vie dans cette cité développée. Quand ils auront la liberté de retourner au pays, beaucoup choisiront de rester sur place.

Il y a donc eu un phénomène d'assimilation d'une partie des juifs du Royaume de Juda en Babylonie. Comme cela s'est d'ailleurs passé pour les déportés de Samarie en Assyrie après la chute de Samarie en 721, et pour les réfugiés hébreux en Egypte (Juifs qui s'enfuirent en Egypte en -586 après l'assassinat du gouverneur Guédilia nommé par Nabuchodonosor) qui se sont complètement fondus dans ces pays d'accueil.
Donc, selon toute apparence, la réponse au choc de l’exil va être essentiellement littéraire.

Pour garder une cohésion politique, mais surtout religieuse, les anciens des communautés, les prophètes, les scribes qui se trouvent là commencent à consigner par écrit les traditions orales qui portent la foi du peuple. La communauté juive s'organise…

2.1.3 La communauté s'organise
Les Israélites captifs à Babylone ne se sont pas assimilés et ont su non seulement conserver, mais aussi approfondir leur patrimoine spirituel et leur originalité au milieu des nations païennes.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette fidélité :
Juste avant le départ à Babylone, une partie de la Thora venait d'être mise par écrit : les exilés ne partaient pas les mains vides et les écrits qu’ils emportaient avec eux serviront de repères pour leur foi.

D’autre part, ce sont les élites du pays qui ont été déportées : plus instruits, mieux préparés à s’organiser, privés de temple et donc de culte, ces élites ont su se resserrer autour de la Loi.
Sans économie sans politique, la seule instance efficace pour unir le peuple juif était la religion.

Enfin une profonde conviction les animait : n’étaient-ils pas le Petit Reste qui avait survécu et à qui Dieu confiait maintenant la responsabilité de porter l’espérance d’Israël ?
Pouvaient-ils oublier les promesses de Dieu ?

Leur réaction face à l’envahisseur est très particulière : ils ne se révoltent pas. Cela faisait plusieurs siècles que l’alliance entre Dieu et son peuple n'était plus trop respectée en Israël, et qu'elle a été souvent trahie par l’adoration des dieux étrangers.  
Voilà pourquoi, annoncent les prophètes, cet exil doit être considéré comme une punition justifiée.
En ce sens, Nabuchodonosor devient un instrument de Dieu pour punir ce peuple infidèle et ce dernier ne doit pas se révolter.
C'est ce que leur conseille le prophète Jérémie, lui qui est resté sur place en Israël, dans une lettre qu'il leur envoie : Jérémie 29, 4-14

Jérémie ne propose pas au peuple juif de s'assimiler aux pratiques étrangères. Mais de s'installer, de vivre dans la prospérité, tout en attendant l’heure de la délivrance, la chute de Babylone.

Tout cela fera que les hébreux ne se sont pas laissé entrainer au polythéisme environnant et que leur séjour en Babylonie va au contraire leur permettre d'approfondir leur foi.

2.1.4 L’approfondissement de la foi
Une question centrale taraude ce petit reste : Dieu est-il encore avec son peuple ?
Dans l'Antiquité, un dieu était dieu sur une certaine terre mais pas ailleurs. Hors de sa terre, que pouvait faire Yahvé ?
Les psaumes ne manquent pas de rapporter les questions des étrangers : « Où est-il, ton Dieu ? » (par ex. Psaume 42,11).
La découverte faite en exil est une découverte universelle dans un temps d'épreuve : c'est la découverte de la présence inconditionnelle de Dieu aux siens : Dieu est présent dans le malheur.

La théologie fait un pas en avant : si Dieu est là, en terre étrangère, c'est donc qu'il est Dieu partout dans l'univers.
Tous les Hommes peuvent croire en lui.
Ce Dieu Yahvé devient donc aussi créateur du tout : du cosmos, du monde, de la nature. C'est l'affirmation centrale du récit de Genèse 1, écrit pendant cette période.

À ce questionnement s'ajoute le désarroi causé par la perte des piliers traditionnels de la foi juive : la terre, le roi, le temple.
Autour de quoi la foi va t-elle maintenant se structurer ?
L'exil fait émerger trois nouveaux piliers :
> l'Écriture, tout d’abord. On rédige les grands textes qui, au retour, seront regroupés dans la Torah : notamment on raconte l'histoire d’Israël (Josué, Juges, Samuel, Rois) qui explique le désastre par l’infidélité du peuple et de ses dirigeants
> Les synagogues, remplacent le Grand Temple unique
> les pratiquent rituelles, comme le respect du sabbat ou la circoncision sont instituées comme sacrées

La Captivité est finalement assez courte (56 ans).
Mais en réalité elle sera un temps privilégié pour la maturation de la foi d’Israël.

3    . Cyrus, le Messie perse

En 539 av. J.-C., Cyrus le Grand, roi de Perse, s’empare de Babylone et adopte une nouvelle politique : il se refuse à suivre la politique des déplacements de populations.
Cyrus savait que pour maintenir la paix dans son vaste empire il fallait respecter la langue, la religion et les traditions des peuples vaincus.
Les textes officiels furent désormais trilingues et l’une de ces langues était celle des gens de la province.

Dans le domaine religieux, la méthode de Cyrus fut diamétralement opposée à celle des Babyloniens qui détruisaient et profanaient les territoires asservis.
Dès la première année de son règne, Cyrus fit l’Édit d’Ecbatane que nous pouvons lire : Esdras 6, 3-5

Toutes ces bienveillances de Cyrus le feront nommer "Messie" par les exilés juifs. Un homme, issu de la lignée du Roi David, qui amènera à la Fin des temps, une ère de paix et de bonheur, éternelle et dont bénéficieront la nation israélite et le monde, qui s'élèvera avec elle.
Désormais ils peuvent rentrer au pays, mais quelques-uns seulement feront ce choix.
La colonie qui retourne à Jérusalem pour reconstruire se considèrera en Judée comme le véritable Israël (cf. Jr 24), et entrera en conflit avec ceux qui sont demeurés sur place pendant l’exil (le peuple du pays dans Esdras [3.3n] et Néhémie ; cf. Ezéchiel 11.15 ; 33.24ss ; voir aussi Samaritains*).

Plusieurs fiches bibliques en rapport avec ce thème de l'exil et préparées par Jean Hadey sont dispoibles sur le site "PointKT" sous le titre "Espérer en Exil"

4    Babylone en tant que symbole

Une forte valeur symbolique a été attachée au nom Babylone au fil des temps.

4.1    Pour la Bible hébraïque
Babylone est le symbole de l'orgueil des Hommes et des puissants du monde, présentée en opposition avec un Israël fidèle à Yahweh.

4.2    Pour le Nouveau Testament et particulièrement dans l'Apocalypse
Babylone représente la société mercantile, décadente, déshumanisée et pervertie. Elle est associée à la Grande prostituée, la fausse religion.

ID 1411 Papessa tiara

4.3    Symbolique rastafari
Les rastafaris y voient l'image de l'esclavage par les puissants du monde. C'est la suite du combat entre Abel le nomade, et Caïn le sédentaire qui construit des villes pour se mettre à l'abri de la nature hostile depuis qu'il a tué son frère.

4.4    Mouvements écologistes
Babylone sert de référence à un grand nombre de militants écologistes et de la décroissance. Pour eux une société qui n'a d'autre objectif que la croissance (économique, énergétique, etc) ne peut aller qu'à sa perte.

4.5    Interprétations chrétiennes
Pour le catholicisme, elle représente la Rome païenne des premiers siècles de l'ère chrétienne.
Les protestants y ont vu un symbole de l'Église catholique romaine. Les Témoins de Jéhovah, par extension, y voient une représentation de toutes les autres religions hormis la leur.

Bibliographie et sources

- LIVERANI Mario, La Bible et l'invention de l'histoire, Bayard, 2008
- HADAS-LEBEL Mireille, Entre la Bible et l'Histoire, Le peuple hébreu, Gallimard, 1997
- Yehezkel Lévy, « L’exil de Babylone : les sources traditionnelles et la question de l’émancipation », Labyrinthe [En ligne], 28 | 2007 (3), mis en ligne le 21 septembre 2007, consulté le 24 novembre 2014. URL : http://labyrinthe.revues.org/2853
- DOWLEY Tim, Atlas de l'étudiant de la Bible, Ed. Farel, 1989
- article "Babylone un symbole", Wikipédia : http://fr.wikipedia

 

 

 

 

 

< Lire la suite Babylone : une des plus grandes cités du monde antique

- Joseph, beau et favorisé de forme

 

  Les textes bibliques - qui sont pour nous et dans la foi Parole de Dieu - ne nous appartiennent pas…
Nous n’en avons pas l’exclusivité. Prenons par exemple la sourate XII du Coran.
« La sourate XII du Coran ?!? » Ben oui, Genèse 37 à 50, quoi !

Comment imaginons-nous Joseph ? Le Joseph que nous- chrétiens – connaissons : un hébreu du livre de la Genèse (chapitres 37 à 50), un sémite en Égypte … Comment l’imaginons-nous dans cette Égypte où il est d’abord amené et malmené comme esclave, vendu, emprisonné ? Comment l’imaginons-nous dans ce pays a priori inhospitalier, où il devient le conseiller du Pharaon ?
Comment les lecteurs du Coran imaginent-ils Yussuf ?
Comment son histoire est-elle transmise, par exemple dans le récit de Ibn CIsa Ahmad (en 973 de l’Hégire, c’est-à-dire 1565 de l’ère chrétienne ) ?
Et comment serait-elle écrite aujourd’hui, comment s’inscrirait-elle dans le contexte que nous connaissons à propos du pays de Canaan... et de l’Égypte actuelle ?
Et comment les croyants d’Amérique latine, d’Inde ou de Madagascar lisent-ils et interprètent-ils le récit concernant Joseph, dans leurs réalités propres ?
Autant de questions dont les réponses nous confirment que les textes bibliques ne nous appartiennent pas…

Bible, Genèse 39, fin du verset 6 : « Et Joseph était beau/élégant/racé, bien formé/favorisé de forme »
Coran, Saurate XII.30. Et dans la ville, des femmes dirent : "La femme d'Al-Azize essaye de séduire son valet! Il l'a vraiment rendue folle d'amour. Nous la trouvons certes dans un égarement évident." 31. Lorsqu'elle eut entendu leur fourberie, elle leur envoya [des invitations,] et prépara pour elles une collation [des oranges]; et elle remit à chacune d'elles un couteau. Puis elle dit : "Sors devant elles, [Joseph!]" - Lorsqu'elles le virent, elles l'admirèrent, se coupèrent les mains et dirent : "à Allah ne plaise! Ce n'est pas un être humain, ce n'est qu'un ange noble! "
(Vous trouverez l’ensemble de la Sourate XII sur internet.)

  « Le récit de Joseph, qu’il soit en paix », de Ibn CIsa Ahmad : (Zulaykha  lui dit) : « Oh Joseph, rien n’égale le noir de tes yeux, ni le noir de tes cheveux, ni les fossettes de tes joues. Aucun parfum n’est aussi pur que le tien, aucune démarche aussi innocente. […]Soumets-toi à moi et je me convertirai à l’Islam avec ton aide » […] La nouvelle se répandit dans Misr parmi toutes les dames qui s’écrièrent : « Zulaykha aime un des adolescents ! » Zulaykha invite alors l’épouse du ministre du Souverain, l’épouse de son chancelier, l’épouse de son vicaire et l’épouse de son trésorier. À chacune elle présente un citrus et un couteau et leur dit : « Jurez-moi toutes que si Joseph venait à vous et vous le demandait, vous lui donneriez chacune une part de citrus… » […] Il ressemblait à l’astre lunaire dans sa nuit de plénitude. Quand les femmes le virent, elles se troublèrent et perdirent la raison à la vue de sa beauté. « Ce n’est pas un être humain, on dirait un ange par son essence ! » Elles ressentirent un tel trouble qu’elles se tailladèrent les mains…

 

Le récit d’Ibn CIsa Ahmad, inspiré de l’histoire de Joseph, et étudié par Faïka Croisier*,
est écrit à la fin du règne de Soliman le Magnifique, Soliman le Législateur. L’empire ottoman est à son apogée (voir http://www.lib.utexas.edu/maps/historical/shepherd/ottoman_empire_1481-1683.jpg) et Soliman, tout en étant lié à l’Islam et à la loi suprême de la Charia, promulgue des lois pour soulager le sort des rayas, serfs chrétiens, et le sort des réfugiés juifs qui fuient l’Espagne et l’Europe centrale.
En résumé, en ce temps là, le vaste empire ottoman est une terre d’accueil pour les trois religions monothéistes, et l’Égypte en particulier est une province d’abondance et de bénédictions… He oui... !
Ce qui transparaît dans la narration d’Ibn CIsa Ahmad.
*« L’histoire de Joseph, d’après un manuscrit oriental », un ouvrage de Faïka Croisier aux Éditions Labor & Fides, Arabiyya 10, avec la préface du Professeur Robert Martin-Achard, 1989.
 

Joseph dans son récit est tout de suite apprécié par son maître égyptien Al-CAzïz qui est tenté de l’adopter.
L’auteur, au XVI sc, est l’héritier d’une succession de narrateurs, dans une tradition orale et écrite qui ne s’appauvrit pas. Dans sa culture, il est normal d’en apprendre autant des commentateurs des histoires que des récits eux-mêmes…
Et il a une intention, tout comme nous-mêmes nous désirons porter, transmettre et/ou recevoir un enseignement lorsque nous partageons un récit biblique. Dans la version étudiée ici, le narrateur musulman met l’accent sur l’homme éprouvé mais triomphant des difficultés au moyen de la foi, et sur l’accomplissement de la volonté de Dieu le Tout Puissant et Miséricordieux. Qu’est-il dit là que nous ne puissions partager ?
Le narrateur place aussi le lecteur devant un choix : qui doit gouverner nos vies ? Est-ce Joseph, un homme exemplaire ? Est-ce Pharaon (ou le Sultan, ou n’importe quel homme politique, fut-il « religieux »), qui utilise l’homme exemplaire comme prétexte pour assoir son gouvernement ? Ou est-ce Dieu, auquel tout homme peut s’abandonner avec confiance en toute circonstance ?
Dans son (long) récit de l’histoire de Joseph, Ibn CIsa Ahmad aménage régulièrement des pauses dans lesquelles il invite les auditeurs à la prière: « Nous reprendrons le récit lorsque tous ceux ici présents auront prié pour le Pur.»

 
Nous avons déjà beaucoup de travail, comme moniteurs et catéchètes, à témoigner de notre foi chrétienne sur base de la Bible que nous connaissons (un peu).
Peut-être à certains moments, pourrons-nous  lire certains textes dans le Coran, juste pour voir… Peut-être auront-nous l’occasion d’entrer dans un groupe de dialogue interreligieux ? Peut-être pourrons-nous nous pencher sur l’Histoire, celle du passé qui précède notre actualité et qui bien souvent nous éclaire sur le présent ? 

En tant que témoins et enseignants, dans le contexte actuel, il est de notre difficile responsabilité de partager la foi en Dieu sans prétendre aveuglément en avoir le monopole… Partager sa Parole, sans en avoir le monopole… C’est un point important de notre mission, et un challenge vis-à-vis des enfants avec lesquels nous souhaitons partager notre identité chrétienne, dans le contexte européen d'aujourd'hui.

« A présent, nous ne voyons qu'une image confuse, pareille à celle d'un vieux miroir ; mais alors, nous verrons face à face. A présent, je ne connais qu'incomplètement ; mais alors, je connaîtrai Dieu complètement, comme lui-même me connaît. Maintenant, ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance et l'amour ; mais la plus grande des trois est l'amour. » 1 Cor 13.12-13
« Pas de monopole » : voilà ce que nous dit l’apôtre Paul, voilà ce que nous dit aussi le beau Joseph !

 

 

 

Lire la suite Joseph, beau et favorisé de forme

- La visite des mages : approche narrative d’une fiction théologique

 ID 1367 chapo

L'épisode de la venue des mages à Bethléhem est un récit depuis longtemps prisonnier du folklore de Noël. Dépouiller cet épisode du revêtement merveilleux dont plusieurs siècles d'histoire l'ont revêtu  devrait aider à redécouvrir l'interpellation que l'évangéliste souhaitait adresser à ses auditeurs de la fin du premier siècle.

Ci-contre cartouche des (rois) Mages à Arras - cliché J.-M. Vercruysse.


Le récit dans le cadre littéraire et religieux du premier siècle

Le récit de la visite des mages s'apparente aux récits légendaires relatant les événements extraordinaires entourant la naissance d'un personnage important (phénomènes célestes, intervention de mages et autres astrologues). La littérature juive et païenne offre de nombreux motifs parallèles à cet épisode de la visite des mages • Ainsi Pline (Histoire Naturelle 30,1, 16) et Suétone (Vie des Césars, Nero 13) rapportent la venue de mages de Perse pour honorer Néron, en 66, sur l'indication des astres, qui repartent ensuite par un autre chemin. La haggadah du petit Moïse propose les rapprochements les plus significatifs avec l'ensemble du chapitre. Des astrologues (cf le commentaire de Rachi sur Ex 1,22 ; pour Flavius Josèphe, Antiquités Juives 2,205, il s'agit d'"un scribe expert à prédire exactement l'avenir") annoncent à Pharaon la naissance de Moïse, Pharaon s'alarme et ordonne le massacre des enfants mâles (Flavius Josèphe, Antiquités Juives 2,206). Dans le contexte propre à Matthieu, le récit se rapproche à certains égards du commentaire midrashique .

La question des sources de l'épisode, et plus largement de l'ensemble constitué par Mt 1,18-2,23, est très controversée . Matthieu a-t-il utilisé des traditions - orales ou écrites - circulant dans son univers religieux ou le récit est-il une composition originale se basant sur un genre littéraire existant ? En faveur de la première hypothèse, on souligne que l'ensemble constitué par Mt 1,18-2,23 fait apparaître une double tradition ; l'une centrée autour du personnage de Joseph (1,18-25 ; 2,13-15 ; 2,19-23), l'autre autour d'Hérode (2, 1-12 ; 2, 16-18). Matthieu aurait recueilli ces deux traditions et les aurait enchâssées. À l'encontre de cette hypothèse, on fera valoir que l'ensemble constitué par les quatre épisodes du chapitre 2 est indissociable : l'épisode de la fuite en Égypte (v. 13-15) et celui qui rapporte le retour à Nazareth (v. 19-23) n'ont de sens que par 1' existence de 1' épisode de la venue des mages (v. 1-12) et celui de la colère d'Hérode (v. 16-18) .
Par ailleurs, le style et le vocabulaire matthéens se font fortement sentir dans l'ensemble du chapitre. Il est de toute manière impossible de répondre de manière définitive à la question des sources ; Mt a probablement travaillé à partir de traditions qu'il est aujourd'hui difficile de reconstituer.

Les mages et l'étoile

Le terme « mages » (magos)  9 est dérivé du nom d'une caste sacerdotale de l'ancienne religion perse (Hérodote 1.101, 120, 128). Les mages étaient spécialistes en astrologie et astronomie. Par extension, dans l'antiquité, le terme désigne ceux qui possèdent une connaissance supérieure, les astrologues, les interprètes de rêves (Josèphe, Ant 10.195, 216) mais aussi les magiciens et sorciers de toutes sortes (Philon, De Specialibus Legibus 3,93). Les traditions bibliques (Ancien Testament : Dt 18,9-12 ; Es 4 7,13 ; cf. l'utilisation du terme dans une des versions grecques de Daniel : 1,20 ; 2,2.1 0.27 ; 4,4 ; 5, 7.11.15 ; Nouveau Testament : Ac 13, 6.8) et rabbiniques sont généralement critiques à l'encontre des pratiques divinatoires. Chez Matthieu cependant, aucun indice textuel ne permet de déprécier la figure des mages ; pour lui, ils sont vraisemblablement des savants, hommes sages, venus du monde païen (l'Orient- apo anatolon cf. Nb 23,7 LXX désigne ici tout ce qui est au-delà du Jourdain). Même si l’évangéliste ne le précise pas, le lecteur peut ainsi  induire qu'il s'agit là de l'élite spirituelle du monde  païen . Il faut ici faire l’effort de replacer la pratique de l'astrologie dans le contexte d'une époque où elle est indissociablement liée à 1'astronomie et constitue ainsi une véritable science.

Le thème de l'apparition d'une étoile à l'occasion de la naissance d'un personnage important est un topos classique de la littérature de l’époque. Les parallèles sont nombreux . La prophétie du devin Balaam (Nb 22,7) - venu de l'Orient (Nb 23,7) - sur l'étoile de Jacob (Nb 24, 17), dont l'interprétation messianique est très fréquente en particulier à Qumran (ainsi Écrit de Damas 7,18-21 ), offre sans doute un arrière-plan plausible à notre passage. L'étoile est, dans les traditions juives, une métaphore du Roi-Messie ; dans le Nouveau Testament, Jésus est lui-même l'étoile du matin, cf. 2P 1,19 ; Ap 22, 16. Il convient donc ici de ne pas tomber dans le piège du concordisme : ni comète, ni supernova, ni conjonction planétaire mais bien intervention miraculeuse de Dieu.

Analyse du récit

Contexte
La péricope est inséparable des trois qui lui font suite (v. 13-15 ; v. 16-18 ; v. 19-23) avec lesquelles elle forme un ensemble cohérent consacré à l'enfance de Jésus. Ce thème est construit autour d'un parcours géographique  dont la signification est avant tout théologique. À côté du déplacement des mages (de l'Orient à Jérusalem, de Jérusalem à Bethléhem et de Bethléhem vers l'Orient), le chapitre 2 est en effet articulé autour des déplacements de Jésus qui naît à Bethléhem (v. 1), est conduit en Égypte (v. 13), ramené en « terre d'Israël » (v. 21) et installé « dans la région de Galilée » (v. 22), à Nazareth (v. 23).
Le chapitre 2 est d'ailleurs saturé de références géographiques, puisqu'on en compte pas moins de 22 , et que les quatre citations scripturaires font référence à un lieu précis (cf. v. 6, 15b, 18 et 23).

Structure

Deux découpages sont envisageables. Insistant sur l'opposition entre la royauté de Jésus et celle d'Hérode, on peut proposer une structure en deux parties principales: après l'introduction annonçant l'arrivée et le projet des mages (v. 1-2), la première partie (v. 3-9a) relate la rencontre entre les mages et le « faux » roi des juifs ; la seconde partie (v. 9b-11) relate la rencontre entre les mages et le « vrai »roi des juifs, le v. 12 constituant la conclusion . On peut aussi rendre compte de l’organisation de la péricope selon une structure plus dynamique  : v. 1-2, arrivée des mages à Jérusalem et formulation de leur projet ; v. 3-6, trouble d'Hérode et intervention, sur ses ordres, des grands prêtres et des scribes ; v. 7-8, entrevue d'Hérode avec les mages ; v. 9-11, les mages trouvent Jésus ; v. 12, les mages retournent chez eux .

Lecture du texte

- Versets 1-2 : état initial

L'ensemble des protagonistes et des lieux essentiels au développement de 1'intrigue est présenté de façon extrêmement concise : Jésus, Hérode et les mages ; Bethléhem, Jérusalem et l'Orient. La naissance de Jésus est relatée de façon lapidaire. Au plan narratif, la précision est indispensable dans la mesure où 1,18-25 s'en tenait aux circonstances précédant celle-ci. Matthieu en indique le lieu (la précision « de Judée » sert moins à distinguer la cité d'origine du roi David - cf. l S 17,12- de Bethléhem de Zabulon- cf. Jos 19,15 -, qu'à préparer la citation scripturaire du v. 6), et l’époque (sous Hérode le Grand qui régna de 37 av. J.-C. à 4 av. J.-C. ). La naissance a ainsi une portée religieuse (Bethléhem) et politique (Hérode) dont la suite du récit va préciser la teneur.
Par l'expression publique de leur quête (v. 2), les mages jouent le rôle de révélateurs involontaires d'une opposition entre le Roi Hérode à Jérusalem et le Roi Jésus à Bethléhem. La suite du chapitre va en montrer le caractère irréductible. Les mages cherchent le roi des juifs dont ils ont vu l'étoile en te anatole (même expression au v. 9). On peut alors penser qu'il s'agit d'exprimer la situation de l'astre, le point cardinal en quelque sorte, à l'orient ou au levant : l'étoile du roi des juifs apparaît à l'orient, du côté des païens, pour les guider vers le Christ. Les mages viennent pour adorer (proskunesai). On a pu parler ici d'une adoration épiphanique  : par leur attitude, les mages reconnaissent la révélation divine dont ils sont bénéficiaires.

Or, s'ils se mettent en route grâce à 1'étoile, les mages n'arrivent pas à Bethléhem mais à Jérusalem d'où l' étoile paraît absente .

- Versets 3-6 : complication

Le trouble suscité par les mages peut être une simple émotion causée par un fait insolite ; il peut aussi résulter d'une révélation (cf. Lc 1,12 : Zacharie troublé par l'apparition de l'ange du Seigneur ; Mt 14,26//Mc 6,50 : les disciples troublés par l'apparition de Jésus marchant sur les eaux ; Lc 24,38 : les disciples troublés par 1'apparition du ressuscité ; cf., dans des contextes de révélation, Tobie 12,16 ; Dn 5,9 ; 7,15, version Theodotion ). Il s'accompagne alors, le plus souvent, de la crainte liée aux manifestations du divin. Compte tenu du genre littéraire de l'ensemble constitué par Mt 1,18-2, 23, c'est ce dernier sens qui nous paraît ici le plus probable : les propos des mages constituent, pour Hérode, une révélation. Loin cependant de le pousser à la crainte et à l'adoration, elle produit chez lui une opposition mortelle à celui en qui il découvre un concurrent. Hérode joue ici le rôle de Pharaon par rapport à Moïse : son attitude suggère le thème biblique de l'endurcissement. L'expression « tout Jérusalem » signifie-t-elle que la ville partage ce sentiment et cette attitude ? Le met' autou (« avec lui») plaide en cette faveur : pour Matthieu, Jérusalem représente déjà la ville où Jésus va mourir.

Hérode assemble (v. 4) les grands prêtres et les scribes. La mention du « peuple » fait écho à l,21 et annonce 2,6. Pour la reconnaissance de son Messie (au v. 4, le terme Christos doit être traduit par « Messie » puisqu'il s'agit non pas de Jésus mais du titre générique) le peuple est à la merci de ses responsables religieux. Sans doute, la non-reconnaissance du Messie par Israël fut-elle un trouble pour 1' évangéliste et sa communauté, d'autant plus que, comme le montrent les v. 5-6, les scribes avaient, selon Matthieu, tous les éléments pour qu'elle soit possible. La justesse de la démarche exégétique des responsables religieux d'Israël (v. 5-6) ne produit aucun déplacement de ces derniers vers Bethléhem : ils sont immobiles, enfermés dans leur savoir théorique. L'immobilisme qui les caractérise est ici le signe de l'opposition et de l'incrédulité. Dès le début de son évangile, quoique de manière encore mesurée, Matthieu construit négativement le personnage des chefs du peuple.

La réponse des responsables religieux à la question d'Hérode n'est pas, à proprement parler, une citation d'accomplissement (ces dernières apparaissent toujours comme des interventions de l'évangéliste lui-même dans son récit, cf. en Mt 1-2 ; 1,22-23 ; 2,15. 17-18 et 23). La référence aux Écritures n'en a pas moins d'importance ici. Le texte auquel se réfèrent les chefs du peuple est Mi 5,l-3 (+ 2 S 5,2). Matthieu diffère à la fois de la LXX et du texte hébreux. Les trois corrections majeures sont d'abord le remplacement d'Ephrata par terre de Juda, ensuite le renversement complet de la proposition affirmative en proposition négative (tu n'es certainement pas) et enfin, l'adjonction de 2 S 5,2 à la place de Mi 5,3. Comme ses contemporains juifs, Matthieu manie les Écritures avec une grande liberté, au service de sa conviction de la messianité de Jésus. L'utilisation de Mi 5,1-3 s'explique par deux raisons principales : d'une part le passage faisait déjà l'objet, dans les traditions juives contemporaines de Matthieu, d'une interprétation messianique (cf. le Targum de Michée), d'autre part la mention, au v. 2a de la femme enceinte, non reprise par Matthieu mais connue de ses auditeurs.

- Versets 7-8 : dynamique

À la différence des chefs du peuple, Hérode, lui, réagit. Il convoque les mages en secret (lathra, déjà utilisé pour exprimer le projet de Joseph de répudier Marie). Ici le secret ne peut être interprété que comme machination. Le terme contraste en effet avec la publicité faite par les mages à leur arrivée, le trouble de tout Jérusalem et le cadre de révélation donné à 1'ensemble de la péricope. À ce point du récit, c'est le seul indice textuel relativement explicite d'un projet négatif d'Hérode. Il recoupe cependant l'image que l'auditoire matthéen a vraisemblablement construit sur la foi de ce qu'il connaît de la figure historique d'Hérode comme souverain usurpateur, inquiet et cruel. Par touches successives, Matthieu connote ainsi l'image négative d'Hérode jusqu'à sa pleine révélation au v. 13. Ainsi s'explique, au v. 7b, l'interrogation des mages par Hérode : narrativement, elle prépare l'énoncé de son projet meurtrier au v. 16 ( comp. le v. 7b et le v. 16b). De même encore, 1'énoncé de son intention d'aller lui-même adorer l'enfant (v. 8b) ne peut tromper le lecteur. Si Matthieu utilise ici le même terme pour les mages et pour Hérode (« adorer »), le lecteur est invité à être attentif : il y a loin de la parole aux actes, de l'intention exprimée à l'intention réelle.

- Versets 9-11 : résolution

Après leur entrevue avec Hérode, les mages poursuivent leur route. Plutôt qu'obéir, akousantes (v. 9) signifie, dans ce contexte, entendre (cf 2,3.18 et 22) : les mages sont au bénéfice des informations que leur donne Hérode. On peut cependant s'interroger sur la valeur réelle que Matthieu accorde à ces informations, puisque l'étoile réapparaît aussitôt après le départ de Jérusalem, quand Hérode disparaît de la scène. C'est elle en dernière instance, et non Hérode, qui guide les mages. C'est elle, enfin, et non les informations données par Hérode, qui suscite la joie des mages. Cette joie (ailleurs chez Mt : 13,20.44 ; 25,21.23 ; 28,8) est soulignée par l'évangéliste de façon emphatique. Elle est un indice supplémentaire (avec le thème du projet d'adoration accompli au v. 11) de la construction positive du personnage des mages. Le vocabulaire du v. 11 produit un contraste frappant. D'un côté le geste d'adoration des mages et la qualité de leurs présents (une allusion au pèlerinage eschatologique des nations qui apportent à Sion le meilleur de leurs produits ; cf. Es 60,6 ; Psaumes de Salomon 17,31), sans oublier auparavant l’apparition de l’étoile, l'entrevue avec Hérode à Jérusalem, la confirmation des Écrits sacrés. De l'autre le caractère dépouillé de la royauté de Jésus : une maison, un enfant avec Marie sa mère.

- Verset 12 : état final

Le retour des mages dans leur pays « par un autre chemin » fait suite à une révélation spéciale. Avant que le lecteur ne sache encore ce que manigance Hérode, il sait pourtant qu'il n'est pas, qu'il n'a jamais été, le maître de la situation : Dieu, par son intervention souveraine, rompt définitivement le lien entre les Mages et Hérode.
Conclusion
« C’est paradoxalement aux personnages les plus susceptibles d’éveiller la méfiance du lecteur enraciné dans la tradition biblique que Matthieu a choisi de confier le rôle positif en Mt 2,1-12 » annonçant « le rejet de Jésus par les représentants d’Israël et son accueil joyeux par les païens ». D’une certaine manière, l’adoration des Mages trouve un écho lointain dans la finale de Mt 28,17-20 où le Christ Ressuscité envoie ses disciples vers toutes les nations : « En ces versets conclusifs du premier évangile où le Ressuscité s’adresse au Onze prosternés devant lui, le mouvement évoqué est inverse : il n’y est plus question des Nations qui marchent vers Bethléem, mais des disciples envoyés vers elles depuis une montagne de Galilée. L’autre chemin par lequel les Mages sont rentrés ne prépare-t-il pas, dans la perspective de Matthieu, la route qu’emprunteront plus tard les disciples pour aller là où une étoile a d’abord parlé ? » . Si tel est le cas, alors ce récit des Mages constitue le premier volet d’une grande inclusion enchâssant un récit par lequel l’évangéliste veut convier son lecteur à comprendre la dimension universelle du messianisme dont il est le témoin.

Thèmes théologiques

- Le contraste entre la démarche positive des mages étrangers et l'opposition ou l'indifférence des autorités politiques et religieuses juives est le moteur principal de l'intrigue. On peut insister sur le fait que l'épisode porte les germes du conflit à venir entre Jésus et son peuple (sous l'aspect de ses responsables politiques et religieux) qui aboutira à la Passion. On peut aussi souligner qu'il préfigure l'universalisme matthéen (sous le signe du déplacement des savants païens vers Jésus et de leur adoration).

- L'épisode amorce également une réflexion sur l'intervention de Dieu dans l'histoire. Jésus est inscrit dans une histoire dont il est, pour l'heure, un acteur passif. Matthieu ne dit pas que Dieu dirige l'histoire (ni le contraire) mais qu'il intervient par des signes forts, des révélations particulières ou encore dans les Écritures. C'est la réaction des individus à ces interventions qui provoque les événements dont ils ne sont cependant pas les maîtres. Pour les uns (les mages) c'est une mise en marche dans la confiance ; pour d'autres (Hérode), l'intervention de Dieu est une contestation de leur pouvoir et ainsi l'occasion d'une opposition.

- À la lecture de ce récit, on peut également être conduit à réfléchir à 1' articulation entre sagesse humaine et Révélation divine. Les mages se mettent en marche sur la base d'une révélation miraculeuse (l’étoile) que leur fonction (leur science) les prédisposait à découvrir. Il est ici à rappeler qu'ils arrivent à Jérusalem et non pas à Bethléhem (n'est-ce pas leur sagesse humaine qui les a conduits à la capitale des rois d'Israël ?) et que l'étoile ne réapparaît que lorsqu'ils quittent Hérode . À l'inverse, Hérode et les chefs du peuple connaissent, par les Écritures, ce que les mages cherchent depuis l'Orient lointain. Ce savoir objectif n'est cependant pas synonyme de foi. Les Écritures en elles-mêmes ne produisent pas la foi .

- Au final, faut-il aller jusqu'à dire avec tel exégète , non seulement que l'astrologie s'incline, mais encore, que l'évangéliste souligne la suprématie du Seigneur sur les « Éléments du monde » (Ga 4,3) ? Une chose est sûre : au terme de leur périple, les mages s'en retournent par un autre chemin !

Élian CUVILLIER

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