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Noël, le temps et l’argent

« Le temps et l’argent » est une saynète de noël proposée par le pasteur-vicaire, Nicolas Brulin, UEPAL. C’est une libre adaptation de l’histoire « Mon noël préféré » . L’auteur propose dans l’introduction, la présentation des planches  de dessin (ou  Kamishibaï)  illustrant les évangiles de la nativitié : Luc et Matthieu. Les images ne sont pas fournies, mais … Lire la suite

Le Noël de Monsieur M et mister Mathieu

« Monsieur M et mister Mathieu » est une pièce anachronique et décalée en trois scènes, précédée d’une introduction pour attirer l’attention sur le nom de Jésus. Les personnages (dans l’ordre d’apparition) : un narrateur, une narratrice, Monsieur « M », les numéros 04-56 et 04-57, Joseph, aubergiste,  voix A et B, Marie, Bergers 1 et 2. Merci au pasteur … Lire la suite

NOËL : QUEL ACCUEIL !

NOËL : QUEL ACCUEIL ! Spectacle fait à la paroisse de Lagny-Chelles-Marne, pasteure Laurence Berlot la Vallée le 11 décembre 2016   En bleu : le récitant (catéchumène) En vert : le lecteur des textes bibliques de Luc et Matthieu (catéchumène) 1ÈRE PARTIE : Joseph, Marie, 2 hôteliers et l’aubergiste Scène 1 : Marie et … Lire la suite

Trésors de Noël

Fête de Noël des enfants  vécue en Alsace. Matériel : photophores + allume-feu, moutons, banderole : « Lumière pour la terre, » grande crèche (bûches), rocking-chair-chair, 2 tapis, tricot, jeux pour enfants, bougie chauffe-plat Personnages : GM=  la grand-mère (elle guide le déroulement du culte) et  PE = les petits-enfants (ils lisent ou interviennent avec la grand-mère) DEROULEMENT Prélude (Musique … Lire la suite

La visite des mages dans l’évangile de Matthieu (Mt 2,1-12) : approche narrative d’une fiction théologique

ID 1367 chapo
 ID 1367 chapo

L’épisode de la venue des mages à Bethléhem est un récit depuis longtemps prisonnier du folklore de Noël. Dépouiller cet épisode du revêtement merveilleux dont plusieurs siècles d’histoire l’ont revêtu  devrait aider à redécouvrir l’interpellation que l’évangéliste souhaitait adresser à ses auditeurs de la fin du premier siècle.

Ci-contre cartouche des (rois) Mages à Arras – cliché J.-M. Vercruysse.

Le récit dans le cadre littéraire et religieux du premier siècle

Le récit de la visite des mages s’apparente aux récits légendaires relatant les événements extraordinaires entourant la naissance d’un personnage important (phénomènes célestes, intervention de mages et autres astrologues). La littérature juive et païenne offre de nombreux motifs parallèles à cet épisode de la visite des mages • Ainsi Pline (Histoire Naturelle 30,1, 16) et Suétone (Vie des Césars, Nero 13) rapportent la venue de mages de Perse pour honorer Néron, en 66, sur l’indication des astres, qui repartent ensuite par un autre chemin. La haggadah du petit Moïse propose les rapprochements les plus significatifs avec l’ensemble du chapitre. Des astrologues (cf le commentaire de Rachi sur Ex 1,22 ; pour Flavius Josèphe, Antiquités Juives 2,205, il s’agit d' »un scribe expert à prédire exactement l’avenir ») annoncent à Pharaon la naissance de Moïse, Pharaon s’alarme et ordonne le massacre des enfants mâles (Flavius Josèphe, Antiquités Juives 2,206). Dans le contexte propre à Matthieu, le récit se rapproche à certains égards du commentaire midrashique .

La question des sources de l’épisode, et plus largement de l’ensemble constitué par Mt 1,18-2,23, est très controversée . Matthieu a-t-il utilisé des traditions – orales ou écrites – circulant dans son univers religieux ou le récit est-il une composition originale se basant sur un genre littéraire existant ? En faveur de la première hypothèse, on souligne que l’ensemble constitué par Mt 1,18-2,23 fait apparaître une double tradition ; l’une centrée autour du personnage de Joseph (1,18-25 ; 2,13-15 ; 2,19-23), l’autre autour d’Hérode (2, 1-12 ; 2, 16-18). Matthieu aurait recueilli ces deux traditions et les aurait enchâssées. À l’encontre de cette hypothèse, on fera valoir que l’ensemble constitué par les quatre épisodes du chapitre 2 est indissociable : l’épisode de la fuite en Égypte (v. 13-15) et celui qui rapporte le retour à Nazareth (v. 19-23) n’ont de sens que par 1′ existence de 1′ épisode de la venue des mages (v. 1-12) et celui de la colère d’Hérode (v. 16-18) .
Par ailleurs, le style et le vocabulaire matthéens se font fortement sentir dans l’ensemble du chapitre. Il est de toute manière impossible de répondre de manière définitive à la question des sources ; Mt a probablement travaillé à partir de traditions qu’il est aujourd’hui difficile de reconstituer.

Les mages et l’étoile

Le terme « mages » (magos)  9 est dérivé du nom d’une caste sacerdotale de l’ancienne religion perse (Hérodote 1.101, 120, 128). Les mages étaient spécialistes en astrologie et astronomie. Par extension, dans l’antiquité, le terme désigne ceux qui possèdent une connaissance supérieure, les astrologues, les interprètes de rêves (Josèphe, Ant 10.195, 216) mais aussi les magiciens et sorciers de toutes sortes (Philon, De Specialibus Legibus 3,93). Les traditions bibliques (Ancien Testament : Dt 18,9-12 ; Es 4 7,13 ; cf. l’utilisation du terme dans une des versions grecques de Daniel : 1,20 ; 2,2.1 0.27 ; 4,4 ; 5, 7.11.15 ; Nouveau Testament : Ac 13, 6.8) et rabbiniques sont généralement critiques à l’encontre des pratiques divinatoires. Chez Matthieu cependant, aucun indice textuel ne permet de déprécier la figure des mages ; pour lui, ils sont vraisemblablement des savants, hommes sages, venus du monde païen (l’Orient- apo anatolon cf. Nb 23,7 LXX désigne ici tout ce qui est au-delà du Jourdain). Même si l’évangéliste ne le précise pas, le lecteur peut ainsi  induire qu’il s’agit là de l’élite spirituelle du monde  païen . Il faut ici faire l’effort de replacer la pratique de l’astrologie dans le contexte d’une époque où elle est indissociablement liée à 1’astronomie et constitue ainsi une véritable science.

Le thème de l’apparition d’une étoile à l’occasion de la naissance d’un personnage important est un topos classique de la littérature de l’époque. Les parallèles sont nombreux . La prophétie du devin Balaam (Nb 22,7) – venu de l’Orient (Nb 23,7) – sur l’étoile de Jacob (Nb 24, 17), dont l’interprétation messianique est très fréquente en particulier à Qumran (ainsi Écrit de Damas 7,18-21 ), offre sans doute un arrière-plan plausible à notre passage. L’étoile est, dans les traditions juives, une métaphore du Roi-Messie ; dans le Nouveau Testament, Jésus est lui-même l’étoile du matin, cf. 2P 1,19 ; Ap 22, 16. Il convient donc ici de ne pas tomber dans le piège du concordisme : ni comète, ni supernova, ni conjonction planétaire mais bien intervention miraculeuse de Dieu.

Analyse du récit

Contexte
La péricope est inséparable des trois qui lui font suite (v. 13-15 ; v. 16-18 ; v. 19-23) avec lesquelles elle forme un ensemble cohérent consacré à l’enfance de Jésus. Ce thème est construit autour d’un parcours géographique  dont la signification est avant tout théologique. À côté du déplacement des mages (de l’Orient à Jérusalem, de Jérusalem à Bethléhem et de Bethléhem vers l’Orient), le chapitre 2 est en effet articulé autour des déplacements de Jésus qui naît à Bethléhem (v. 1), est conduit en Égypte (v. 13), ramené en « terre d’Israël » (v. 21) et installé « dans la région de Galilée » (v. 22), à Nazareth (v. 23).
Le chapitre 2 est d’ailleurs saturé de références géographiques, puisqu’on en compte pas moins de 22 , et que les quatre citations scripturaires font référence à un lieu précis (cf. v. 6, 15b, 18 et 23).

Structure

Deux découpages sont envisageables. Insistant sur l’opposition entre la royauté de Jésus et celle d’Hérode, on peut proposer une structure en deux parties principales: après l’introduction annonçant l’arrivée et le projet des mages (v. 1-2), la première partie (v. 3-9a) relate la rencontre entre les mages et le « faux » roi des juifs ; la seconde partie (v. 9b-11) relate la rencontre entre les mages et le « vrai »roi des juifs, le v. 12 constituant la conclusion . On peut aussi rendre compte de l’organisation de la péricope selon une structure plus dynamique  : v. 1-2, arrivée des mages à Jérusalem et formulation de leur projet ; v. 3-6, trouble d’Hérode et intervention, sur ses ordres, des grands prêtres et des scribes ; v. 7-8, entrevue d’Hérode avec les mages ; v. 9-11, les mages trouvent Jésus ; v. 12, les mages retournent chez eux .

Lecture du texte

– Versets 1-2 : état initial

L’ensemble des protagonistes et des lieux essentiels au développement de 1’intrigue est présenté de façon extrêmement concise : Jésus, Hérode et les mages ; Bethléhem, Jérusalem et l’Orient. La naissance de Jésus est relatée de façon lapidaire. Au plan narratif, la précision est indispensable dans la mesure où 1,18-25 s’en tenait aux circonstances précédant celle-ci. Matthieu en indique le lieu (la précision « de Judée » sert moins à distinguer la cité d’origine du roi David – cf. l S 17,12- de Bethléhem de Zabulon- cf. Jos 19,15 -, qu’à préparer la citation scripturaire du v. 6), et l’époque (sous Hérode le Grand qui régna de 37 av. J.-C. à 4 av. J.-C. ). La naissance a ainsi une portée religieuse (Bethléhem) et politique (Hérode) dont la suite du récit va préciser la teneur.
Par l’expression publique de leur quête (v. 2), les mages jouent le rôle de révélateurs involontaires d’une opposition entre le Roi Hérode à Jérusalem et le Roi Jésus à Bethléhem. La suite du chapitre va en montrer le caractère irréductible. Les mages cherchent le roi des juifs dont ils ont vu l’étoile en te anatole (même expression au v. 9). On peut alors penser qu’il s’agit d’exprimer la situation de l’astre, le point cardinal en quelque sorte, à l’orient ou au levant : l’étoile du roi des juifs apparaît à l’orient, du côté des païens, pour les guider vers le Christ. Les mages viennent pour adorer (proskunesai). On a pu parler ici d’une adoration épiphanique  : par leur attitude, les mages reconnaissent la révélation divine dont ils sont bénéficiaires.

Or, s’ils se mettent en route grâce à 1’étoile, les mages n’arrivent pas à Bethléhem mais à Jérusalem d’où l’ étoile paraît absente .

– Versets 3-6 : complication

Le trouble suscité par les mages peut être une simple émotion causée par un fait insolite ; il peut aussi résulter d’une révélation (cf. Lc 1,12 : Zacharie troublé par l’apparition de l’ange du Seigneur ; Mt 14,26//Mc 6,50 : les disciples troublés par l’apparition de Jésus marchant sur les eaux ; Lc 24,38 : les disciples troublés par 1’apparition du ressuscité ; cf., dans des contextes de révélation, Tobie 12,16 ; Dn 5,9 ; 7,15, version Theodotion ). Il s’accompagne alors, le plus souvent, de la crainte liée aux manifestations du divin. Compte tenu du genre littéraire de l’ensemble constitué par Mt 1,18-2, 23, c’est ce dernier sens qui nous paraît ici le plus probable : les propos des mages constituent, pour Hérode, une révélation. Loin cependant de le pousser à la crainte et à l’adoration, elle produit chez lui une opposition mortelle à celui en qui il découvre un concurrent. Hérode joue ici le rôle de Pharaon par rapport à Moïse : son attitude suggère le thème biblique de l’endurcissement. L’expression « tout Jérusalem » signifie-t-elle que la ville partage ce sentiment et cette attitude ? Le met’ autou (« avec lui») plaide en cette faveur : pour Matthieu, Jérusalem représente déjà la ville où Jésus va mourir.

Hérode assemble (v. 4) les grands prêtres et les scribes. La mention du « peuple » fait écho à l,21 et annonce 2,6. Pour la reconnaissance de son Messie (au v. 4, le terme Christos doit être traduit par « Messie » puisqu’il s’agit non pas de Jésus mais du titre générique) le peuple est à la merci de ses responsables religieux. Sans doute, la non-reconnaissance du Messie par Israël fut-elle un trouble pour 1′ évangéliste et sa communauté, d’autant plus que, comme le montrent les v. 5-6, les scribes avaient, selon Matthieu, tous les éléments pour qu’elle soit possible. La justesse de la démarche exégétique des responsables religieux d’Israël (v. 5-6) ne produit aucun déplacement de ces derniers vers Bethléhem : ils sont immobiles, enfermés dans leur savoir théorique. L’immobilisme qui les caractérise est ici le signe de l’opposition et de l’incrédulité. Dès le début de son évangile, quoique de manière encore mesurée, Matthieu construit négativement le personnage des chefs du peuple.

La réponse des responsables religieux à la question d’Hérode n’est pas, à proprement parler, une citation d’accomplissement (ces dernières apparaissent toujours comme des interventions de l’évangéliste lui-même dans son récit, cf. en Mt 1-2 ; 1,22-23 ; 2,15. 17-18 et 23). La référence aux Écritures n’en a pas moins d’importance ici. Le texte auquel se réfèrent les chefs du peuple est Mi 5,l-3 (+ 2 S 5,2). Matthieu diffère à la fois de la LXX et du texte hébreux. Les trois corrections majeures sont d’abord le remplacement d’Ephrata par terre de Juda, ensuite le renversement complet de la proposition affirmative en proposition négative (tu n’es certainement pas) et enfin, l’adjonction de 2 S 5,2 à la place de Mi 5,3. Comme ses contemporains juifs, Matthieu manie les Écritures avec une grande liberté, au service de sa conviction de la messianité de Jésus. L’utilisation de Mi 5,1-3 s’explique par deux raisons principales : d’une part le passage faisait déjà l’objet, dans les traditions juives contemporaines de Matthieu, d’une interprétation messianique (cf. le Targum de Michée), d’autre part la mention, au v. 2a de la femme enceinte, non reprise par Matthieu mais connue de ses auditeurs.

– Versets 7-8 : dynamique

À la différence des chefs du peuple, Hérode, lui, réagit. Il convoque les mages en secret (lathra, déjà utilisé pour exprimer le projet de Joseph de répudier Marie). Ici le secret ne peut être interprété que comme machination. Le terme contraste en effet avec la publicité faite par les mages à leur arrivée, le trouble de tout Jérusalem et le cadre de révélation donné à 1’ensemble de la péricope. À ce point du récit, c’est le seul indice textuel relativement explicite d’un projet négatif d’Hérode. Il recoupe cependant l’image que l’auditoire matthéen a vraisemblablement construit sur la foi de ce qu’il connaît de la figure historique d’Hérode comme souverain usurpateur, inquiet et cruel. Par touches successives, Matthieu connote ainsi l’image négative d’Hérode jusqu’à sa pleine révélation au v. 13. Ainsi s’explique, au v. 7b, l’interrogation des mages par Hérode : narrativement, elle prépare l’énoncé de son projet meurtrier au v. 16 ( comp. le v. 7b et le v. 16b). De même encore, 1’énoncé de son intention d’aller lui-même adorer l’enfant (v. 8b) ne peut tromper le lecteur. Si Matthieu utilise ici le même terme pour les mages et pour Hérode (« adorer »), le lecteur est invité à être attentif : il y a loin de la parole aux actes, de l’intention exprimée à l’intention réelle.

– Versets 9-11 : résolution

Après leur entrevue avec Hérode, les mages poursuivent leur route. Plutôt qu’obéir, akousantes (v. 9) signifie, dans ce contexte, entendre (cf 2,3.18 et 22) : les mages sont au bénéfice des informations que leur donne Hérode. On peut cependant s’interroger sur la valeur réelle que Matthieu accorde à ces informations, puisque l’étoile réapparaît aussitôt après le départ de Jérusalem, quand Hérode disparaît de la scène. C’est elle en dernière instance, et non Hérode, qui guide les mages. C’est elle, enfin, et non les informations données par Hérode, qui suscite la joie des mages. Cette joie (ailleurs chez Mt : 13,20.44 ; 25,21.23 ; 28,8) est soulignée par l’évangéliste de façon emphatique. Elle est un indice supplémentaire (avec le thème du projet d’adoration accompli au v. 11) de la construction positive du personnage des mages. Le vocabulaire du v. 11 produit un contraste frappant. D’un côté le geste d’adoration des mages et la qualité de leurs présents (une allusion au pèlerinage eschatologique des nations qui apportent à Sion le meilleur de leurs produits ; cf. Es 60,6 ; Psaumes de Salomon 17,31), sans oublier auparavant l’apparition de l’étoile, l’entrevue avec Hérode à Jérusalem, la confirmation des Écrits sacrés. De l’autre le caractère dépouillé de la royauté de Jésus : une maison, un enfant avec Marie sa mère.

– Verset 12 : état final

Le retour des mages dans leur pays « par un autre chemin » fait suite à une révélation spéciale. Avant que le lecteur ne sache encore ce que manigance Hérode, il sait pourtant qu’il n’est pas, qu’il n’a jamais été, le maître de la situation : Dieu, par son intervention souveraine, rompt définitivement le lien entre les Mages et Hérode.
Conclusion
« C’est paradoxalement aux personnages les plus susceptibles d’éveiller la méfiance du lecteur enraciné dans la tradition biblique que Matthieu a choisi de confier le rôle positif en Mt 2,1-12 » annonçant « le rejet de Jésus par les représentants d’Israël et son accueil joyeux par les païens ». D’une certaine manière, l’adoration des Mages trouve un écho lointain dans la finale de Mt 28,17-20 où le Christ Ressuscité envoie ses disciples vers toutes les nations : « En ces versets conclusifs du premier évangile où le Ressuscité s’adresse au Onze prosternés devant lui, le mouvement évoqué est inverse : il n’y est plus question des Nations qui marchent vers Bethléem, mais des disciples envoyés vers elles depuis une montagne de Galilée. L’autre chemin par lequel les Mages sont rentrés ne prépare-t-il pas, dans la perspective de Matthieu, la route qu’emprunteront plus tard les disciples pour aller là où une étoile a d’abord parlé ? » . Si tel est le cas, alors ce récit des Mages constitue le premier volet d’une grande inclusion enchâssant un récit par lequel l’évangéliste veut convier son lecteur à comprendre la dimension universelle du messianisme dont il est le témoin.

Thèmes théologiques

– Le contraste entre la démarche positive des mages étrangers et l’opposition ou l’indifférence des autorités politiques et religieuses juives est le moteur principal de l’intrigue. On peut insister sur le fait que l’épisode porte les germes du conflit à venir entre Jésus et son peuple (sous l’aspect de ses responsables politiques et religieux) qui aboutira à la Passion. On peut aussi souligner qu’il préfigure l’universalisme matthéen (sous le signe du déplacement des savants païens vers Jésus et de leur adoration).

– L’épisode amorce également une réflexion sur l’intervention de Dieu dans l’histoire. Jésus est inscrit dans une histoire dont il est, pour l’heure, un acteur passif. Matthieu ne dit pas que Dieu dirige l’histoire (ni le contraire) mais qu’il intervient par des signes forts, des révélations particulières ou encore dans les Écritures. C’est la réaction des individus à ces interventions qui provoque les événements dont ils ne sont cependant pas les maîtres. Pour les uns (les mages) c’est une mise en marche dans la confiance ; pour d’autres (Hérode), l’intervention de Dieu est une contestation de leur pouvoir et ainsi l’occasion d’une opposition.

– À la lecture de ce récit, on peut également être conduit à réfléchir à 1′ articulation entre sagesse humaine et Révélation divine. Les mages se mettent en marche sur la base d’une révélation miraculeuse (l’étoile) que leur fonction (leur science) les prédisposait à découvrir. Il est ici à rappeler qu’ils arrivent à Jérusalem et non pas à Bethléhem (n’est-ce pas leur sagesse humaine qui les a conduits à la capitale des rois d’Israël ?) et que l’étoile ne réapparaît que lorsqu’ils quittent Hérode . À l’inverse, Hérode et les chefs du peuple connaissent, par les Écritures, ce que les mages cherchent depuis l’Orient lointain. Ce savoir objectif n’est cependant pas synonyme de foi. Les Écritures en elles-mêmes ne produisent pas la foi .

– Au final, faut-il aller jusqu’à dire avec tel exégète , non seulement que l’astrologie s’incline, mais encore, que l’évangéliste souligne la suprématie du Seigneur sur les « Éléments du monde » (Ga 4,3) ? Une chose est sûre : au terme de leur périple, les mages s’en retournent par un autre chemin !

Élian CUVILLIER

Pour se procurer les actes du colloque : cliquer ici

 

 

 

 

 

 

 

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Actes du colloque « Les (rois) Mages »

ID 1366 Graphé
 ID 1366 Graphé

Le colloque annuel organisé par la revue Graphè, fidèle à une alternance entre Ancien et Nouveau Testament, a été consacré en 2010 aux (rois) Mages, figure emblématique des récits de l’enfance dans les évangiles où histoire et théologie s’avèrent intimement liées.
Seul Matthieu rapporte la présence des Mages (Luc met en scène l’adoration des bergers) au moment de la Nativité. Mais la péricope (Mt 2, 1-12) ne les désigne pas comme monarques (d’où la parenthèse dans le titre du colloque), n’indique pas leur nombre et ne mentionne pas leur nom…

Venus d’Orient et guidés par une étoile, ils viennent honorer « le roi des Juifs qui vient de naître » à Bethléem, et lui apportent trois présents : l’or, l’encens et la myrrhe. Au-delà du simple récit proche du conte, le texte révèle un fort antagonisme entre Hérode le Grand et le nouveau-né présenté comme le Messie. Peut-on d’ailleurs lire la scène sans prendre en compte le massacre des Innocents ? Dans un jeu de cache-cache avec le roi, les Mages représentent les nations païennes et constituent un témoignage décisif dans l’histoire du salut.
Face à la sobriété du récit et à sa dimension dramatique, la tradition – relayée par la piété populaire – va s’emparer de ces versets pour amplifier, préciser et compléter les quelques éléments historiques et géographiques donnés dans le passage matthéen. C’est ainsi que, suivant les sources, le nombre de protagonistes oscille entre deux, trois ou douze, et qu’un quatrième roi, énigmatique, apparaît dans la littérature contemporaine. Le pays d’origine est lui-même objet de questionnement. Chaque Mage se verra attribuer une patrie dans la lointaine filiation des fils de Noé et portera bientôt un nom.

Les trois présents ont également nourri une riche symbolique. La littérature apocryphe offre à ce sujet de nombreuses variantes dont témoigne La Légende dorée. Le récit invite à s’interroger sur l’étoile qui guide les Mages et sur le thème de l’universalisme qui sous-tend la narration et justifie la fête de l’Épiphanie dans le rite latin. Quant à l’itinéraire de retour, il a conduit les mystérieux voyageurs jusqu’aux frontières de l’Inde avant que leurs reliques ne soient honorées d’abord à Milan, puis à Cologne. L’iconographie est tout aussi abondante. La scène de l’« adoration des mages » apparaît dès l’époque paléochrétienne dans les catacombes. Dans la fameuse mosaïque de Sant’Apollinare Nuovo à Ravenne, les Mages sont vêtus en costume persan et portent le bonnet phrygien. Des programmes sculptés des cathédrales aux représentations plus anecdotiques des XVIe et XVIIe siècles, la scène s’inscrit souvent dans les cycles narratifs comme pendant de l’annonce aux bergers.
La visite des Mages fait partie de ces épisodes bibliques qui ont copieusement nourri l’imaginaire occidental. Elle a l’allure d’une véritable (en)quête où une étoile, un roi jaloux et un oracle prophétique constituent des indices précieux. Dans une démarche intertextuelle et pluridisciplinaire, le colloque a porté sur la figure des mages dans les Écritures, sur son évolution
au gré des époques, et, toujours en miroir du texte biblique, sur les relectures littéraires, philosophiques et artistiques qu’elle a pu susciter au fil des siècles.
L’ensemble des communications est parue dans le numéro 20 de la revue Graphè.

Pour tout renseignement, s’adresser à :
Université d’Artois / Maison de la Recherche
Revue Graphè numéro 20 – colloque « Les (rois) Mages »
9 rue du temple BP 10665 F – 62030 Arras cedex
téléphone : 03 21 60 38 26 / télécopie : 03 21 60 38 12
courriel : mariejeanne.dessery@univ-artois.fr
www.univ-artois.fr/graphe

 

 

 

 

 

 

 

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Le chemin des mages

ID 1346 115
 ID 1346 115

Lorsqu’on cherche Dieu, un signe [l’étoile] nous montre le chemin. Il faut chercher un signe pour trouver notre chemin.

Nous allons fixer notre regard sur l’étoile, qui voudrait nous conduire au roi du monde.
Cette  étoile,  comme beaucoup d’autres étoiles, est un signe sur notre chemin à la recherche de Dieu.      
En la suivant, nous découvrirons l’histoire des premières heures de Jésus

Nous sommes accueillis
et nous écrivons notre nom/collons notre étoile sur l’arbre !
ID 345 1

Nous  prenons le goûter.
Nous décorons chacun notre lanterne étoilée
et nous montons pour chanter près de l’orgue.

Puis nous descendons, nous allumons la bougie
pour dire que Dieu est là.

Nous nous saluons et… nous chantons :

Ref. Tout le monde, tout le monde, est bien arrivé
1-    Petits enfants, parents bien grands, les gens bien ronds, les gens biens fins.
2-    Les fatigués, les réveillés, les gens sportifs, les gens qui lisent.

Oh ! Mais que se passe-t’il ?

Une étoile vient d’apparaitre ! Et si elle voulait nous montrer quelque chose ? Et si elle nous aidait à trouver le roi que nous voulons chercher ! Suivons-là !

Nous chantons :

Comme les mages, comme les mages, De tout notre cœur, de toute notre foi, Comme les mages, comme les mages,
Seigneur, nous marchons vers toi.
Comme une étoile sur notre route, Comme une lampe devant nos pas, Pour ceux qui cherchent, ceux qui t’écoutent, La vraie lumière, Jésus, c’est toi.
Comme les mages, comme les mages, De tout notre cœur, de toute notre foi, Comme les mages, comme les mages,
Seigneur, nous marchons vers toi.

ID 345 3

Où est le roi qui vient de naître ?

Nous avons vu son étoile se lever, et nous sommes venus le rencontrer.

Comme les mages, comme les mages, De tout notre cœur, de toute notre foi, Comme les mages, comme les mages, Seigneur, nous marchons vers toi.
Le roi du monde qui vient de naître, Il ne faut pas aller le chercher Auprès des princes que l’on vénère :
Parmi les pauvres il veut demeurer.
Comme les mages, comme les mages, De tout notre cœur, de toute notre foi, Comme les mages, comme les mages, Seigneur, nous marchons vers toi.

Mais où allons-nous pouvoir trouver le roi ? Dans la Bible ? A Bethléem ? Allons-voir !

Comme les mages, comme les mages,
Seigneur, nous marchons vers toi.
Quand tu nous parles, bonne nouvelle,
Tu nous apportes lumière et joie ;
Par ta parole, Dieu se révèle
Et nous voyons son visage en toi
Comme les mages, comme les mages,
De tout notre cœur, de toute notre foi,
Comme les mages, comme les mages,
Seigneur, nous marchons vers toi.

ID 1346 345 5

Puis nous parlons à Dieu avec tout notre corps.

Et après, nous chantons :

Ref. Tout le monde, tout le monde rentre à la maison

3-    Petits enfants, parents bien grands, les gens bien ronds, les gens biens fins.

4-    Les fatigués, les réveillés, les gens sportifs, les gens qui lisent.

Nous recevons la bénédiction et nous nous saluons !
          

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Quelle lumière dans notre obscurité ?

ID 1345 115  Les premiers qui rendirent visite à l’enfant Jésus étaient des mages. Des mages venus d’Orient. Ces mages, que les évangiles apocryphes et la légende ont promu rois, étaient en réalité des prêtres venus de Perse et des contrées voisines. Ils représentaient l’élite intellectuelle du Moyen Orient ancien, et sans doute aussi la religion de Zoroastre, en vigueur dans ces pays.

Lectures : Es 60, 1-6 ; Ps 8 ; Mat 2, 1-12

Matthieu l’évangéliste reprend un scénario connu de la littérature de l’époque : un enfant, appelé à devenir un grand roi – en l’occurrence le messie d’Israël, reçoit la visite de notables étrangers qui viennent lui offrir des présents.

C’est l’obscurité qui domine.

Nous avons tous retenu la scène, depuis notre tendre enfance, de ces mages magnifiquement vêtus, guidés par un astre brillant de tous ses feux, et qui viennent s’agenouiller devant l’enfant lui-même baigné de lumière. Les beaux cantiques de Noël résonnent encore à nos oreilles. Tout est beau, lumineux et paisible. Dans les jours qui viennent nous rangerons la crèche avec les enfants, et les petits santons retrouveront leurs boites enveloppés dans les papiers de soie.
Ce qui est resté dans l’imagerie populaire n’est hélas qu’une partie de la réalité. Le message de l’Évangile a été escamoté. La réalité, c’est que le peuple d’Israël était dans l’obscurité. Le récit des mages, pris hors de leur contexte, donnent une fausse idée de la réalité. Il faudrait lire la suite : des innocents sont massacrés par le roi Hérode, ce roi cruel qui ne supporte pas l’existence d’un rival potentiel. Ce qui domine hélas dans le tableau de la naissance et de la petite enfance de Jésus, ce n’est pas la lumière, mais l’obscurité. Une lumière, certes, mais fragile, et que les puissants cherchent à étouffer.
L’évangéliste Matthieu reprend un récit enchanteur et lumineux de la littérature de son époque, pour le placer dans le contexte d’un peuple désenchanté et sombre. Un peuple qui était las de subir coup sur coup les régimes oppressants des Grecs, puis des Romains, et, dans la nostalgie d’un passé lointain, attendaient qu’un messie se lève en leur sein pour restaurer le trône de David. Un peuple figé dans sa spiritualité par un code de lois rabbiniques, que les pharisiens avaient peu à peu transformés en carcan.
Mais voilà que se lève précisément le messie qu’ils attendaient. Quelle réaction ont-ils, ceux qui l’attendaient ?
Curieusement, la nouvelle de sa naissance ne provoque que l’indifférence ou l’hostilité.
Indifférence des juifs de Jérusalem, car personne ne se lèvera pour aller voir l’enfant à Bethléem. Ce n’était pourtant pas bien loin. 10Km au Sud de Jérusalem. Les intellectuels – scribes et pharisiens, font juste l’effort de consulter les Ecritures et retrouver les prophéties anciennes. Mais ils ne bougent pas. Ils restent figés dans leur sagesse. A quoi cela sert-il d’aller voir un enfant ? Il n’y a rien à apprendre d’un enfant de toute manière. On peut apprendre quelque chose des livres, pas d’un enfant.
Indifférence. Hostilité aussi, de la part des autorités : Hérode et son entourage, voient clairement la menace. Comment la dynastie au pouvoir peut-elle accepter qu’une famille inconnue puisse les supplanter ?
Indifférence, Hostilité. Seuls trois étrangers ayant parcouru, non pas 10 Km, mais plus de 500 Km, sont venus voir l’enfant.

C’est donc bien sur fond d’obscurité que la lumière de l’enfant a brillé, c’est dans un ciel sans lune ni étoile que l’astre a brillé.
Comme nous l’avons lu dans Esaïe :

Lève-toi, brille : ta lumière arrive,
La gloire du Seigneur se lève sur toi.
Certes, les ténèbres couvrent la terre
Et une obscurité épaisse recouvre les peuples.

Chaque siècle a son obscurité

Les peuples de l’Orient aussi étaient dans l’obscurité à l’époque de Jésus. La religion de Zoroastre croyait que tout était gouverné par un combat entre les forces du mal et les forces du bien, dans les cieux, sur la terre et jusque dans le cœur de l’homme. Religion dualiste. Mais ils n’étaient pas assurés, semble-t-il que les forces du bien puisse l’emporter sur les forces du mal. La religion des mages était dans une impasse. Peut-être les mages voyaient-ils dans l’astre qui s’est levé, et dans le petit enfant de Bethléem qui est né, l’espoir de sortir de cette impasse ? Je le crois.

Et nous aujourd’hui, n’avons-nous pas l’impression d’être dans une impasse ? Chaque siècle a son obscurité. Notre société dite moderne ne connaît-elle pas une certaine obscurité sur le plan moral ? Par exemple dans le domaine des droits de l’homme ?
Le 20ème siècle avec ses 2 guerres mondiales fut de loin le plus meurtrier de tous les siècles qu’a connu l’histoire. Quel sera le 21ème siècle ? L’esclavage a-t-il vraiment disparu ? Le recours à la torture continue dans certains pays. Les enfants maltraités et les femmes opprimées se comptent par millions. La montée des fanatismes religieux, dans une partie de l’Islam et dans une partie de l’Hindouisme, n’est-il pas pour une part la résultante de notre incapacité, à l’échelle mondiale, de réduire les inégalités entre les pays riches et les pays pauvres ?
Mais arrêtons-là la liste de tout ce qui assombrit notre 21ème siècle. On pourrait aussi, sans aller chercher à l’étranger, regarder ce qui se passe en France chez les jeunes. Car nous détenons le triste record en Europe du nombre de suicides de jeunes. La France aussi a ses obscurités.

Regarder aussi ce qui brille

Mais il faudrait aussi parler de ce qui brille dans l’obscurité. Quelles sont les étoiles qui se lèvent dans le ciel un peu sombre de notre 21ème siècle ? Ce n’est pas facile de répondre à cette question. D’abord, les media ne nous y aident pas ; ce sont les accidents, les conflits et les préparatifs de guerre que le petit écran nous montre en priorité. Mais les étoiles, où sont-elles ? Ce sont les hommes et les femmes qui par leur courage et leur détermination nous donnent l’espérance d’un monde de paix et de respect des droits de chaque être humain. Vous avez sûrement des noms en tête, et j’en ai aussi, des noms connus comme les prix Nobel de la Paix, ou des moins connus. Il y a aussi les nombreux artisans de paix qui oeuvrent en silence, des hommes et des femmes ordinaires dont l’histoire ne retiendra sans doute jamais les noms.

Aller voir l’enfant

Car ce qui brille dans notre obscurité et qu’il faut aller voir, ce n’est pas nécessairement ce dont parle – si peu au demeurant, les media. Certes, les Sœurs Emmanuel, les Nelson Mandela et autres grands témoins de la paix éclairent notre humanité, nous tirent du désespoir, mais il faut aussi aller voir l’inconnu, le petit, le fragile qui est à notre porte.
Prenons exemple sur les mages. Ils n’ont pas été voir un prix Nobel de la Paix. Cela peut surprendre, d’ailleurs. Certes, ils sont d’abord allés au Palais du roi Hérode, mais ils n’y ont pas trouvé ce qu’ils cherchaient. Notons au passage, j’ouvre une parenthèse, que l’étoile qu’ils avaient vue se lever en Orient ne brillait pas au-dessus du palais à Jérusalem. Elle s’est mise à briller, nous dit l’Evangile, lorsqu’ils sont repartis vers Bethléeem.
Ces mages, donc, ont fait tout ce chemin pour aller voir un illustre inconnu, un petit, un fragile. Ils sont allés voir un enfant. Ce qu’ils cherchaient et qu’ils ont trouvé, pour sortir de leur impasse métaphysique, pour éclairer leur obscurité, c’était l’enfant.
Je crois qu’il faut retenir le sens profond, le mystère même, de cette scène des mages qui contemplent et adorent un petit enfant. Peut-être nous aussi, pour éclairer nos vies parfois assombries par le cynisme environnant, avons-nous besoin de contempler le petit enfant.

Je ne dis pas qu’il faut mettre le petit enfant sur un piédestal, ou prendre au pied de la lettre le dicton populaire qui dit que la vérité sort de la bouche des enfants. Non, mais la figure de l’enfant peut nous éclairer, de façon que nous ne soupçonnons pas. Je crois qu’il y a une proximité mystérieuse entre Dieu et les petits enfants. Cette idée, d’ailleurs, est profondément biblique.

Le psalmiste s’écrie : Eternel, notre Seigneur, que ton nom est magnifique sur toute la terre
Ta majesté s’élève au-dessus des cieux
Et il ajoute de façon surprenante :
Par la bouche des enfants et des nourrissons, Tu as fondé ta gloire, à cause de tes adversaires,
Pour imposer silence à l’ennemi et au vindicatif.

Aux yeux de Dieu, le vindicatif et le puissant ne font pas le poids devant le petit enfant.
La gloire de Dieu repose sur le petit, le fragile, le vulnérable.

Il y a une proximité entre Dieu et le petit enfant, pas seulement du petit Jésus, bien sur, mais de n’importe quel petit enfant. Disons plus précisément qu’il y a une proximité entre le Royaume de Dieu et le petit enfant. Jésus lui-même l’a rappelé à plusieurs reprises. Dans Matthieu au chapitre 19 :
Les gens lui amenèrent des enfants, afin qu’il leur impose les mains et prie pour eux. Mais les disciples le rabrouèrent. Alors Jésus dit : « laissez faire les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi ; car le Royaume des Cieux est pour ceux qui sont comme eux. »

Voilà pour la Bible, et ce n’est pas exhaustif.

Vous connaissez la belle chanson d’Yves Duteil :  » prendre un enfant par la main  » 

(si j’avais du talent, je vous l’aurais chanté) :

Prendre un enfant par la main
Pour l’amener vers demain
Pour lui donner la confiance en son pas
Prendre un enfant pour un roi
Prendre un enfant dans ses bras
Et pour la première fois
Sécher ses larmes en étouffant de joie
Prendre un enfant dans ses bras.

Prendre un enfant par le cœur
Pour soulager ses malheurs
Tout doucement sans parler, sans pudeur,
Prendre un enfant sur son cœur.
Prendre un enfant dans ses bras
Mais pour la première fois,
Verser des larmes en étouffant sa joie
Prendre un enfant contre soi.

Prendre un enfant par la main
Et lui chanter des refrains
Pour qu’il s’endorme à la tombée du jour,
Prendre un enfant par l’amour
Prendre un enfant comme il vient
Et consoler ses chagrins
Vivre sa vie des années, puis soudain,
Prendre un enfant par la main
En regardant tout au bout du chemin,
Prendre un enfant pour le sien.

Je me demande si Yves Duteil, qui avait certainement un cœur d’enfant, en plus d’avoir du talent, ne s’était pas inspiré de l’évangile de Matthieu :

Prendre un enfant pour un roi
Et pour la première fois
Verser des larmes en étouffant sa joie,

La figure de l’enfant

Parlons aussi de la joie. Qu’est-ce que les mages sont allés voir chez l’enfant et qui leur a donné une telle joie ? On pourrait croire que leur joie venait de l’astre qui s’était levé et s’était arrêté comme ils l’avaient prédit. La joie du savant en quelque sorte, qui voit sa théorie confirmée par l’expérience. Je crois qu’il n’y a pas que cela. C’est la joie aussi de se trouver proche de Dieu en voyant le petit enfant, une joie qui vient d’ailleurs, une joie qu’on ne commande pas.
Et je vous demande, qu’est-ce que nous enseigne la vue d’un petit enfant ? Est-ce l’innocence qui nous frappe chez lui ? une innocence que nous aspirons à retrouver, pour échapper, ne serait-ce qu’un instant, au sentiment diffus de culpabilité et de cynisme qui imprègne le monde des adultes ?
N’ est-ce pas plutôt la figure de la promesse qui se dresse derrière le petit enfant ? Le champ des possibles est plus grand chez l’enfant que chez l’adulte. Derrière l’enfant de Bethléem se dresse la promesse de sortir du siècle obscur que connaissait les mages dans leur religion bloquée. oui, c’est cela. La promesse aussi de sortir de la situation bloquée que connaissait les Juifs, sur le plan religieux et politique.
Et aujourd’hui, pour nous qui nous disons Chrétiens, la figure de l’enfant, c’est la promesse d’un avenir meilleur avec Dieu, pour notre monde et pour chacun d’entre nous individuellement. Croire en cette promesse, malgré les conflits, les haines et les préparatifs de guerre que nous voyons sur le petit écran, c’est avoir de l’espérance. Espérer contre toute espérance, dirait Saint Paul.
En contemplant un petit enfant, nous pouvons comme les mages ressentir la joie, car c’est l’espérance que nous recevons dans notre cœur.
Il nous est impossible hélas, de voir le monde avec les yeux d’un enfant, car nous avons perdu l’innocence. Mais avec les yeux de la foi, nous pouvons comme lui, voir le monde avec espérance. C’est-à-dire en croyant fermement que Dieu est capable de nous sortir des impasses, qu’il est capable d’allumer une lumière dans nos obscurités, et de nous donner un demain quand l’aujourd’hui est sombre. En reprenant les belles paroles d’Yves Duteil :

Prendre un enfant par la main
Pour l’amener vers demain

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Le massacre des innocents

La violence est omniprésente dans la Bible.  Matthieu à partir de trois versets d’une très grande dureté (Matthieu 2, 16-18) livre un exemple de violence absolue dans un cadre : la naissance de Jésus, que l’on imagine volontiers rose.

  •  Le contexte littéraire : les évangiles de l’enfance

Présents seulement chez Luc et Matthieu (sans compter les évangiles apocryphes), ils sont très différents. Chez Matthieu, qui ne raconte pas la naissance elle-même, c’est Joseph qui est le personnage principal. On note l’importance des songes, communication semi directe avec Dieu, et l’importance de l’appellation, et par là des questions d’identité.

L’évangile de Matthieu commence par une généalogie de Jésus depuis Abraham (donc juive) qui ne peut pas ne pas évoquer, pour le lecteur averti, l’histoire chaotique du peuple d’Israël, ses guerres, ses souffrances…
Puis vient l’annonce à Joseph et la simple mention de la naissance de Jésus.

Le chapitre 2 est consacré à la visite des mages (sages mais étrangers et païens) et au massacre des innocents, encadré par la fuite en Egypte de Joseph et sa famille, et son retour.

On fait ensuite un bond de 30 ans, avec le ministère de Jean-Baptiste, prélude à celui de Jésus. Il est remarquable que chez Matthieu l’évangile de l’enfance se termine sur le récit tragique d’un massacre.

  • L’histoire littéraire du texte

Jean Daniélou dans son livre « Les Évangiles de l’enfance » (Seuil 1967), propose quatre strates dans l’histoire de la rédaction

 Une base historique
Les indications de date, le personnage d’Hérode le Grand, roi puissant, demijuif mal accepté par son peuple, mais reconnu par Rome, soupçonneux, retors et très violent ; il a fait massacrer une partie de sa descendance qui aurait menacé son pouvoir ! En dehors de Matthieu on ne sait rien sur la visite des mages et sur le massacre qui en découle. On pense aujourd’hui que ces textes sont plus théologiques qu’historiques. On peut seulement dire que l’épisode du massacre est vraisemblable.

Un travail midrashique
Cette forme de développement littéraire consiste d’une part à développer le merveilleux, d’autre part à établir des correspondances entre des textes différents par reprise de mots et d’expressions. Autour du récit du massacre, des correspondances entre Matt 2,13 et Ex 2,15, entre Matt 2,20 et Ex 4,19 suggèrent que Jésus est le nouveau Moïse ou le nouvel Israël.

 L’apport de « testimonia »
Les testimonia sont des recueils entiers de fragments de textes de l’Ancien Testament prouvant la messianité de Jésus ou montrant qu’il accomplit l’alliance. Il circulait des listes de ces textes. Matthieu a dû en utiliser. Le testimonium de notre récit est une citation libre de Jérémie 31, texte écrit en situation de crise. Le verset 11 cité rappelle le tragique et la désolation , mais il se trouve dans un chapitre de restauration qui annonce l’espérance pour le futur. Libération, salut, espérance ne s’annoncent pas sans que la souffrance et la violence soient rappelées.

 Les choix rédactionnels de Matthieu
On comprend les mages, cela signifie l’élargissement de la Bonne nouvelle de la naissance de Jésus, le signe de l’ouverture de l ‘Evangile au monde d e la science et aux autres religions païennes. On comprend la fuite en Égypte (Jésus nouveau libérateur), Mais pourquoi un massacre, et pourquoi en parler si brièvement ? Quel est le sens symbolique du meurtre des enfants ?
Aucun des deux récits à forte charge théologique (la reconnaissance de Jésus par les païens, le séjour de Jésus en Égypte) ne nécessitaient un massacre. Y avait-il une tradition à son sujet ? Matthieu, en tout cas a jugé nécessaire de rapporter cet événement à propos duquel Hébert Roux parle de « mystère de l’iniquité » en finale du récit de la naissance de Jésus.
La violence doit être racontée, démasquée et non voilée ou niée.

  • La forme du texte (travail en groupe)

Concision, concentration, dépouillement caractérisent notre récit. Comme si l’on était devant l’irracontable… ou comme si l’on voulait exprimer le caractère bref de la violence. Seule la « longue plainte » de Rachel rappelle la souffrance qui dure… bien au-delà de l’acte de violence.

Le lecteur peut se poser bien des questions sur les circonstances journalistiques du massacre (nombre de soldats, d’enfants, durée de l’opération). C’est le fait brut et lui seul que le texte transmet.

Quel titre pour notre bref passage ? Parmi ceux qui ne se contentent pas de nommer l’événement mais qui donnent un début d’interprétation, on peut noter celui-ci : « Échec au roi ».

  • Présenter le récit aux enfants

C’est ce que propose Marguerite Rosenstiehl dans le dossier de la Société des Ecoles du Dimanche: Une Nouvelle Étoile, Pour quel Roi ? »

Les notes bibliques indiquent bien que « Jésus entre dans un monde cruel et violent, face à des tyrans qui n’hésitent pas à provoquer des massacres pour conserver leur pouvoir, dans un monde de haine qui lui est hostile dès le départ et qui cherche à se débarrasser de lui. Un monde auquel le Christ n’échappera pas et qui finira par le clouer sur une croix. Il vient bien dans notre monde, dans sa réalité 1a plus difficile ».

Le jeu cruel du pouvoir est bien indiqué, la relation avec la passion mise en évidence.
Les pistes de réflexion nous indiquent que « le massacre des enfants est (dans l’ensemble de Matthieu 1 et 2) la seule initiative uniquement humaine. De ce projet Dieu est absent ».
Cependant Dieu laisse faire, il laisse chacun face à ses choix et responsabilités dans l’exercice du pouvoir (pas seulement politique).

La proposition de narration faite dans ce document à propos du massacre des innocents parle de colère, de jalousie, de soif du pouvoir à propos d’Hérode. Comme le texte biblique, elle ne donne aucun détail sur le massacre lui-même. Le fait que Jésus échappe à la mort n’est pas présenté comme miraculeux, mais mis en rapport avec sa mort bien plus tard sur la croix. Elle parle d’espérance et de vie nouvelle.

En résumé, on pourrait dire démasquons la violence, sans nous laisser submerger par elle.

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